Représentations médiatiques des millenials

Représentations médiatiques des millenials

Un argument de séduction à l’instar du mythe de la jeunesse
La jeunesse, un rêve mythique remis aux goûts du jour

Les millennials, une génération stratégique Afin d’aborder le rôle que les discours médiatiques jouent dans la construction et la diffusion de représentations, Charaudeau met en évidence la double injonction paradoxale à laquelle les médias sont soumis. D’une part ils se doivent d’être compétitifs et de séduire – puis conserver – une audience aussi large que possible grâce à « un traitement de l’information de masse »20, et d’autre part, ils ne sont pas exempts de la loi du ciblage marketing les obligeant à traiter les informations à travers les centres d’intérêt de ce que les marqueteurs appellent le « cœur de cible »21. Ce rapport ambivalent avec l’information qu’ils produisent les somme de créer des représentations adaptables aussi bien à leurs prérogatives commerciales, aux attentes et aspirations de l’audience ciblée et aux projections déjà effectuées par la société. C’est pourquoi, bien que le débat ne puisse nous laisser indifférents, nous ne nous attacherons pas à trouver et dévoiler la vérité sur les millennials. Notre intérêt n’est pas de savoir si ces représentations sont justes ou non, mais bien d’en dévoiler les enjeux stratégiques aussi bien en termes de communication qu’en terme marketing. En effet, comme le souligne l’auteur, le contenu produit par les médias est en l’occurrence majoritairement soumis au ciblage de l’audience aussi bien dans « les processus cognitifs de perception, de compréhension, et de mémorisation. » 22 L’approche sociologique et purement intellectuelle n’aurait donc qu’un poids moindre dans la sélection et la diffusion des contenus médiatiques. Cette démarche intéressée suppose évidemment un biais de taille : « L’instance d’énonciation du discours (le journaliste) ne peut qu’imaginer le récepteur de façon idéale, c’est-à-dire le construire par hypothèse en destinataire supposé adéquat à ses intentions »23. Or, lorsqu’il définit le mythe, Henry Boyer, professeur en sciences du langage à l’Universite de Montpellier III, insiste sur la notion d’exemplarité indiscutable de l’objet et sur sa valorisation24, et s’il peut paraître incongru de désigner les millennials  rappelons que Barthes soutenait que tout pouvait être mythe car « Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société, car aucune loi, naturelle ou non, n’interdit de parler des choses.» Cependant, bien que l’idée du « mythe des millennials » puisse revêtir un certain charme purement esthétique d’un point de vue littéraire, il semblerait plutôt que le concept de millennials soit davantage un conglomérat de stéréotypes bien utiles pour les instances professionnelles de la communication. En effet, l’usage de stéréotypes permet de simplifier de façon drastique toutes les singularités et diversités propre à l’objet social visé. Dans le cas d’une génération aussi étendue que les millennials, les stéréotypes s’avèrent être des outils ingénieux pour homogénéiser une population et la rassembler autour de points de ralliement génériques et consensuels. Sonnant comme une évidence et puisant dans la pensée doxique, les stéréotypes sont une matière malléable que l’on peut nourrir d’exemples ou d’exceptions et adapter à chaque discours afin de proposer une représentation construite qui, selon Henri Boyer, permettent des discours performatifs et normatifs. Celui-ci soutient que cela permet « des pratiques individuelles et des actions collectives dans la perspective de la conquête, de l’exercice, du maintien d’un pouvoir (politique, culturel, spirituel…), ou à tout le moins d’un fort impact (coercitif ?) au sein de la communauté concernée ou face à une autre/d’autres communauté(s) »26 . Un pouvoir et un impact dont les productions médiatiques ont besoin pour exister. C’est au regard de ces différentes sources théoriques que notre première hypothèse, selon laquelle les millennials n’est davantage qu’une construction stéréotypée stratégique pour les marques et les médias, s’appuie. I. Un argument de séduction à l’instar du mythe de la jeunesse 

La jeunesse, un rêve mythique remis aux goûts du jour

 Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1957 26 Henri Boyer, « Stéréotype, emblème, mythe. Sémiotisation médiatique et figement représentationnel », Mots. Les langages du politique [En ligne], 01 novembre 2010, in 19 Les millennials se caractérisent en tout premier lieu par leur âge ou, plutôt, par leur actuelle jeunesse. Cette jeunesse est un véritable mythe que l’humanité se plait à envier depuis l’antiquité. Hébé, fille d’Héra et de Zeus, était, dans la littérature antique, celle qui servait l’ambroisie aux dieux pour leur garantir une jeunesse éternelle. Capable d’offrir ce cadeau divin aux hommes également, elle était vénérée à Athènes car la jeunesse est synonyme de beauté, de force et de santé. La jeunesse a un caractère divin que l’homme ne cesse de poursuivre. Or, comme l’affirme Jacques Séguéla : « Quand on crée une marque, il faut créer un rêve. Certes, le consommateur achète un produit pour l’utiliser, mais encore plus pour la magie qu’il lui offre. » Qu’à cela ne tienne, les titres de presse comme les annonceurs ont justement des objectifs marketing à tenir et la jeunesse semble être un mythe suffisamment pérenne et puissant pour l’exploiter à bon escient. En effet, simultanément au développement des médias de masse et à l’émergence de la société de consommation, le concept de jeunesse comme un argument de vente a vu le jour au début des années 60. Ainsi, comme il est sagement écrit dans l’article « Les âges de la vie, les grands bouleversements »28 de la revue Sciences Humaines : « X, Y, Z…, toutes ces formulations ne seraient que des fabrications pour désigner tout simplement une jeunesse modelée par le contexte politique, social, économique, culturel du moment. A l’heure où les grands récits comme la religion où les idéologies se sont évanouis, on invente une multitude de petits récits du présents »29. Ainsi, les millennials ne sont qu’une incarnation actualisée de la jeunesse ou, en d’autres termes, pourrionsnous supposer, une autre représentation de la jeunesse construite autour de stéréotypes adaptés à la société actuelle. Au sein de ses numéros, Neon met en scène et représente la jeunesse de plusieurs manières et ce, avec une certaine ironie dans certains cas. Comme le souligne Henri Boyer : « Les médias qui cultivent le second degré (flattant des lecteurs ainsi supposés avertis) peuvent fort bien se proposer de casser le stéréotype en dénonçant son fonctionnement réducteur et son objet étroitement circonscrit. Il n’en reste pas moins que c’est bien un privilège du discours médiatique, et encore faut-il que le média soit légitimé pour le faire. » Or, dans la mesure où Neon se présente lui-même comme « le magazine des millenials », il semble avoir la posture adéquate pour se permettre ironie et sarcasmes. Ainsi, lorsque Neon met en scène textuellement la jeunesse dans la structure de son magazine, il emploie l’expression « Salauds de jeunes »31 pour l’une des rubriques consacrées à la chronique du politologue Thomas Guénolé. Cette formule purement ironique désigne au contraire un contenu rendant compte de l’intérêt des jeunes pour la société et plus particulièrement ses ressorts politiques aussi bien à l’échelle nationale qu’européenne ou mondiale. Par ailleurs, dans le deuxième chapitre de son ouvrage Génération Y, Olivier Rollot, directeur exécutif du pôle communication de HEADway Advisory, liste les 21 mots-clés associés aux millennials, mots-clés qui correspondent davantage aux stéréotypes communément associés aux 18 – 36 ans. Parmi eux se trouvent l’émotion : les millennials seraient le fruit d’une société du spectacle et de la télé-réalité « où les émotions sont érigées en valeurs » . Là encore, notre place n’est pas de juger la véracité de ces a priori mais de les traiter comme des stéréotypes intégrés par la doxa, les médias et peut-être même certains millennials eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, nous remarquons que la structure même du magazine est composée de cinq grandes parties, l’une rassemblant l’ensemble des chroniques, et quatre autres titrées en fonction de sentiments sensuels, ou sensibles au sens philosophique33 du terme : « Ressentir », « Connaître », « Voir », « Faire »34. Le plan du magazine semble donc faire parfaitement écho à l’image que l’on se fait de la jeunesse telle qu’elle est décrite par Rollot. Ce dernier met également en avant la capacité des millennials à créer un langage spécifique : « Toute génération a eu ses expressions, ses tics de langage. Mais avec la génération Y, tout semble s’être subitement accéléré, comme l’explique Michel Serres en remarquant que la langue est « plus riche » que les précédentes. » 35 Les Millennials aurait créé 3823 nouveaux mots en 2011. Or, Neon est à l’origine d’un contenu spécifique et mis à l’honneur sur chaque couverture, les « Neonnogismes »36 inclus dans la rubrique consacrée aux listes. Ainsi, des néologismes humoristiques tels que « Jon Snowb », « Nabillache », « Perdreau Almodovar » ou « Raffarindum » 37 définissent des actions amusantes à grand renfort de jeux de mots usant de références culturelles partagées par les millennials : Jon Snow, le héros de la série à succès Game of Thrones, Nabilla, l’une des stars de la télé réalité Les Anges de la téléréalité, Pedro Almodovar, le cinéaste et Raffarin, l’ex premier ministre ayant été à plusieurs reprises la cible des moqueries de médias tels que le Grand Journal sur Canal +. Notons enfin que la forme elle-même du magazine fait une référence directe à la jeunesse en revêtant une dimension toujours ludique. Neon a en effet à cœur de multiplier des formats éditoriaux modernes invitant au jeu : infographies, illustrations, faux numéroscopes ou encore des « maps » amusantes. Les éditos de chaque numéro se veulent également divertissants en mettant en image les thématiques phares traitées, empruntant par exemple les codes des menus gastronomiques, des quiz, de labyrinthe, de playlists ou encore de mots-mêlés. 

La jeunesse, gage de nouveauté

 Ainsi, à l’instar de beaucoup de marques, Neon manipule les codes et stéréotypes propres à la jeunesse. Si, comme l’attestent les études du Credoc, les plus de cinquante ans sont responsables de 54% de la consommation totale, les auteurs Guérin et Tavoillot soulignent malgré tout l’entêtement des marques à vouloir cibler les jeunes : « Ceux-là sont réputés plus novateurs, moins fidèles et davantage capables d’entraîner un courant de consommation plus large par leur capacité d’influence sur les autres consommateurs. Les plus âgés apparaissent suiveurs, fidèles (…), ce qui est mauvais pour l’image de marque. Il y a comme une peur d’apparaître comme un produit de vieux, has been, dépassé. La pire sanction pour un professionnel du marketing serait que sa stratégie aboutisse à “vieillir la marque ! »38 En effet, selon Ronan Chastellier39, sociologue et président de Tendanço, la culture jeune tend à se croire pourvoyeuse et créatrice de nouveautés, à tort. Pour autant, elle leur demeure associée, tout comme aux tendances sociétales émergentes ou aux dernières modes. A titre d’exemple, l’auteur parle du phénomène autour de la tecktonik. Cette danse, associée à un style musical et vestimentaire, qui a eu un succès fulgurant entre 2006 et 2008, semblait selon lui faire table rase des danses du passé pour créer quelque chose de nouveau. Pourtant, la tecktonik était davantage un assemblage de rythmes et mouvements emprunts aussi bien à la musique disco, le hip-hop ou encore la house. Selon l’auteur, « La tendance doit être portée par une minorité de gens qui attrapent l’avenir (…). » – ici les millennials ou la jeunesse – « Pour tous les autres, “ceux qui pensent ensuite”, » – soient les générations antérieures et plus âgées – « l’information reste un impératif social, l’impératif d’aptitude à la conversation. »40 Or, d’après Chastellier, « c’est le rôle de la presse comme intermédiaire de la nouveauté et aussi le poids des rubriques “tendance” dans les sommaires. »41 Précisément, l’analyse de Neon, mais aussi de Millennials, corrobore cette relation tissée entre jeunesse et nouveauté. Précédant l’édito, les rubriques « News » 42 du titre de presse Millennials regroupent l’ensemble des dernières nouveautés en matière de « Little things » – soit des accessoires -, de « Swimsuits43 », de « Sneakers 44», de « Collab » – soit des collaborations entre des marques -, de « Bons plans », de « Livres-musique », de « Sorties ciné » et de « Concept ». De manière générale, la structure des rubriques suppose à chaque fois une nouveauté dans les thématiques traitées par le titre de presse, que ce soit les cosmétiques, la bijouterie ou encore la mode. Si Millennials met davantage en avant les nouveautés en matière de mode et de design, le titre de presse évoque également des innovations et tendances sociétales d’ordre nouveau telles que la théorie des genres ou l’émergence des start-ups.45 De même, Neon évoque plusieurs tendances sociétales supposément actuelles telles que la tendance dite « healthy » ou encore la tendance du hygge, art de vivre scandinave

Table des matières

Remerciements
Introduction
• Intérêt du sujet et champs théoriques d’investigation
• Problématique et hypothèses
• Méthodologie et corpus
• Plan détaillé
Chapitre 1 : Les millennials, une génération stratégique
I. Un argument de séduction à l’instar du mythe de la jeunesse
A. La jeunesse, un rêve mythique remis aux goûts du jour
B. La jeunesse, gage de nouveauté
II. Les Millennials permettent un branding de la modernité
A. S’opposer à la tradition doxique sur le fond comme la forme
B. L’expérience de la modernité
III. La génération dite Millennials permet de simplifier le profilage
A. Quand les millennials supposent un profilage attitudinal
B. Un profilage en faveur des annonceurs
IV. Première recommandation stratégique
Chapitre 2 : Les millennials, un miroir sociétal ?
I. La génération Millennials est en réalité une distorsion de l’adolescence
A. L’espace-temps « adulescent » des millennials
B. Une stagnation favorable au recyclage de tendances
II. La génération Y permet la compréhension et la critique des évolutions digitales et numériques
A. Les « Digital natives », une identité générationnelle connectée
B. Quand la Génération « Why » questionne le numérique .
III. La génération Y incarne une modification des rapports sociaux
A. Le millennial, un communicant pas comme les autres ?
B. Un rapport contradictoire vis à vis des rapports sociaux
IV. Seconde recommandation stratégique
Chapitre 3 : L’esprit millennials
I. De la remise en cause des institutions actuelles
A. La révolte des enfants du nouveau millénair
B. … a commencé avec les générations précédentes
II. Vers un système de valeurs disruptif
A. Les valeurs des générations 68 et Y
B. Du nihilisme à l’abandon des conventions.
III. Les Millennials, l’incarnation de tendances sociétales chroniques
A. Tendances et millennials
B. Tendances séculaires et chroniques
VI. Troisième recommandation stratégique
Conclusion
Bibliographie

Annexes
Sommaire des annexes
Couvertures Neon .
Juin 2016 – Juillet 2016 – Août 2016 – Septembre 2016
Octobre 2016 – Novembre 2016 – Décembre 2016 – Janvier 2017
Février 2017 – Mars 2017 – Avril 2017 – Mai 2017
Juin 2017
Couvertures Millennials
Juin – Juillet 2017
Exemple de sommaire Neon
Exemple de sommaire Millennials
Grilles d’analyses
Mots-clés.
Résumé

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