Quelles politiques publiques en faveur de l’habitat participatif ?

Depuis toujours, les êtres humains se réunissent pour vivre en groupe (famille, village, société, etc.). Nous sommes des animaux sociaux, c’est pourquoi le besoin d’interactions sociales est ancré en nous. À l’heure actuelle, on observe une augmentation des personnes vivant seules et des personnes disant souffrir de solitude.

Notre société doit faire face à des défis sociaux, environnementaux et économiques. Le rôle des pouvoirs publics est d’agir dans l’intérêt général en apportant des réponses à ces défis. Face à ces défis, l’habitat participatif apporte plusieurs réponses, qu’elles soient économiques grâce aux économies d’échelles par exemple, environnementales grâce aux constructions écologiques, mais surtout sociales avec la création d’un cadre propice au développement des relations entre voisins, de l’entraide et de la solidarité. L’habitat participatif est un mode d’habiter qui a commencé à se développer en Belgique dans les années 70. Dans notre pays, ce dernier a une forte tendance à naitre à l’initiative de groupes de citoyens qui décident de se rassembler pour vivre de manière plus solidaire. Hélas, le long processus et les difficultés liées aux groupes, à la législation inadaptée ou à la frilosité des acteurs tels que les notaires ou les banques sont des facteurs d’échec des projets d’habitats participatifs. Plusieurs travaux pointent du doigt le rôle que pourraient jouer les pouvoirs publics pour favoriser le développement de projets d’habitat participatif, que cela soit au niveau de la création d’un cadre juridique, de l’octroi d’aides financières ou encore de l’accès au foncier. Dans certains pays comme l’Allemagne, la Suède, la Norvège ou la Suisse, les pouvoirs publics ont investi la question. Ainsi, le pourcentage de logements participatifs dans le parc immobilier va de 5% en Suisse à plus de 40% dans la capitale norvégienne. À Tübingen (Allemagne), c’est plus de 80% des nouvelles constructions qui sont des habitats participatifs.

La notion d’habitat participatif (HP) couvre des réalités très différentes. Il existe en outre un foisonnement de termes pour nommer les expériences d’HP : habitat groupé, habitat coopératif, habitat partagé, cohousing, etc.

Parfois, des appellations différentes désignent des projets ayant les mêmes caractéristiques, et inversement, des appellations nomment parfois des projets ayant des caractéristiques différentes. Cela crée un flou autour de la définition de cette notion d’HP, même s’il n’existe pas de réelle controverse scientifique à ce sujet.

En France, c’est l’expression « habitat participatif » qui a été retenue comme formule officielle lors des Rencontres Nationales de l’Habitat Participatif organisées à Strasbourg en 2010.  C’est un terme suffisamment général pour couvrir beaucoup de modèles différents. En revanche, aucune définition ne fut précisée dans le cadre de ce salon.

C’est en 2014 que l’HP est défini pour la première fois en France, dans la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (loi ALUR) : « Art. L. 200-1.-L’habitat participatif est une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis. […] l’habitat participatif favorise la construction et la mise à disposition de logements, ainsi que la mise en valeur d’espaces collectifs dans une logique de partage et de solidarité entre habitants. ».

Les points essentiels de la définition d’HP dans la loi ALUR sont :
– Démarche citoyenne ;
– Association de personnes ;
– Participation à la définition, à la conception et à la gestion de leurs logements et espaces communs ;
– Construire ou acquérir ;
– Logique de partage et de solidarité.

On retient de cette définition la dimension participative des habitants dans presque toutes les étapes du projet. En Wallonie, c’est le Code de Développement Territoire (CoDT) qui rassemble les règles applicables en matière d’urbanisme. Les termes « habitat participatif » ou « habitat groupé » n’y figurent pas, mais on y trouve une définition pour le « permis d’urbanisme de constructions groupées », qui est défini comme :

« […] un permis d’urbanisme qui a pour objet plusieurs constructions, mitoyennes ou non, destinées en tout ou en partie à l’habitation ou à une fonction accessoire du logement, qui forment un ensemble et qui peuvent faire l’objet d’une seule et même demande. » . Les points essentiels de la définition de « permis d’urbanisme de constructions groupées » du CoDT sont :
– Permis d’urbanisme ;
– Plusieurs constructions ;
– Destinées à l’habitation ou à une fonction accessoire du logement ;
– Peut faire l’objet d’une seule demande.

L’aspect principal abordé dans cette définition est celui d’un ensemble de plusieurs constructions destinées au logement ou à une fonction accessoire à celui-ci. S’il est fréquent que l’HP utilise cette procédure qui permet de ne solliciter qu’un seul permis d’urbanisme pour plusieurs logements et d’éventuelles fonctions annexes, le permis pour constructions groupées n’implique pas nécessairement que l’habitat soit participatif, et inversement.

L’Asbl belge Habitat & Participation définit le terme « habitat groupé » comme étant : « […] un lieu de vie où habitent plusieurs entités (familles ou personnes) et où l’on retrouve des espaces privatifs ainsi que des espaces collectifs. L’habitat groupé est caractérisé par l’auto-gestion (la prise en charge par les habitants), et par le volontarisme, c’est-à-dire la volonté de vivre de manière collective. Ce type d’habitat devrait permettre l’épanouissement de la vie sociale (au travers des espaces communs) sans altérer l’épanouissement de l’individu (au travers de sa sphère privée). L’habitat groupé souhaite favoriser la convivialité, et se construit souvent autour d’un projet commun : renforcement de la cohésion sociale, développement culturel, diminution de l’empreinte écologique, mixité, mutualisation des ressources, sauvegarde du patrimoine, activités d’économie sociale, etc. » .

Les points essentiels de la définition d’« habitat groupé » selon l’Asbl Habitat & Participation sont :
– Plusieurs entités ;
– Espaces privatifs et collectifs ;
– Auto-gestion ;
– Volontarisme :
– Épanouissement social sans altérer celui de l’individu ;
– Souvent un projet commun.

Si cette définition insiste sur l’aspect social qui est au cœur de la notion d’HP, elle n’aborde pas la dimension physique de l’habitat qui était au centre de la définition des constructions groupées dans le CoDT abordée précédemment.

Nous citerons pour terminer la définition de Maitre Erneux, notaire spécialisé en habitat groupé exerçant en Wallonie. Lors d’une conférence se déroulant à l’occasion du Salon de l’habitat groupé et innovant à Namur en décembre 2019, Maitre Erneux a défini la notion d’habitat groupé comme étant :

« […] un lieu géographique (site, ensemble immobilier, immeuble, …) alliant vie privative (au moins, deux lots privatifs) et vie collective (espaces de vie communs), autogéré par ses habitants à des degrés divers […], dans une dynamique participative, généralement appliquée tant à la décision qu’à la gestion, en vue d’y développer en interaction avec le lieu un Projet d’habitat, caractérisé par la densité du lien social entre Habitants, et éventuellement accompagné d’autres desseins (ex. projet(s) culturel, artistique et/ou économique) ainsi que, s’agissant du rapport aux espaces de vie communs, traversé par l’apparition d’aspirations égalitaires. » .

Les caractéristiques issues de la définition de Maitre Erneux sont les suivantes :
– Lieu géographique ;
– Alliant vie privative et vie collective ;
– Autogéré par ses habitants à des degrés divers ;
– Dynamique participative (décision et gestion) ;
– Densité du lien social entre Habitants et éventuellement accompagné d’autres desseins (ex. projet(s) culturel, artistique et/ou économique) ;
– Aspirations égalitaires.

Cette définition reprend tous les thèmes abordés dans les définitions de l’Asbl Habitat & Participation et de la loi ALUR.

Si l’on s’appuie sur toutes ces définitions, nous pouvons dire que l’HP rassemble plusieurs personnes ou familles dans un même lieu de vie dans lequel on retrouve des espaces privatifs et des espaces communs qui permettent l’épanouissement de la vie sociale. Les habitants participent au projet d’habitat, que cela soit dans sa définition, dans sa gestion, dans sa conception, ou encore dans sa réalisation.

Les caractéristiques que nous retiendrons pour définir l’HP dans ce mémoire sont les suivantes ;
1) Lieu de vie regroupant plusieurs entités (familles, personnes seules, personnes agées, etc.)
2) Comprenant des espaces privés et des espaces collectifs
3) Avec une participation des habitants selon divers degrés (dans la conception, la construction, la gestion, etc.) .

Table des matières

2. INTRODUCTION
3. DEFINITIONS
4. CARACTERISTIQUES
A. PARTICIPATION
1) PARTICIPATION CITOYENNE
2) ETAPES D’INTERVENTION
a) VISION
b) CONCEPTION
c) CONSTRUCTION
d) GESTION
e) DIFFUSION DU MODELE ET OUVERTURE SUR LE QUARTIER
B. ACTEURS
1) HABITANTS
2) POUVOIRS PUBLICS
3) ARCHITECTES
4) ASSOCIATIONS
5) PROMOTEURS
6) AUTRES ACTEURS
5. ATOUTS ET ECEUILS
A. INTERETS INDIVIDUELS
1) OBJECTIFS ECONOMIQUES
2) OBJECTIFS ECOLOGIQUES
3) OBJECTIFS SOCIAUX
a) LIEN SOCIAL
b) MIXITE
c) LIEN AU QUARTIER
d) DIVERSITE DES OBJECTIFS
B. INTERET GENERAL
1) DIMENSION D’UTILITE SOCIALE
2) ACCESSIBILITE AU LOGEMENT
a) REGULATION DES PRIX
3) DYNAMISATION DU TERRITOIRE
4) HABITAT DURABLE
C. ECEUILS
1) DIFFICULTES D’ACCES AU FONCIER
2) ABSENCE DE CADRE JURIDIQUE
3) COMPETENCES SPECIFIQUES NESSESSAIRES
4) ABSENCE DE CULTURE DE LA PARTICIPATION
5) RISQUE DE GENTRIFICATION
6. MISE EN ŒUVRE PAR LES POUVOIRS PUBLICS
A. VOIES D’ACTION ET OUTILS
1) VOIES D’ACTION
2) OUTILS SPECIFIQUES ET OPPORTUNITES SAISIES
B. CONCLUSION
1) TYPOLOGIE DES DOCUMENTS
2) TYPOLOGIE DES ACTIONS
7. CHOIX DES CAS ETUDIES
A. CRITERES
B. JUSTIFICATION
1) PARTICIPATION
2) SOUTIEN DES POUVOIRS PUBLICS
3) DIFFERENCES ET COMPLEMENTARITES
8. ETUDE DE CAS : LE MAKING HOF A STRASBOURG
A. CONTEXTE
1) HISTOIRE DE L’HABITAT PARTICIPATIF A STRASBOURG
2) CONSULTATIONS EN AUTOPROMOTION
a) CONSULTATION N°5
b) CONSULTATION N°1 : 10 TERRAINS POUR 10 PROJETS DURABLES
3) RESEAU NATIONAL
B. PROJET MAKING HOF
1) DESCRIPTION
2) PARTICIPATION
3) ACTEURS ET ROLE DES POUVOIRS PUBLICS
C. OUTILS DES POUVOIRS PUBLICS
1) AU NIVEAU DE LA NATION (FRANCE)
2) AU NIVEAU DE LA REGION
3) AU NIVEAU DE LA VILLE ET EUROMETROPOLE DE STRASBOURG
4) AU NIVEAU DE LA CONSULTATION EN AUTOPROMOTION DE 2019
D. ANALYSE QUALITATIVE
9. ETUDE DE CAS : LE PROJET ARC-EN-CIEL
A. CONTEXTE
1) COMMUNITY LAND TRUST
a) ORIGINE
b) PHILOSOPHIE
c) PRINCIPES
d) ACTEURS
2) COMMUNITY LAND TRUST BRUXELLES
a) HISTOIRE
b) FINANCEMENT
B. PROJET ARC-EN-CIEL
1) DESCRIPTION
2) PARTICIPATION
3) ACTEURS ET ROLE DES POUVOIRS PUBLICS
C. OUTILS DES POUVOIRS PUBLICS
1) AU NIVEAU DE LA REGION BRUXELLES-CAPITALE
2) AU NIVEAU DU CLTB
3) AU NIVEAU DU PROJET ARC-EN-CIEL
D. ANALYSE QUALITATIVE
10. CONCLUSION

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