Qualité de vie des personnes âgées

« La vieillesse, c’est l’automne de l’existence, l’âge de la liberté. […] Extérieurement, tout se rétrécit, mais intérieurement, tout s’élargit! »

Selon une école de pensée, la poursuite de l’activité physique, mentale, sociale et économique est essentielle au maintien du bien-être des personnes âgées (Rowe et Kahn 1998). À l’autre extrême, on dit que pour vieillir en santé, il faut se désengager d’un grand nombre de rôles de l’âge moyen (Johnson et Barer 1992). Les théories concurrentes sur ce qui permet le vieillissement en santé ou avec succès sont présenté en plus de détaille dans l’article de cette série intitulé « La transition à la retraite : soudain, chaque jour devient samedi » (Fast et Frederick 2004b). Dans l’article, on a constaté que les retraités de moins de 69 ans ne correspondent pas au modèle de la personne âgée désengagée. Cependant, il a aussi été démontré que la transition à la retraite se produit à un plus jeune âge pour bien des Canadiens et que le troisième âge est aujourd’hui une longue période qui comporte plusieurs autres étapes de transition. Se peut-il alors que le modèle de la personne âgée désengagée convienne mieux à la catégorie des très âgés?
Il y a dix ans, Johnson et Barer ont proposé dernièrement la théorie selon laquelle le désengagement des interactions et des rôles sociaux est nécessaire et profitable aux personnes âgées, mais les gérontologues d’aujourd’hui favorisent celle du vieillissement harmonieux (Rowe et Kahn 1998; Perls et Silver 1999; Crose 1997). Cependant, le modèle du désengagement peut être valable pour un groupe limité de personnes âgées. Plus précisément, Johnson et Barer (1992) soutiennent que le retrait de certains rôles permet aux plus âgés et aux plus handicapés de rétrécir et de simplifier leur environnement social afin qu’il soit plus facile à contrôler. Ils pensent que le désengagement réduit le stress des conflits et des craintes engendrés par les relations sociales. Leurs données empiriques appuient leur hypothèse selon laquelle ceux dont la capacité fonctionnelle est amoindrie modifient sélectivement leurs réseaux sociaux, établissent le rythme de leurs activités et se créent des routines de manière à se simplifier la vie. Ils ont aussi constaté que ceux qui sont engagés socialement sont plus satisfaits de leur vie, mais que ceux qui le sont moins ne souffrent ni de solitude ni d’ennui.
Laquelle de ces descriptions est représentative (et quelles sont les implications concernant la qualité de vie) des Canadiens âgés? C’est à ces questions empiriques que nous tâchons de répondre dans cet article en examinant le mode de vie et les attitudes des personnes âgées à mesure qu’elles passent les étapes de transition associées à l’âge avancé.

Loisirs et temps libre

En tenant compte de toutes les autres activités, il restait près de huit heures par jour pour les loisirs, mais les personnes âgées qui consacraient plus de temps à d’autres activités avaient moins de temps libre. Ce sont les épouses plus âgées qui consacraient le plus de temps aux tâches ménagères et à qui il restait le moins de temps libre (7,3 heures par jour). Par rapport aux autres femmes âgées, les épouses sacrifiaient environ une heure par jour de temps libre pour accomplir des tâches ménagères. Après le décès de leur conjoint, elles avaient plus de temps libre, car les veuves consacraient moins de temps au travail non rémunéré que lorsqu’elles étaient mariées. Les femmes qui vivaient avec d’autres consacraient à peu près le même temps au travail non rémunéré que les veuves, mais elles consacraient relativement plus de temps aux soins personnels, ce qui empiétait sur leur temps libre. Le nombre d’heures consacrées par les veufs aux activités principales n’est pas sensiblement différent de celui des époux, mais comme mentionné précédemment, la proportion des activités dans les grandes catégories varie. Les veufs vivant seuls consacraient plus de temps aux activités sociales que les époux, diminuant ainsi le temps passé à regarder la télévision. Par contre, les hommes âgés qui vivaient avec d’autres avaient plus de temps libre que les autres, car ce sont eux qui faisaient le moins de travail non rémunéré (probablement en raison d’une limitation des activités).

Intégration sociale

L’interaction avec les autres est considérée comme un élément important du vieillissement harmonieux. Inversement, l’isolement social est censé présenter des risques pour le bien-être physique, intellectuel et émotionnel et pour l’autonomie des personnes âgées. Comme exemple, Stevens et van Tilburg (2000) remarquent que le soutien des amis aide à atténuer la solitude et la douleur des événements marquants de la vie, comme la perte du conjoint. Dans l’ESG, en plus de demander aux répondants ce qu’ils faisaient le jour de référence, on leur a aussi demandé avec qui ils étaient pendant qu’ils accomplissaient les activités déclarées. Nous avons examiné ces données afin de déterminer dans quelle mesure les répondants âgés avaient des liens sociaux. Il n’est pas étonnant de constater que ce sont les épouses et les époux plus âgés qui passaient le moins de temps seuls (4,9 heures et 5,3 heures par jour respectivement). Presque toutes les personnes âgées mariées (98 %) avaient passé du temps avec leur conjoint le jour de référence. Environ le quart des épouses et des époux avaient aussi passé du temps avec des amis ou des membres de la famille de l’extérieur du ménage.
À première vue, le veuvage semble être la plus grande difficulté en ce qui concerne la capacité d’entretenir des liens sociaux importants. Les veuves (11,1 heures par jour) et les veufs (10,6 heures par jour) passaient beaucoup de temps seuls20. Mais ce groupe semble avoir un solide réseau de soutien à l’extérieur de leur domicile. Plus de 70 % avaient passé une moyenne de près de 4,5 heures avec des amis et des parents le jour de référence. De plus, les femmes sans conjoint vivant avec d’autres passaient moins de temps seules (plus de quatre heures de moins par jour en moyenne) que les veuves. La majorité de ces femmes (88 %) avaient passé du temps avec les membres du ménage, et la plupart (près de 60 %) avaient passé du temps avec des amis et des parents de l’extérieur du ménage le jour de référence. Les hommes vivant avec d’autres21 semblent plus isolés que leurs homologues féminines. Ils passaient presque autant de temps seuls (9,3 heures par jour) que les veufs. En fait, les données indiquent que 35 % d’entre eux n’avaient eu aucun contact avec quiconque dans le ménage le jour de référence. Comme il n’y a pas de questions dans l’enquête sur les contacts sociaux au cours des activités de soins personnels (se laver, s’habiller ou faire sa toilette) pour lesquelles ils auraient pu avoir de l’aide, il se peut que les contacts avec les membres du ménage soient sous-déclarés, mais les contacts sociaux semblent tout de même très réduits. Ils étaient aussi les moins susceptibles de toutes les personnes âgées (un peu plus de la moitié) d’avoir eu des contacts avec quelqu’un de l’extérieur du ménage le jour de référence.

Qualité de vie des personnes âgées

Lorsqu’on les réunit, les données sur la perception du temps et de la vie en général des personnes âgées en disent beaucoup sur la relation entre la façon dont elles emploient leur temps et leur qualité de vie. Les données présentées ci-dessus montrent que les femmes âgées mariées sont les plus actives physiquement et socialement. Le tableau 7 montre que les épouses âgées sont aussi les plus pressées par le temps, ce qui n’est guère étonnant.

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