Physiopatologie du paludisme

PHYSIOPATOLOGIE DU PALUDISME

La symptomatologie du paludisme dépend de plusieurs facteurs liés aux caractéristiques de l’hote (niveau d’immunité en particulier) et surtout du parasite : espèce plasmodiale en cause, intensité de l’infestation, mode d’inoculation, phase du développement parasitaire. D’une manière générale, le cycle exo-érythrocytaire, hépatique, demeure strictement asymptomatique et les seules manifestations cliniquement décelables résultent de la schizogonie endo-érythrocytaire. Pour une assez large part, la physiopathologie du paludisme a bénéficié ces dernières années des connaissances acquises grâce aux cultures de P.falciparum.

ACCES PALUSTRE SIMPLE

Pour la fièvre, le facteur déclenchant est la libération, au moment de l’éclatement des hématies parasitées, du pigment malarique (hémozoïne) qui se comporte comme une substance pyrogène agissant sur les centres bulbaires, la thermo-regulation. La quantité d’hémozoïne libérée par chaque hématie est évidemment négligeable mais lorsque la parasitémie atteint un certain seuil, le nombre d’hématies parasitées qui éclatent en libérant du pigment pyrogène est suffisant pour entraîner des manifestations fébriles. Pendant la phase du début, le cycle endo-érythrocytaire des differents Plasmodium est encore mal synchronisé. La fièvre a alors une allure continue et elle est généralement modérée. Progressivement, les cycles se synchronisent et la libération régulièrement répétée, du pigment malarique confère à l’accès palustre l’une de ses caractéristiques principales, la périodicité. Pour une part, l’anémie résulte évidemment de l’éclatement des hématies parasitées. Pourtant, il ne semble pas s’agir là du phénomène le plus important et le rôle principal reviendrait à des mécanismes immunologiques :

1) fixation sur les membranes érythrocytaires d’antigènes plasmodiaux solubles responsables d’hémolyse sous l’action des anticorps correspondants, 2) action de facteurs plasmatiques, libérés par les Plasmodium et fragilisant la paroi érythrocytaire, 3) activité opsonisante d’autres produits du métabolisme parasitaire, favorisant la phagocytose des hématies par les histiocytes. L’hépatomegalie et surtout la splénomégalie sont la conséquence de l’hyperactivité du système réticulo-endothélial, chargé de débarrasser l’organisme aussi bien du pigment malarique que des débris érythrocytaires.

NEURO-PALUDISME

C’est dans ce domaine que la physiopathologie a fait les progrès les plus récents. Le neuro-paludisme est en effet uniquement provoqué par P.falciparum dont les schizontes endo-érythrocytaire sont normalement absents du sang périphérique et ne se trouvent que dans les capillaires viscéraux, cérébraux en particulier. On a longtemps considéré que la présence d’hématies parasitées par ces formes évolutives volumineuses suffisait à expliquer les phénomènes de micro thromboses ou, en tout cas, le ralentissement circulaire déclenchant la suite des troubles observés dans le neuro-paludisme. En fait, le primum movens pourrait être la présence, à la surface des hématies parasitées, de protubérances particulières appelées « knobs » par les auteurs anglo-saxons. Ces microprotuberances provoquent un phénomène d’adhérence sur l’endothélium vasculaire et une stase circulaire. Il en résulte une séquestration puis la formation de thrombine intra vasculaires avec, très probablement, l’intervention supplémentaire de phénomènes immunologiques puisque les protubérances possèdent une activité antigénique apparemment importante. Le ralentissement du flux capillaire provoque de l’anoxie, voire une véritable ischémie responsable d’hémorragies périvasculaires et de nécrose de la substance blanche. Par ailleurs, surviennent des modifications de la perméabilité capillaire responsable d’œdème. Ces perturbations sont liées non seulement à l’anoxie et aux altérations de la paroi vasculaire mais également à la libération de substances vaso-actives (bradykinine et histamine) dont la présence dans le sang a été expérimentalement démontrée. Enfin, peut survenir tardivement un syndrome de coagulation intravasculaire, thrombopénie chute des cofacteurs de la coagulation et augmentation des produits de la dégradation de la fibrine.
De nombreux points restent cependant à éclaircir dans la physiopathologie de l’accès pernicieux. On ignore en particulier pourquoi les seules hématies parasitées par des formes matures de P. falciparum adhérent à l’endothélium des vaisseaux alors que les érythrocytes contenant des schizontes de P .vivax ou de P. malariae peuvent également présenter des protubérances (knobs) qui ne modifient en rien leur adhésivité. Par ailleurs, au sein de l’espèce P. falciparum, il existe certaines souches qui ne provoquent jamais, in vitro, de protubérances de la membrane érythrocytaire. On ignore si cette hétérogénicité se retrouve in vivo, ce qui impliquerait alors que certaines souches de P. falciparum sont seules capables ou plus régulièrement capables de provoquer des neuro-paludismes.

COMPLICATIONS RENALES 

Leur physiopathologie a donné lieu à de très nombreux travaux au cours de ces dernières années. Schématiquement, deux types d’atteintes rénales que tout oppose doivent être distinguées au cours du paludisme. Les atteintes aiguës, transitoires, réversibles après un traitement, peuvent s’observer dans les premières semaines d’évolution d’un paludisme à P. falciparum ou, beaucoup plus rarement, à P. vivax. Elles sont caractérisées par le dépôt d’immunoglobulines (principalement d’IgM) et de complément sur la membrane basale des glomérules et dans les zones mésangiales.
A l’opposé de ces glomérulo-néphrites aiguës, les lésions progressives, chroniques, sont caractéristiques du paludisme à P. malariae. Elles se développent très tardivement, à un stade chronique de l’infection et ne sont pas réversibles sous l’effet d’un traitement antipalustre. Elles sont provoquées par des dépôts granuleux d’immuns complexes. On ignore cependant encore comment les lésions commencent et pourquoi seul le paludisme à P. malariae est susceptible d’aboutir à ces atteintes chroniques. Par ailleurs, il est possible que le dépôt d’immuns-complexes ne soit pas le seul mécanisme physio-pathologique mais qu’interviennent également des phénomènes auto-immuns, liés notamment à des communautés antigéniques entre des constituants plasmodiaux et des substances telles que l’ADN (il faut d’ailleurs remarquer que des titres élevés d’anticorps anti-ADN sont fréquemment retrouvés chez les sujets vivant en zone d’endémie palustre).

SPLENOMEGALIE TROPICALE 

La splénomégalie tropicale est caractérisée par une importante augmentation de volume de la rate associée à un taux élevé d’IgM. On pense actuellement qu’elle serait provoquée par des immuns-complexes macromolécules (agglutinines froides, facteurs rhumatoïdes, anticorps hétérophiles, anticorps anti-Plasmodium) qui sont ensuite captés par le système réticulo-endothélial et provoquent la splénomégalie tropicale et suggère que le point de départ est un désordre génétique de la synthèse des IgM.

 IMMUNO-SUPPRESSION D’ORIGINE PALUSTRE 

L’effet immuno-suppresseur du paludisme est bien démontré mais on ne sait pas encore s’il s’agit d’un phénomène transitoire et partiel ou bien d’une modification totale de la réponse immune du sujet parasité. L’immuno-suppression proviendrait au moins en partie d’une altération des fonctions macrophagiques. En zone d’endémie, elle entraîne des conséquences évidemment considérables (fréquence et gravité des autres maladies transmissibles). Il est possible qu’elle explique en partie la gravité particulière de la rougeole chez les enfants africains à moins que n’intervienne la production d’une éventuelle substance mitogène qui modifierait chez ces enfants les caractéristiques du virus de la rougeole (comme pour l’action du paludisme sur le virus d’Epstein-Bahr et la survenue des lymphomes de Burkitt).

ANATOMIE PATHOLOGIE DU PALUDISME 

Au cours du paludisme, la rate, la moelle osseuse, les ganglions lymphatiques, le foie, les reins, le placenta et, dans les formes graves, le cerveau, sont le siège de lésions histologiques plus ou moins marquées. Dans l’ensemble, il s’agit d’atteintes congestives avec hyperplasie des cellules macrophagiques qui contiennent des granulations noires de pigment malarique, l’hémozoïne.
• La rate est toujours augmentée de volume dans le paludisme, elle est molle, congestive, fortement pigmentée avec une teinte gris-ardoisée ou noire, selon l’importance et la durée de l’infection. Histologiquement, les sinus sont dilatés, ils contiennent des érythrocytes parasités et de très nombreux macrophages. Dans les cordons de Billroth, les cellules du réticulum sont turgescentes, marquetées de pigment malarique qui apparaît sous forme de granules noirs de 1 à 2 microns de diamètre.
Dans le paludisme chronique (paludisme viscéral évolutif) la rate est énorme, congestive, très chargée en pigment. Il existe une hyperplasie lymphoplasmocytaire qui évolue vers la fibrose.
• La moelle osseuse est macroscopiquement brunâtre. A l’examen microscopique, on note des sinus très dilatés avec de nombreuses cellules pigmentées, les « leucocytes mélanifères ». La réaction normoblastique est constante et de nombreux parasites sont retrouvés, particulièrement dans le cas de P. falciparum.
• Les ganglions lymphatiques sont aussi le siège d’une congestion et d’une hyperplasie parenchymateuse avec, dans les ganglions mésentériques, des dépôts abondants de pigments.
• Le foie est augmenté de volume, et présente une congestion importante, une couleur gris foncé ou ardoisé et devient compact. Microscopiquement, on observe une hyperplasie des cellules de Kupffer contenant du pigment malarique. Par la suite, les dépôts de pigment peuvent envahir les espaces portes, au sein d’un infiltrant lympho-histolcytaire. Les lésions parenchymateuses n’apparaissent que lors des accès pernicieux ou parfois des fièvres rémittentes bilieuses. On peut alors observer des stades variables de dégénérescence allant de la simple vacuolisation jusqu’à l’apparition de foyers de nécrose disséminée ou centro-lobulaire.
• Les reins sont au départ peu atteints dans le paludisme. Cependant au cours des accès pernicieux, les capillaires glomérulaires et interstitiels sont encombrés d’hématies parasitées et il existe une hyperplasie endothéliale. Dans la fièvre bilieuse hémoglobinurique, des lésions non spécifiques de tubulopathie aigue apparaissent. Enfin, le syndrome néphrotique associé au paludisme à P. falciparum est d’origine immuno-pathologique. Des dépôts d’immuns-complexes provoquent un épaississement irrégulier de la membrane basale et de l’endothélium des capillaires glomérulaires.

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