Poincaré et le principe de relativité

Poincaré et le principe de relativité.

Où l’on traite en premier lieu des caractères du principe de relativité physique et des problèmes qu’il soulève, selon les conceptions de Poincaré, de la mécanique à l’optique et à l’électromagnétisme ; puis de sa mise en évidence et de son rôle dans la formulation relativiste de la théorie physique proposée par Poincaré, indépendamment du travail d’Einstein, de la dynamique de l’électron à la gravitation. On analyse ensuite le statut et la fonction du principe de relativité selon Poincaré, en relation au concept d’éther, en comparaison avec les autres principes de la physique, mais également en ce qui concerne le rapport du principe de relativité des mouvements en physique à la relativité de l’espace de la géométrie. On relève que ce principe s’inscrit dans une pensée de la dynamique (électromagnétique) qui détermine la condition de covariance. On se pose en outre la question de savoir si le principe de relativité est restreint, chez Poincaré, aux seuls mouvements d’inertie, tout en procédant à une comparaison de la relativité au sens de Poincaré et au sens d’Einstein, en ce qui concerne son origine, sa fonction et sa signification, ainsi que la place du principe dans la structure de la théorie. On montre, en particulier, que c’est la question de la dynamique qui caractérise le mieux la différence de l’approche de Poincaré par rapport à celle d’Einstein, puisque, pour ce dernier, la dépendance a lieu en sens inverse (la covariance s’impose à toute dynamique). On s’interroge enfin sur la question d’une éventuelle évolution de la pensée de Poincaré qui aura pu lui faire prendre en compte ultérieurement certains aspects du point de vue d’Einstein – quand nous savons, par ailleurs, que la réciproque est évidente, du moins quant à l’importance d’un point de vue formel pour la théorie physique, considérée.

Introduction.

L’histoire des idées, en particulier l’histoire des sciences, comme l’histoire en général, exige de se décentrer pour comprendre, c’est-à-dire d’abandonner notre référence actuelle. En ce qui concerne le principe de relativité, nous avons aujourd’hui spontanément le point de vue de la théorie d’Einstein telle qu’elle s’est imposée universellement à partir des années vingt, Relativité générale comprise. Et notre compréhension de la Relativité restreinte elle-même est indubitablement marquée par la Relativité générale, par le fait que la seconde a suivi la première comme sa continuation naturelle, et que son succès, dû à sa forme mathématique et à son accord avec des observations significatives – alors, les deux premiers tests de la théorie – a grandement contribué à faire accepter la théorie de la relativité restreinte, développée par Einstein en 1905, et déjà formulée par celui-ci dans le sens qu’elle devait garder et qui est celui d’une théorie de la covariance . Si la réorganisation de la théorie de la relativité sous le point de vue de la covariance correspond à la manière dont on la conçoit généralement aujourd’hui, c’est sans doute, comme l’aurait peut-être dit Poincaré s’il avait vécu assez longtemps pour connaître la Relativité générale, parce que c’est le point de vue le plus commode pour exprimer les lois de la physique sous une forme simple. Ce point de vue ne pouvait évidemment pas être acquis d’emblée, et l’histoire du principe de relativité est, rétrospectivement, l’histoire de l’établissement et de la légitimation du point de vue de la covariance comme l’un des premiers principes de la physique . La pensée de Poincaré concernant le principe de relativité constitue l’un des maillons les plus essentiels de cet établissement. Nul ne doutait, parmi les spécialistes de l’optique théorique et de l’électromagnétisme durant les deux premières décennies de ce siècle, de l’importance majeure de ses contributions dans ces domaines. Mais son «malheur», aux yeux réducteurs de la postérité, aura été que le «point de vue de la covariance» surgit, dans toute sa force et en pleine possession de la réorganisation structurelle qu’il impliquait pour la théorie.

En 1904, en effet, Poincaré identifie le principe de relativité dans le nouveau sens que lui donne l’électrodynamique, à savoir, le «principe de relativité de M. Lorentz», qui demande, sur une base expérimentale, les hypothèses du «temps local» et de la «contraction des longueurs» . C’est à ces conditions que le principe de relativité des mouvements de la mécanique est préservé dans le domaine électromagnétique. En 1905, il le formalise et le justifie dans son article «Sur la dynamique de l’électron» , en le basant sur les propriétés des transformations de Lorentz, dont il montre qu’elles préservent la forme du principe de moindre action. Ce travail de Poincaré, écrit en juillet 1905 et paru l’année suivante dans le Bulletin du Cercle mathématique de Palerme, allait même au-delà de celui pratiquement contemporain d’Einstein, puisqu’il préparait les conditions de la formalisation mathématique par Minkowski de l’espace-temps de la Relativité restreinte d’Einstein et proposait une approche «covariante» (au sens restreint) de la gravitation. Ce qui nous importe, en vérité, bien que la comparaison entre le point de vue de Poincaré et celui d’Einstein (qui ne se sont pas confrontés directement ) soit riche de leçons instructives, ce n’est pas de savoir ce qui a manqué à Poincaré pour parvenir à la théorie d’Einstein quand il disposait, avant ce dernier, de tous les éléments conceptuels et théoriques nécessaires. Une telle formulation revient à adopter le point de vue rétrospectif de la chose jugée, de la «vérité sanctionnée», qui ne rend pas justice à ce qui, précisément, a permis à cette histoire de se réaliser. Comme s’il y avait eu, alors, une seule attitude possible, une réponse et une seule, devant les questions posées par la physique, quand nous savons, en vérité, que la pensée de Poincaré et ses contributions font partie du corpus de la théorie de la relativité restreinte et ont eu un rôle décisif dans la mise au jour du caractère fondamental du principe de relativité en physique, au-delà de la mécanique.

 

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