Pratique et théorie de la psychologie individuelle comparée

Pratique et théorie de la psychologie individuelle comparée

Le découragement, indice le plus sûr de l’état du névrosé, l’oblige d’inter-poser une distance entre lui-même et les exigences du monde environnant. Afin de pouvoir justifier cette distance, le névrosé a recours à des arrange-ments qui s’élèvent en face de lui comme une montagne de futilités. C’est ainsi qu’il arrive à se séparer du front de la vie. À la question : « où étais-tu, lorsque Dieu donna sa place à chacun sur cette terre ? », il répond : « dans ma cachette derrière la montagne ». Caché dans l’arrière-plan et du côté inutile de la vie, tout son comportement traduit un caractère de contrainte, conditionné par son ambition hypersensible, résultat non pas de son idée obsessionnelle, mais de sa peur devant la coopération, devant ses problèmes vitaux. Cette montagne d’obstacles, aménagée par le malade, ne se manifeste nulle part avec autant de netteté que dans la névrose obsessionnelle. En étudiant l’état affectif de l’obsédé, on arrive très vite à l’impression d’avoir affaire à un homme qui s’épuise, sans cesse, dans des efforts, loin des activités humaines normales. Cet état de peine oppressante et anxieuse ne manque jamais. Il est curieux de constater que des malades, totalement ignorants de la littérature médicale, désignent leur trouble par un terme que la science et la philosophie ont utilisé : des impératifs.

On fait alors la surprenante observa¬tion que la philosophie se sert des mêmes termes que ceux employés par nos malades. Les formes sous lesquelles se présente la névrose obsessionnelle sont variées : besoin de se laver sans cesse, de prier, de se masturber, idées obses-sionnelles de nature morale ou autres, doutes. On pourrait au point de vue nosographique élargir considérablement le terrain de la névrose obses¬sionnelle et on retrouve le même mécanisme également dans les manifesta¬tions morbides telles que : l’énurésie nocturne, le refus d’aliments, l’anorexie mentale à base obsessionnelle, les perversions, etc. Le symptôme de l’acte obsessionnel a même passé dans la littérature. Trois de ces cas seront analysés ici. Il en est ainsi de l’histoire de l’écrivain romantique von Sonnenberg, qui dès sa tendre enfance et jusqu’à sa puberté a souffert d’un symptôme obsessionnel le contraignant à prier sans cesse. C’était un garçon têtu, très ambitieux, instable, qui était souvent en conflit avec son entourage. Très tôt il fut préoccupe par des idées religieuses. Ce symptôme se manifestait surtout pendant l’enseignement, ce qui ralentissait la marche de la classe. Jean-Paul, dans son Voyage de Schmelzle à Flaez, a également décrit une multitude d’actes obsessionnels.

Dans son enfance son héros criait souvent, comme poussé par une contrainte subite, le mot « feu », ce qui évi-demment provoquait immédiatement dans l’entourage un état de panique. Pareils symptômes sont excessivement fréquents et provoquent parfois des grands troubles de la vie publique. Le troisième cas, dans Encore un de Vischer, nous présente un héros dont toute la conception de vie s’érige en fonction d’une contrainte obsessionnelle d’éternuer et de se moucher. Il est particulièrement caractéristique pour la névrose obsessionnelle que tous ces actes passent par un stade préparatoire, stade qu’on peut envisager comme étant une lutte du malade contre la contrainte morbide. Le malade persiste dans ce stade avec ses sentiments pénibles. Tous les auteurs souli¬gnent le fait que le sujet est parfaitement conscient de ce que son obsession est totalement dépourvue de sens. Mais comme pour toutes les maximes et conceptions, dans la littérature psychiatrique, il faut considérer cette phrase avec une certaine réserve. Un grand nombre de malades racontent avoir trouvé un sentiment de délivrance et de soulagement justement dans leur acte symptomatique, « étant donné qu’il semblait ressortir de toute leur personnalité et qu’il se montrait justifié et utile ».

Ce stade d’un engagement affectif en faveur du symptôme, est précédé pendant des mois et des années d’une grande tension dans le psychisme du malade. Nous sommes donc en droit de supposer que cette attitude correspond à une mise en route du symptôme, comme si le malade voulait s’accorder le droit de produire le symptôme en se référant à cette lutte alléguée contre la contrainte. Il ne faut pas oublier, d’autre part, que dans son argumentation, le malade procède d’une façon tout à fait arbitraire et qu’il est juge, accusateur et accusé, dans une seule personne. La névrose obsessionnelle représente en réalité un tableau morbide bien défini et en plus les caractéristiques fondamentales de toutes les névroses. On constate les passages les plus extraordinaires ; avant tout vers la neurasthénie. Si nous tenons compte du geste obsessionnel de l’aérophagie, plus fréquent qu’on ne le pense généralement, on arrive à mieux comprendre les rapports avec un grand nombre de troubles neurasthéniques, concernant le tube diges-tif. Des rapports existent avec l’hystérie, et dans le domaine de la névrose de guerre des analogies sont constatées avec les tremblements hystériques, les paralysies et les spasmes. L’éreutophobie est bien souvent accompagnée de manifestations paranoï-des plus ou moins prononcées (crainte de se savoir observé). Le rapport avec la névrose d’angoisse ressort du fait que la tentative de supprimer le symptôme provoque souvent un état d’angoisse. Il n’est pas rare de constater le passage de la névrose obsessionnelle à une toxicomanie, éthylisme ou morphinisme. L’association d’états psychotiques, d’impulsions au crime et à l’autoaccusation, ainsi qu’à la « moral insanité » produisent des tableaux morbides spéciaux. Une multitude de rapports existent entre l’obsession et des apparents défauts d’enfants, par exemple certaines formes de fainéantise, de pédanterie, d’idées obsédantes hypermorales ou religieuses, fanatisme de la justice ou tendance à gaspiller son temps.

 

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