Plan construction et architecture

Plan Construction et Architecture

Introduction

La recherche dont rend compte le présent rapport fait suite à une réponse à l’appel d’offre du Plan Construction et Architecture intitulé « Anthropologie de l’habitat, conception et techniques ». Cette consultation entendait inciter au développement de recherches qui renouvelleraient les « connaissances sur l’habiter » et formuleraient de nouvelles problématiques » susceptibles de déboucher sur des expérimentations. L’un des axes proposés aux chercheurs était l’analyse « des déterminations sociales et techniques dans la formation des espaces de l’habitat et dans ses représentations ». Une large place était faite à des interrogations sur l’évolution des « normes » et des « standards », en rapport avec « l’évolution des techniques » comme avec les transformations des « représentations du confort » et des « standards d’habitabilité ». Les questions de cet appel d’offre s’inscrivent dans un contexte en matière de politique du logement sensiblement différent de celui qui a prédominé jusqu’au début des années 1970. Certes, les « besoins quantitatifs » restent importants ; nombre de problèmes sociaux sont toujours, de fait, ainsi des problèmes d’habitat et plusieurs groupes sociaux ne disposent pas d’un d’habitat satisfaisant : chômeurs de longue durée, populations immigrées à faibles revenus, personnes âgées à faibles ressources, etc.
Mais il s’agit de problèmes de plus en plus spécifiques. Et il est clair que l’on ne construira pas autant de logements dans les années à venir qu’il y a dix ou quinze ans. En revanche, le parc logement et, dans une certaine mesure, la production de logements neufs apparaissent de plus en plus nettement inadaptés à l’évolution de la demande et des modes de vie.

Ces changements expliquent que, dans une certaine mesure, les problématiques du confort succèdent à celles de l’inconfort. Au delà des urgences que l’inconfort continue de susciter, on s’interroge de plus en plus sur ce qu’il faudrait modifier, créer, pour obtenir un confort plus grand. Dans cette interrogation nouvelle, la définition de normes, de modèles-types, tels que ceux que l’on a employés dans un passé récent, n’est d’aucun secours. C’est sans doute aussi, en partie, pourquoi la notion de confort est un peu partout remise à l’honneur, ainsi dans le cadre de séminaires et d’actions de la Délégation à la Recherche et à l’Innovation du Ministère de l’Equipement, du CNRS, du Plan Construction et Architecture, des industriels de l’équipement électrique, des professionnels du bâtiment, etc. On en est même maintenant à parler d’une nouvelle technologie : la « confortique »
Tel est le contexte dans lequel s’inscrit notre projet de recherche, que nous avons intitulé Luxe, confort, habitat: les références hôtelières. Avant de présenter ce que, sous ce titre, nous avons fait, il faut évoquer sommairement l’horizon des questions plus générales qui nous ont conduit à produire ce travail.
Les termes mêmes de l’appel d’offres, étaient relatifs à l’évolution des « normes » , des « standards d’habitabilité », qui, dans le domaine de l’habitat social s’expriment de nos jours en termes de « confort ». Des trois notions corrélées et historiquement situées, inconfort, confort et luxe, c’est la première dont le contenu empirique est le mieux connu. Comment donc évoluent les exigences et les représentations du confort ? D’où viennent-elles ? Telle est la première, la plus générale de ces questions. L’inconfort a fait l’objet de nombreux travaux, historiques et sociologiques, en particulier dans le domaine de l’habitat où l’Etat a, avec le financement du logement social, une responsabilité particulière. Mais le luxe a été relativement ignoré. Peu de sociologues se sont penchés sur lui depuis Veblen. Seuls quelques historiens l’ont abordé en étudiant les aristocrates ou les bourgeois. Mais ils n’ont pas toujours accordé une place aux modes d’habiter et à l’architecture qui pouvait y correspondre.

L’invention de l’hôtel

De l’auberge à l’hôtel

Les grands voyages n’étant pas chose nouvelle, on pourrait être tenté de construire une généalogie des hôtels à partir du xenodochium de l’Antiquité ou du caravansérail. Certains éléments architecturaux, comme les cours et les dessertes des chambres pourraient appuyer ce type de démarche. Pourtant Nikolaus Pevsner, qui est l’un des rares historiens de l’architecture à s’être penché sur l’histoire des hôtels et de leur architecture (1) récuse de fait cette approche ; pour lui l’hôtel procède certes des systèmes d’hébergement temporaires précédents et en particulier de l’auberge, mais s’en distingue par sa taille, par ses espaces publics et par un dispositif spécifique et autonome d’accueil. Il s’attache alors à identifier les premiers hôtels. La chose est complexe car le seuil entre auberge et hôtel n’est en aucun domaine évident. Quelques auberges de très grande taille, parfois avec des espaces publics importants, semblent avoir existé dès le Moyen Age, en particulier dans des villes d’eaux, dans le nord de l’Italie, en Allemagne .
Selon Pevsner, l’addition d’espaces collectifs, tels qu’une salle de bal par exemple, constitua souvent le premier élément de la transformation d’une auberge en hôtel. De fait, un certain nombre de grands hôtels ont leur origine dans des auberges. Pevsner cite des exemples britanniques. On peut aussi évoquer aussi le célèbre hôtel de La Cloche à Dijon, initialement auberge de la Cloche (2).Il est vrai que dans un premier temps, au début du XIX° siècle, on assista en Europe au développement des auberges et à la croissance de leur taille. Ce phénomène est à mettre en rapport avec le développement des déplacements et des échanges, et en particulier avec le développement des transports par diligence. Un peu partout se créèrent en effet des lignes nouvelles et régulières qui générèrent tout un réseau d’auberge-relais, précédant de fait le futur réseau d’hôtels liés aux chemins de fer (3) .Ces auberges relais étaient conçues en correspondance avec le module de la diligence, sa capacité, c’est à dire généralement pour accueillir deux fois une quinzaine de passagers (4). On peut considérer qu’un certain nombre de ces auberges en s’agrandissant se sont progressivement modifiées et transformées en hôtels. Elles en ont pris l’appellation, se sont adjointes des chambres supplémentaires, quelques espaces collectifs, mais elles n’ont en fait que rarement changé d’échelle et de nature.
Car le passage de l’auberge à l’hôtel n’est pas caractérisé seulement par un changement de taille et l’adjonction d’espaces collectifs . L’auberge avait surtout une fonction d’étape. L’hôtel à son origine a des fonctions plus permamentes: de villégiature en Europe, puis, nous le verrons, de résidence en Amérique; enfin, l’hôtel fonctionnera aussi comme une sorte d’équipement urbain, comme un centre de services divers, en particulier pour la tenue de réunions de toute nature (pour le travail, pour les fêtes, pour la vie associative (1).
Car ce qui caractérise aussi et peut-être avant tout la différence entre l’auberge et l’hôtel, ce sont les changements de la clientèle et de son mode de traitement, ainsi que de ses pratiques touristiques. l’ensemble de ces changements engendre des modifications et de nouvelles fonctions dans l’accueil. Le changement de la clientèle et de son mode de traitement. Tout d’abord, dans les auberges traditionnelles, étapes de voyage, tous les voyageurs étaient « logés à la même enseigne ». Certes ils n’étaient pas reçus de la même manière et ne mangeaient pas nécessairement les mêmes choses. La plupart des voyageurs dormaient dans des chambres collectives, et partageaient généralement de grands lits. Les plus modestes dormaient sur la paille. Les plus fortunés pouvaient dans certaines auberges bénéficier de chambres individuelles, voire d’appartements(2). L’hôtel de luxe, qui s’invente dès la fin du XVIII° et au début du XIX° siècle introduit une première différenciation. Certes, des hôtels disposant d’une gamme variée de confort et de prix subsisteront assez longtemps, mais la première nouveauté, c’est l’invention d’un habitat adapté aux riches voyageurs.

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