Présentation des capteurs pour le génie civil et intérêts des capteurs à fibre optique

Les structures du génie civil, dont les dimensions sont de plus en plus importantes, nécessitent une surveillance étroite de la part de leurs exploitants. Celles-ci sont en effet soumises à de nombreux risques naturels (séismes, incendies, glissements de terrain) ou liés à l’activité humaine (accident industriel, terrorisme). Des mesures de température et de déformation sont donc régulièrement nécessaires, en de nombreuses zones, afin de contrôler la santé de ces structures. Le développement de systèmes électroniques, toujours plus perfectionnés, a permis de mettre au point des dispositifs de mesures fiables qui sont maintenant très éprouvés. Leur miniaturisation autorise aujourd’hui l’utilisation d’une grande quantité de capteurs, de moins en moins intrusifs, reposant sur des technologies variées (capteurs résistifs, à corde vibrante, etc.).

L’essor des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) à la fin du XXème siècle, et conséquemment celui de la fibre optique, a ouvert de nouvelles perspectives au domaine des capteurs. En effet, la fibre optique est intrinsèquement peu intrusive, insensible aux rayonnement électromagnétiques, et permet de faire transiter rapidement (à la vitesse de la lumière) une grande quantité d’information. Mais ses potentialités ne se réduisent pas au simple remplacement des câbles électriques par des liens optiques. De nouveaux capteurs dits capteurs à fibres optiques (CFO) utilisent, pour la mesure, la sensibilité de la fibre optique elle même ou le plus souvent certains éléments insérés dans son cœur (réseaux de Bragg, cavités). Ce type de capteurs remplace avantageusement l’instrumentation traditionnelle dans des environnements particulièrement difficiles (nucléaires, humides, etc.). Cependant, pour la plupart des applications, ils n’offrent que des performances comparables (voire inférieures) à celles des capteurs électroniques qui ont l’avantage d’être éprouvés depuis plus longtemps par les utilisateurs du métier. Les CFO répartis amènent, pour leur part, une véritable rupture technologique dans le domaine des capteurs : une simple fibre optique constitue elle-même l’élément sensible du capteur, permettant de réaliser des mesures d’un bout à l’autre de celle ci. En effet, les systèmes d’interrogation de ces capteurs localisent la mesure sur n’importe quelles zones de celleci : une seule fibre optique peut ainsi être utilisée comme une infinité de capteurs. Cette technologie permet donc un fort gain en terme de multiplexage pour les instrumentations très denses et apporte un avantage décisif lors de détections pour lesquelles l’utilisateur ne connaît pas à l’avance les zones critiques qu’il conviendrait d’instrumenter.

Cette thèse est le fruit de la collaboration de trois acteurs :
– Électricité De France (EDF), entreprise leader de la production d’énergie en Europe,
– Le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC), établissement public de recherche dans le domaine du génie civil,
– Télécom-Paristech, grande école d’ingénieur et laboratoire de recherche en télécommunications.

L’association de ces trois structures, habituellement tournées vers des applications très différentes, autour d’un projet commun, met bien en évidence la transversalité du travail effectué durant ces 3 ans. Au cœur de cette étude, les capteurs à fibre optique continus constituaient, au début de cette thèse, un nouveau domaine d’investigations pour le LCPC mais également pour Télécom-Paristech, dont les communications sont le corps de métier. EDF R&D avait, pour sa part, précédemment travaillé sur l’implantation de capteurs continus utilisant la diffusion Raman pour la détection de fuite dans les digues en terre. La possibilité d’utiliser des capteurs à diffusion Brillouin pour la surveillance des structures avait été envisagée pour la première fois en 2005, dans le cadre de cette même application, peu avant le début de cette thèse en 2006. Peu étudiés en France jusqu’à cette date si l’on se réfère aux publications et aux rapports de congrès nationaux, ces capteurs ont connu depuis un grand essor et commencent à être distribués dans le commerce sur notre territoire.

Les besoins du génie civil et ses capteurs classiques pour la surveillance des structures 

Les nouvelles structures du génie civil sont aujourd’hui capables de perdurer de plus en plus longtemps. En effet, notamment grâce à des nouveaux matériaux et aux techniques de construction toujours plus performantes, celles-ci peuvent espérer traverser les décennies. Malheureusement les risques d’accidents subsistent, et certains événements peuvent écourter la durée de vie des structures. Afin de tirer parti au maximum des avancées dans le domaine de la construction, le contrôle de la santé des structures (SHM pour Structural Health Monitoring en anglais), également utilisé dans d’autres domaines comme l’aéronautique ou le génie mécanique, est un sujet de recherche de plus en plus intense pour le génie civil. Les menaces qui planent sur ces structures sont, entre autres :
– les dangers naturels (glissements de terrain, tremblements de terre, risques météorologiques…),
– les dangers humains (accidents industriels, terrorisme…),
– le vieillissement.

Afin de constater les éventuelles anomalies qui en résultent, de plus en plus de mesures doivent être effectuées en différentes zones stratégiques de la structure. Des paramètres mécaniques (déplacements, déformations, accélération) mais également thermiques ou hygrométriques, sont étroitement surveillés. Le viaduc de Millau (figure I.1), fleuron du génie civil sur le territoire français, a d’ailleurs été largement instrumenté par tout type de capteurs, comme le présente Philippe Donnaes dans [1], dont certains utilisent des fibres optiques.

Le contrôle « statique » des structures, c’est-à-dire des modifications à long terme des paramètres (causées par le vieillissement par exemple), constitue le cadre de notre étude ; on s’intéresse notamment aux déformations provenant du fluage des matériaux .

Le fluage est le phénomène physique qui provoque la déformation irréversible d’un matériau soumis à une contrainte constante pendant une durée suffisante. Il affecte notamment les éléments en béton précontraint, très utilisés dans le bâtiment. La précontrainte consiste à tendre les aciers constituant les armatures du béton lors de sa mise en place, et donc à le comprimer, au repos après séchage. Ainsi, lorsque la structure est sollicitée, ces armatures s’allongent et le béton a tendance à se décompresser, sans toutefois se mettre en traction (figure I.2), puisqu’il est déjà en partie comprimé. Ceci offre au matériau une plus grande résistance puisque, de par ses propriétés, la résistance en traction du béton est limitée et provoque rapidement sa fissuration et sa rupture.

Lors de la mise en place séquentielle des structures en béton précontraint, les caractéristiques du béton, les conditions d’exposition et l’historique des étapes de construction influencent le comportement du retrait et du fluage du béton. A leur tour, ces effets de retrait et de fluage créent des efforts internes et des déformées additionnelles dans la structure. Il est donc nécessaire de mesurer régulièrement le fluage au sein de ces éléments grâce à un réseau dense de capteurs de déformations (capteurs extensométriques) pendant toute la durée de vie de la structure.

La mesure de la température est elle aussi décisive pour la détection d’événements pouvant altérer le système, comme les incendies ou les fuites (dans le cas d’un barrage par exemple). De plus, lors de mesures extensométriques, une mesure conjointe de température est souvent nécessaire, afin de distinguer les déformations qui proviennent des variations de température, de celles provenant effectivement de phénomènes mécaniques. A titre d’exemple, un pilier de pont partiellement immergé peut, un jour d’été ensoleillé, être sujet à des gradients de température de plus de 20°C, créant des contraintes entraînant des déformations grandes devant des déformations d’origines mécaniques, qui peuvent alors être indétectables par un seul capteur extensométrique.

Table des matières

Introduction
I Présentation des capteurs pour le génie civil et intérêts des capteurs à fibre optique
I.A Les besoins du génie civil et ses capteurs classiques pour la surveillance des structures
I.A.1 Quelques définitions métrologiques nécessaires à l’étude des capteurs
I.A.2 Les capteurs de déformations et de température habituellement utilisés pour le contrôle des structures du génie civil
I.A.2.a Déformations élastiques et inélastiques: présentation des concepts
I.A.2.b Les jauges de déformations
I.A.2.c Les thermomètres
I.B Les capteurs à fibre optique: généralités
I.B.1 La fibre optique
I.B.2 Capteurs à fibre optique: présentation, propriétés et principaux avantages
I.C Capteurs à fibre optique « ponctuels », capteurs « longue-base »
I.C.1 Capteurs interférométriques
I.C.2 Capteur à réseau de Bragg
I.C.3 Sensibilité de ces capteurs à la température et à la déformation
I.D Multiplexage de capteurs « ponctuels » à réseau de Bragg
I.D.1 Multiplexage en longueur d’onde
I.D.2 Multiplexage temporel
I.E Multiplexage continu: Capteurs « continus » ou « répartis »
I.E.1 Principe de l’OTDR et définition des paramètres principaux propres à la mesure répartie
I.E.2 Capteurs utilisant la rétro-diffusion Rayleigh
I.E.2.a Principe de l’OFDR
I.E.2.b OFDR en tant qu’extensomètre: état de l’art
I.E.3 Capteurs utilisant la rétro-diffusion Raman
I.E.4 Capteurs utilisant la rétro-diffusion Brillouin
I.F Récapitulatif des performances des capteurs présentés dans ce chapitre
Bibliographie du chapitre I
II La diffusion Brillouin dans les fibres optiques
II.A Les différents régimes de diffusion Brillouin
II.A.1 La diffusion Brillouin spontanée
II.A.2 La diffusion Brillouin stimulée
II.A.3 Les équations de la diffusion Brillouin (cas général)
II.B Étude spectrale de la diffusion Brillouin
II.B.1 Modélisation des spectres de rétro-diffusion spontanée
II.B.1.a Détermination des paramètres opto-mécaniques des fibres
II.B.1.b Caractérisation des modes optiques guidés dans une fibre optique à symétrie de révolution
II.B.1.c Caractérisation des ondes mécaniques guidées dans le coeur d’une fibre à symétrie de révolution
II.B.1.d Reconstitution du spectre Brillouin
II.B.2 Expérience de spectroscopie Brillouin en régime continu
II.B.3 Étude de spectres de rétro-diffusion de quelques fibres utilisées dans
les télécommunications
II.B.4 Étude de spectres de rétro-diffusion de fibres spéciales
II.B.5 Méthode pour limiter l’effet de la fibre amorce sur le spectre Brillouin mesuré
II.C Étude « quantitative » de la rétro-diffusion Brillouin générée par le « bruit »
II.C.1 Approximation de la pompe non-déplétée, amplification Stokes et déplétion anti-Stokes
II.C.1.a Premières observations
II.C.1.b Description « bulk » du phénomène
II.C.2 Mesure des coefficients d’efficacité Brillouin de quelques fibres optiques usuelles
II.C.2.a Principe de la méthode
II.C.2.b Comparaison de deux fibres télécom classiques
II.C.3 Prise en compte des effets de polarisation
II.C.3.a Description théorique du problème
II.C.3.b Étude d’une fibre à maintien de polarisation
II.C.3.c Retour sur les hypothèses initiales concernant l’efficacité de couplage
II.D Conclusion du chapitre II
Bibliographie du chapitre II
Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *