Relations interethniques et réciprocité culturelle dans l’agglomération de Bourofaye- Boucotte

Relations interethniques et réciprocité culturelle dans l’agglomération de Bourofaye- Boucotte

 Les caractéristiques de l’habitat

L’habitat en tant que cadre d’épanouissement de l’individu peut refléter, à travers des aspects internes (niveau d’équipements) et externes (type de constructions) le dynamisme économique de l’agglomération de Bourofaye. Après avoir établi la typologie de l’habitat de notre zone d’étude d’une part, son niveau d’équipement de base et domestique d’autre part, nous allons étudier l’habitat de type traditionnel à tendance moderne. 1. L’habitat de type traditionnel L’habitat traditionnel de l’agglomération de Bourofaye est de forme carré ou rectangulaire. L’habitat dans ces villages reste traditionnel. Il reflète l’organisation sociale. En effet, l’habitat dans ces villages n’est pas homogène dans sa structure. Á Bourofaye Diola, les maisons sont éparpillées. Les quartiers de Kannoumé, Ekure, Boukling Mandina et Niefflène sont séparés par une forêt très dense. Alors qu’à Toubacouta et à Bourofaye Baïnounk, l’éparpillement des maisons est moins distant qu’à Bourofaye Diola. Dans ces villages, les populations pratiquent la riziculture de submersion et les cultures pluviales sur les terres hautes. Cette description est relatée par certains auteurs comme Pelissier. Il avait décrit les villages bayottes comme des villages à l’habitat cosmopolite autour de Ziguinchor. Dans ces habitations traditionnelles, le plafond peut jouer, en dehors de son rôle d’isolant, celui de réserve. Avec l’apport des matériaux modernes et d’un nouveau type de plan, nous notons un certain changement dans les formes. Pour la place du riz, on constate de plus en plus une nette séparation de l’édifice central (chambre et séjours) des annexes (grenier et cuisine). Chacun des villages de l’agglomération de Bourofaye se découpe en quartiers et en concessions. Le quartier dans ces villages, est un regroupement de concessions apparentées ou avec des caractéristiques particulières. La concession est l’unité résidentielle de base. Elle résulte de la division lignagère. Á Bourofaye Diola nous avons cinq quartiers (Kannoumé, Ekue, Boukiling, Mandina et Niéffléne). Aujourd’hui, ce village compte 215 personnes et 30 concessions composées pour l’essentiel par des Diola. Alors que le village original, c’est-à-dire, Bourofaye Baïnounk est plus peuplé et les Baïnounk sont les majoritaires. Quoique créé par les Baïnounk, le village de Tranquille est actuellement très mixte et les Diola y sont plus nombreux (30 % de la population). On y retrouve   la régression démographique des Baïnounk dans ce village, c’est le fait que généralement, le Baïnounk est monogame. En plus, parmi les premières familles qui s’y étaient installée, la majorité est retournée dans leur village d’origine, à cause du manque d’une vie descente. Malgré sa diversité ethnique, les populations de ce village sont soudées par la culture et dans une certaine mesure par la religion, puisqu’il y a beaucoup d’animistes. On assiste aujourd’hui, dans tous les villages de notre aire d’étude, une forte pression démographique du fait de la position stratégique de cette zone qui est située entre la ville de Ziguinchor et la frontière bissau-guinéenne. Dans cette agglomération, on y note beaucoup de mouvements de populations et les terres sont très convoitées. Au total, nous avons dans les différents villages de l’agglomération de Bourofaye des quartiers et des concessions qui répondent en général à des affinités ou alliances. Très souvent distants et autonomes, les uns des autres, les quartiers représentent chacun un patrilignage dont les membres exploitent une partie du terroir villageois qui est reconnue par tous. Á la tête de chaque quartier il y a un chef de lignage chargé de la gestion du patrimoine foncier et de l’entretien des cultes qui relèvent de son domaine. C’est l’exemple dans la famille de Yaya Coly à Bourofaye Baïnounk. Il rappelle, que c’est lui qui assure la cohésion entre les familles à l’intérieur des concessions que compte son quartier. Par ailleurs, les maisons dans ce village sont formées par un ou plusieurs bâtiments abritant les ménages et les individus non mariés. Cependant, on a noté parfois l’existence des concessions qui ne sont pas forcément de même famille. Á Bourofaye Baïnounk, nous avons des quartiers que nous appelons ici quartiers « Thiéboudiène » ou « multi-ethnie ». Dans ce quartier, cohabite des concessions Peulh, Mancagne, Diola, Baïnounk, Manjack. Certains des habitants ont acquis leurs terres par une vente récente et ne sont pas les fondateurs du village. Pratiquement, la plupart des concessions dans ces villages ont une certaine autonomie vis-à-vis de la grande concession ou de la maison-mère. Ce phénomène, a été qualifié dans le passé, par Thomas, comme « une désolidarisée de la famille étendue ». Pour Moussa Diémé âgé de 70 ans et notable à Toubacouta, cette dispersion n’est pas synonyme de l’absence de solidarité à l’intérieur des groupes familiaux. À cet effet, les observations que nous avons faites à Toubacouta et à Bourofaye Baïnounk montrent que les liens de solidarité entre les familles se resserrent dès que cela s’avère nécessaire. Ainsi, chaque chef de lignage est le responsable moral de l’ensemble des maisons qui sont sous son autorité. Ainsi, aucune décision majeure n’est prise au niveau des concessions sans l’accord du chef. Il existe au niveau de chaque village un conseil du village qui est un regroupement de chefs de famille (les notables) et le chef du village : donc une concertation entre les différentes ethnies ou éléments du village. Le conseil 71 statue sur les affaires majeures du village (problèmes fonciers, mariages en difficultés, cérémonies traditionnelles entre autres). 2. Les matériaux utilisés Les qualités techniques des matériaux de construction sont à l’origine de nouvelles technologies. Nous pouvons soutenir que même si les matériaux de base sont conservés, les matériaux modernes sont parfois utilisés. Parmi les matériaux locaux de base, nous pouvons citer le banco (argile pour la construction). L’ensemble des constructions visitées dans l’agglomération de Bourofaye sont toutes en banco, soit 97% contre seulement 3% pour le ciment. Pour ce qui est de la nature du sol des habitations visitées, le banco ou l’argile en banco est de loin plus utilisé que le ciment. Ainsi, c’est au niveau de la nature du toit que les matériaux modernes comme le zinc sont de plus en plus utilisés. Le banco, est un matériau qui se compose très bien avec les bois de palétuviers utilisés au niveau des plafonnages. En ce qui concerne la charpente, le bois de rônier ou le palétuvier est le plus souvent utilisé. Le toit en paille, a tendance à disparaître ; la faiblesse de son utilisation s’explique par sa rareté causée par le conflit armé. Car les zones d’exploitation sont minées. D’autre part, c’est le coût de l’entretien de la toiture en paille qui nécessite un renouvellement tous les 3 ans. Mais, durant le durcissement de la crise, beaucoup de maisons ont été endommagées, soit par obus, par balle ou simplement brûlées. 72 En somme, ce premier chapitre, à travers les caractéristiques physiques et humaines, et les données sociodémographiques, a montré d’importantes potentialités tant du point de vue agricole, habitat, culturel et social. En effet, comme nous l’avons précédemment analysé, cette agglomération qui a connu un conflit long de plus de deux décennies, manque d’infrastructures surtout sanitaires et scolaires. Du point de vue démographique, elle est caractérisée par une population hétérogène, une composition ethnique variée. Nous remarquons une forte densité qui est de l’ordre de 105 habitants /km2. En outre, plusieurs activités économiques y sont développées. Parmi celles-ci, nous pouvons citer : l’agriculture, le maraîchage, l’exploitation forestière, la pêche et le commerce. Maintenant après avoir analysé les aspects physiques et humains de notre agglomération, nous analyserons dans le chapitre suivant l’histoire et le peuplement des différents villages qui la composent.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Problématique
2. Motivations et objectifs du sujet
a) Motivations
b) Objectifs du sujet
3. Cadre théorique
4. Hypothèses
5. Méthodologie de recherche
a) La recherche documentaire
b) Entretiens et enquêtes de terrain
c) Méthode d’échantillonnage
6. Le plan de travail
7. Les difficultés rencontrées
8. Résultats attendus
9. Revue critique des sources et de la littérature
a. Les critiques des ouvrages sources
b. Revue de la littérature
c. Les ouvrages sur l’organisation sociale et les migrations en Basse-Casamance
10. Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette analyse documentaire ?
PREMIÈRE PARTIE : CADRE PHYSIQUE ET PEUPLEMENT DE
L’AGGLOMÉRATION DE BOUROFAYE
Chapitre I: Aperçu sur le cadre physique et humain
I. Limites du terroir et cadre physique
1. « Le terroir comme vestige social »
2. La situation de l’agglomération de Bourofaye
2
3. Les types de sols
4. L’hydrographie
5. La Végétation
II. Le cadre humain
1. La composition ethnique de la population
2. La situation matrimoniale des habitants de l’agglomération de Bourofaye
III. Les caractéristiques de l’habitat
1. L’habitat de type traditionnel
2. Les matériaux utilisés
Chapitre II: Processus d’installation et d’appropriation du terroir par les groupes ethniques
I. Historique et peuplement de l’agglomération de Bourofaye
1. Bourofaye Baïnouk
2. La version des habitants de Bourofaye Diola sur la création de leur village.
3. Situation et historique de Toubacouta
4. Situation et historique du village de Tranquille
5. De la croissance démographique au recul des terres agricoles mancagnes de Ziguinchor.
6. Du recul des espaces agricoles de Ziguinchor à la création du village de Boucotte
Mancagne
7. L’installation des manjack dans l’agglomération de Bourofaye
II. Les principes généraux de la mise en place des premiers habitants
1. Les génies ou fétiches protecteurs des villages
2. La transmission historique des terres
III. Description des structures internes des quartiers
1. Quartiers et Concessions
2.
Chapitre II: La dimension migratoire dans les rapports interethniques
I. Les facteurs stimulant la migration dans l’agglomération de Bourofaye
1. Les causes historiques de la migration dans l’agglomération de Bourofaye
2. Les facteurs qui sont à la basse des migrations actuelles dans l’agglomération de Bourofaye
a) Relation entre le phénomène moderne de l’éducation et la migration
b) Comportement des parents vis-à-vis de la migration
3. L’effet de la situation sociopolitique de la sous-région (depuis les années 1980)
4. Rapport entre le morcellement des rizières et la migration dans l’agglomération
3
II. L’impact de la migration dans l’agglomération de Bourofaye
1. Les mutations dans le fonctionnement des exploitations agricoles : le manque de mains
d’œuvre
2. Les impacts de la migration sur la composition par âge et par sexe
3. Impacts de la migration et du conflit casamançais sur les activités socio-économiques et sur
les surfaces cultivables
4. Comportements et attitudes créés par les migrations dans l’agglomération
Conclusion de la première partie
DEUXIÈME PARTIE:RELATIONS INTERETHNIQUES DANS L’AGGLOMERATION
DE BOUROFAYE
Chapitre I : Relations sur le plan économique
I. Relations dans le domaine agricole
1. Propriété foncière et méthodes historiques d’appropriation des terres dans l’agglomération
2. Gestion du foncier
3. Monétarisation du foncier
4. Distribution des champs et répartition des taches
5. Comparaison des calendriers agricoles
6. Système de production agricole dit de synthèse : cas de l’agglomération de Bourofaye
7. Autres activités économiques : cueillette, chasse, et maraîchage
8. Commercialisation et échanges des produits
II. Métiers traditionnels dans l’agglomération de Bourofaye
1. Les forgerons
2. Tisserands
3. Vanniers
Chapitre II : Rapports interethniques sur le plan social et sur le plan religieux
I. Rapports sociaux
1. Organisations sociales comparées
2. Une société profondément égalitaire
3. Éducation traditionnelle des filles
4. Proximité linguistique et éléments de ressemblance culturelle
5. L’alternance linguistique dans les interactions villageoises
4
6. Le wolof : un moyen de communication, favorable au rapprochement entre les divers
groupes ethniques
7. Mariages interethniques et relations sexuelles.
II. Relations de voisinage
1. Relations quotidiennes
2. Relations interethniques dans les cérémonies familiales et collectives
3. Interpénétrations ethniques
4. Paradoxe culturel et problème de cohabitation
5. Exercice de la justice
III. Relations au niveau religieux
1. Croyances et interdits traditionnels
2. Idéologie et fonction religieuse des terres
3. Valeurs socioculturelles émanant des forêts de Djibelor et de Bayotte.
4. Initiations et cohésion sociale en milieu Diola
5. L’initiation comme rituel d’institution et lieu de transmission de connaissances
6. La crise du système initiatique : ses causes et ses conséquences
a) Les causes
b) Les conséquences
c) Le temps de la recomposition du système initiatique
Chapitre III : Impacts du conflit Casamançais sur les activités socio-économiques de
l’agglomération de Bourofaye
I. Impacts du conflit Casamançais sur les activités sociales
1. La pauvreté
2. La santé, l’éducation et la formation professionnelle
II. Impacts du conflit Casamançais sur les activités économiques
1. L’agriculture
2. L’arboriculture
3. L’élevage
4. Le commerce
5. L’exploitation forestière
6. Le maraîchage
7. Les conditions de vie des populations
III. Les relations ethno religieuses peuvent-elles atténuer l’intensité du conflit casamançais ?
5
1. Historique du conflit Casamançais
2. La perception ethno religieuse du conflit Casamançais : l’hétérogénéité des groupes
ethniques rend-elle difficile un commandement unique et centralisé ?
3. La tuerie de Boffa Bayotte, dans l’agglomération de Bourofaye: comment a-t-on arrivé là ?
a. la liste des personnes massacrées
b. Tuerie de Boffa Bayotte : témoignages, accusations des uns et des autres, et enquêtes
c. Confusion géographique pour déterminer le lieu du massacre de Boffa Bayotte
d. De par l’atrocité et le nombre de victimes, le crime de Boffa Bayotte rappelle d’autres
attaques meurtrières
Conclusion de la deuxième partie
TROISIÈME PARTIE: LA QUESTION DE LA RÉCIPROCITÉ CULTURELLE DANS
L’AGGLOMÉRATION DE BOUROFAYE
Chapitre I : Intégration et appropriation des valeurs de la diversité culturelle
I. Intégration culturelle dans l’agglomération de Bourofaye
1. Dynamique des brassages culturels
2. Affinités culturelles et paix sociale.
II. Cérémonies rituelles et apaisement des tensions sociales
1. Education traditionnelle des Baïnouks
2. Le Diola à l’école du savoir-faire et du savoir être
3. Les Mancagnes : attachement à leur culture et ouvertures vers l’autre
4. « Orientations éclairées » des ancêtres manjacks
Chapitre II : Réciprocité culturelle : pratiques coutumières et techniques de maintien de
l’équilibre sociale
I. Vie multiculturelle et interdépendance
1. Terroir profondément interdépendant
2. Actes de tolérance et de coexistence
II. Système socioculturel basé sur la réciprocité
1. Règles sociales et religieuses complémentaires
2. Dépassement des contradictions culturelles
3. ‘’Journée de l’entente et de la cohabitation’’
Conclusion de la troisième partie
CONCLUSION GÉNÉRALE

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