Rencension d’écrits relatifs au rôle de l’employé représentant dans les coopératives de solidarité

RÔLES, RESPONSABILITÉS ET TENSIONS

Le rôle de l’employé représentant dans les coopératives de solidarité est défini implicitement par l’article 90 de la Loi sur les coopératives. En effet, son rôle revêt celui qui est accordé au titre d’administrateur : Au-delà de la loi, certains auteurs ont abordé le sujet de la responsabilité de l’employé représentant. Dans un premier temps, Girard (2010) affirme que le représentant des salariés a comme responsabilité la survie et le développement de la coopérative. Une autre des responsabilités liées à ce titre est « de s’offrir [l’employé représentant] du travail aux meilleures conditions possible par l’entremise de la coopérative » (Tremblay et coll., 2007, p.16). Ainsi, un des objectifs de l’employé représentant est d’obtenir les meilleures conditions de travail pour les salariés (Girard et Langlois, 2008). Stervinou (2014, p.103)18 résume comment s’articulent les rôles et responsabilités de l’employé représentant : La participation comprend donc à la fois l’implication des salariés dans les décisions concernant leur propre travail, mais également au-delà, dans les décisions concernant plus largement la gestion de l’entreprise, son organisation, sa mission, sa politique stratégique, sa politique de rémunération, etc.

L’employé représentant se retrouve dans une situation où il a à défendre des intérêts en tant que travailleur, mais aussi de défendre les intérêts de la coopérative. Ce rôle d’employé représentant, selon les auteurs, crée une situation de tension et d’ambiguïté. Cette tension est principalement vécue par le fait que les administrateurs et la direction générale doivent « répondre aux exigences dites externes (rentabilité) et le rôle du bien-être et satisfaction des membres » (Sadi et Moulin, 2014, p.52). Girard (2010) affirme que le système de gouvernance dans les coopératives est complexe puisque les intérêts des différents types de membres divergent, principalement les membres utilisateurs et les membres travailleurs. Le défi pour Girard (2010) est de se dégager des intérêts personnels pour atteindre un intérêt supérieur. De plus, selon Girard (2010), cette divergence d’intérêt crée un effet de confrontation avec la présidence du conseil d’administration lors de l’animation des rencontres de même que sur la direction générale dans la gestion de la coopérative. Le défi pour le membre travailleur, selon Girard, St-Pierre et Garon (2001), est de distinguer son rôle d’administrateur de celui de travailleur. Michaud (2011) confirme cette position en soulignant que la tension dépasse celle du travailleur et affecte les sphères de gestion en lien avec les employés représentants. Bien que les chercheurs expriment qu’une tension existe chez l’employé représentant, un des faits saillants du rapport d’étude de Chagnon (2004, p.28)19 indique que : La participation des membres utilisateurs, travailleurs et de soutien au conseil d’administration est qualifiée d’excellente par la grande majorité des répondants tant sur le plan de la participation que sur celui de la recherche de consensus ou de la présence aux réunions.

Par ailleurs, Lapointe (2001)20 a traité du sujet des tensions vécues lors de la présence des employés administrateurs au conseil d’administration. Celui-ci a identifié deux sources principales de tensions. Une première problématique soulevée par Lapointe (2001) concerne la perte de confiance des travailleurs envers leur représentant. Par exemple, dans l’expérience de Tembec, un représentant syndical siège au conseil d’administration. À quatre reprises, l’entreprise a nommé les représentants des salariés dans un poste de cadre au sein de l’entreprise suite à leur passage au conseil d’administration. Une méfiance s’est installée chez les employés envers leurs représentants syndicaux. Ainsi, comme le souligne Lapointe (2001, p.787) : le syndicat doit concilier deux rôles opposés. D’une part, son rôle de gestion et son adhésion aux objectifs de production de la direction l’incitent à promouvoir une grande coopération et à partager la même perspective que la direction. D’autre part, son rôle de défense des salariés lésés par les décisions de la direction devrait l’amener à adopter une attitude d’opposition et de conflit. Somme toute, le représentant des travailleurs fait donc face à ces défis. La crainte de le voir devenir cadre et la crainte que celui-ci délaisse une partie de son mandat initial, soit de défendre les intérêts de ses membres. La seconde source de tension est le conflit entre les différents groupes d’âge dans l’entreprise. Le représentant au conseil d’administration, tout comme lors de la négociation collective, doit faire valoir les intérêts des travailleurs. Cependant, les intérêts fluctuent en fonction des âges (Lapointe, 2001). Dans cette situation, les salariés ayant le plus d’ancienneté favorisent un syndicat moins revendicateur, mais qui assure un niveau d’emploi. Pour les nouveaux salariés, ceux-ci désirent un syndicat plus revendicateur. Ils demandent des conditions salariales et des conditions de travail plus avantageuses. Dès lors, un fossé se creuse entre les salariés (Lapointe, 2001). Le représentant syndical doit considérer ces volontés divergentes lorsque vient le temps de prendre des décisions en conseil d’administration.

MODALITÉS DE PARTICIPATION

Dans la littérature étudiée, trois modèles de participation des salariés à la gestion de l’entreprise permettent de tracer un portrait général des différentes modalités de participation. Le tableau 2 qui suit présente les modalités de participation selon les auteurs suivants : Conchon (2014)21, Benhamou (2010), Lapointe (2001) et Dunand (2015). Un consensus des différents auteurs est identifiable relativement aux trois modalités de participation suivantes : l’information, la consultation et la codécision, notées en caractère gras dans le tableau 2.0. Information Conchon (2014, p.88) présente la modalité d’information comme étant « l’information par l’employeur d’une décision qu’il a prise unilatéralement ». En effet, l’information consiste à indiquer aux salariés des changements mis en place par l’employeur et à propos desquels ils n’ont pas été consultés. Pour Benhamou (2010, p.52), l’information se transmet avant, pendant et après la prise de décision : La circulation de l’information est un élément indispensable à la bonne marche de l’entreprise. L’OCDE en fait d’ailleurs l’un des déterminants d’une bonne gouvernance. […] Mais la circulation de l’information ne doit pas se faire à sens unique.

L’information dans une entreprise demeure un moyen important pour assurer une cohésion (Benhamou, 2010). L’information n’est pas un processus dans lequel les travailleurs ont un impact majeur. Par exemple, si l’entreprise entreprend un changement dans les méthodes de travail, la modalité de participation axée sur l’information ne permettra pas la participation des salariés au processus. Pour Benhamou (2010), l’entreprise doit faire circuler l’information, mais doit aussi écouter les commentaires et opinions des travailleurs. Cela se rapproche grandement de la consultation. De son côté, Conchon (2014) indique que dans le cas d’une modalité de participation, l’information vient des employeurs et les employés doivent implanter les changements en fonction de l’information reçue, par exemple, lors de l’implantation d’une nouvelle méthode de travail. Somme toute, une modalité de participation qui se limite à l’information implique que le changement est décidé et implanté par l’employeur.

Consultation

La seconde modalité de participation est la consultation. Conchon (2014, p.88) la définit comme : « des travailleurs qui peuvent émettre un avis sur une décision à prendre sans que la direction ne soit tenue de les prendre en compte dans la décision qui demeure de son seul ressort ». Ainsi, des mécanismes sont mis en place pour assurer la consultation des travailleurs. À cet égard, Benhamou (2010) souligne la présence de comités22. Il existe de nombreuses formes de comité. Betcherman (1994) et le Ministère du Travail (2003) font ressortir quelques comités qui sont présents dans les diverses organisations : les cercles de qualité, le comité pour les conditions de travail, le comité de formation, le comité pour les horaires de travail, le comité pour les méthodes de travail, le comité pour le mouvement du personnel, le comité pour les nouvelles technologiques, le comité de santé et sécurité. Certains comités peuvent être régis par la loi. Ces comités sont dits paritaires et les décisions qui y sont prises le sont sous forme de codécision. Par exemple, le comité de santé et sécurité est décrit comme un comité paritaire, dans lequel chacun des membres a un droit de vote (Lois sur la santé et la sécurité du travail23).

Ainsi, le comité est considéré comme décisionnel. Une analyse approfondie des comités est nécessaire pour bien en comprendre le fonctionnement. Un exemple concret de consultation serait la modification des horaires de travail. L’employeur ou son représentant pourraient rassembler quelques travailleurs pour discuter de la modification des horaires actuels de travail. Les salariés pourraient être consultés sur le sujet des horaires de travail et donner leur avis sur le sujet. Par contre, puisqu’il s’agit d’un comité consultatif, la décision finale revient à l’employeur. Codécision La codécision est la dernière modalité de participation de l’employé représentant présentée. Conchon (2014, p.88) la définit comme un « échange guidé par la recherche d’un accord sur une décision à prendre ». La codécision permet aux travailleurs d’avoir une part importante de la décision. Leur voix n’est plus seulement consultative. Elle a un impact sur la décision qui est prise. Comme Conchon (2014) le mentionne, la codécision est un principe qui se rapproche de la négociation. Les parties doivent en venir à une entente. Dans le cas d’un conseil d’administration d’une coopérative de solidarité, l’ensemble des membres présents doit discuter et prendre une décision. Chaque personne a droit de vote. Ainsi, les membres travailleurs qui siègent sont parties prenantes de la discussion, mais aussi de la décision.

Table des matières

RÉSUMÉ
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 2 RENCENSION D’ÉCRITS RELATIFS AU RÔLE DE L’EMPLOYÉ REPRÉSENTANT DANS LES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ
2.1 COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ
2.1.1 DÉFINITION
2.1.2 GOUVERNANCE
2.2 EMPLOYÉ REPRÉSENTANT : RÔLE, RESPONSABILITÉS ET PARTICIPATION
2.2.1 RÔLES, RESPONSABILITÉS ET TENSIONS
2.2.2 EFFET DE LA PARTICIPATION DE L’EMPLOYÉ REPRÉSENTANT DANS LA GOUVERNANCE
2.2.3 DIFFICULTÉ LIÉE À LA COMPRÉHENSION DES ENJEUX FINANCIERS
2.3 MODALITÉS DE PARTICIPATION, TYPES ET OBJETS DE DÉCISION
2.3.1 MODALITÉS DE PARTICIPATION
2.3.2 TYPES DE DÉCISION3
2.3.3 OBJETS DE DÉCISION
2.4 SYNTHÈSE ET QUESTION DE RECHERCHE
CHAPITRE 3 CADRE DE TRAVAIL ET MÉTHODOLOGIE
3.1 CADRE DE TRAVAIL DE LA RECHERCHE
3.2 APPROCHE DE LA RECHERCHE ET CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES
3.2.1 LE CHOIX DE L’ÉTUDE DE CAS
3.2.2 STRATÉGIE D’ÉCHANTILLONAGE
3.2.3 MÉTHODES DE COLLECTE DE DONNÉES
3.2.4 MÉTHODES D’ANALYSE DES DONNÉES
3.3 SCIENTIFICITÉ ET ÉTHIQUE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 4 PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
4.1 CAS 1 : L’EMPLOYE REPRESENTANT DANS UNE GARDERIE DE TYPE COOPERATIVE DE SOLIDARITE
4.1.1 PRÉSENTATION DE L’ORGANISATION
4.1.2 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS DU CAS 1
4.1.2.1 OBJETS ET TYPES DE DÉCISION
4.1.2.2 MODALITÉS DE PARTICIPATION
4.1.2.3 DIFFICULTÉS ET TENSIONS
4.1.2.4 SYNTHÈSE DU CAS 1
4.2 CAS 2 : L’EMPLOYE REPRESENTANT DANS UNE COOPERATIVE DE SOLIDARITE DE SERVICES DE DEVELOPPEMENT ET DE SOUTIEN DE COOPERATIVES
4.2.1 PRÉSENTATION DE L’ORGANISATION
4.2.2 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4.2.2.1 OBJETS ET TYPES DE DÉCISIONS
4.2.2.2 MODALITÉ DE PARTICIPATION
4.3 PRINCIPAUX CONSTATS
4.3.1 SIMILITUDES ENTRE LES CAS 1 ET 2
4.3.2 DIFFÉRENCE ENTRE LES CAS 1 ET 2
CHAPITRE 5 DISCUSSION
5.1 CONTRIBUTIONS THÉORIQUES ET SOCIALES DE LA RECHERCHE
5.1.1 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS DES CAS 1 ET 2
5.1.2 CONTRIBUTION THÉORIQUE À L’IDENTIFICATION DE CATÉGORIES ET D’OBJETS DE DÉCISION
5.1.3 CONTRIBUTION THÉORIQUE À L’IDENTIFICATION DES TYPES DE DÉCISION
5.1.4 CONTRIBUTION THÉORIQUE AUX MODALITÉS DE PARTICIPATION
5.1.5 CONTRIBUTION THÉORIQUE À L’IDENTIFICATION DES DIFFICULTÉS ET TENSIONS VÉCUES PAR L’EMPLOYÉ REPRÉSENTANT DANS L’EXERCICE DE SES FONCTIONS
5.1.6 CONTRIBUTIONS SOCIALES
5.2 LIMITES DE LA RECHERCHE
5.2.1 ÉCHANTILLONNAGE
5.2.2 LA PRODUCTION ET L’ANALYSE DES DONNÉES
5.3 AVENUES DE RECHERCHE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE I DESCRIPTIONS DES ECRITS DES AUTEURS PRINCIPAUX
ANNEXE II TYPOLOGIE DES TYPES DE DECISIONS
ANNEXE III GUIDE D’ENTRETIEN DES EMPLOYES REPRESENTANTS
ANNEXE IV GUIDE D’ENTRETIEN DU REPRESENTANT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION
ANNEXE V GUIDE D’ENTRETIEN DE LA DIRECTION GENERALE/COORDINATION
ANNEXE VI TABLEAU SYNTHESE D’ANALYSE DE LA DOCUMENTATION POUR LE PREMIER CAS. 158 ANNEXE VIII TABLEAU SYNTHESE D’ANALYSE DES DONNEES OBTENUES POUR LE SECOND CAS
ANNEXE IX FORMULAIRE DE CONSENTEMENT
ANNEXE X CERTIFICAT D’ETHIQUE DE LA RECHERCHE

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