Résistances des directions d’établissement du primaire

Regard sur le passé

Il est intéressant et important à la fois de se remémorer les principaux événements survenus dans les commissions scolaires en rapport aux relations de travail, pour mieux comprendre le comportement organisationnel et son influence sur les besoins de changement dans les modes de gestion. Dans son rapport annuel sur l’état des besoins de l’éducation intitulé «Vers la maîtrise du changement en éducation», le CSE (1995 b) trace les grands mouvements de pensées. Nous avons choisi de les présenter par période de décennies. En voici un bref résumé. Les années ’60 : Nous vivons une période de poussée démographique, la durée des études s’allonge, les changements issus du Rapport Parent prennent forme, l’école active et coopérative est privilégiée. L’État joue un rôle de moteur et de mobilisateur, le MEQ travaille en symbiose étroite avec les leaders d’opinion et les experts en milieux éducatifs. Le courant d’individualisation marquera l’évolution des études secondaires. Il faut bâtir de nouveaux établissements, prévoir leurs équipements et leurs services, articuler les pratiques pédagogiques et le curriculum. Le changement est vécu sous le signe d’un développement planifié et d’envergure. La dimension du développement demeurant centrale dans l’action gouvernementale. Les années ’70 : Les consensus sur des modèles d’éducation privilégiant l’école active ou l’école milieu de vie se défont plus ou moins rapidement. Le rôle de l’État passe de la fonction mobilisatrice à celle de fonction de régulation. Les régimes pédagogiques et les programmes d’enseignement, au lieu de présenter de vastes encadrements, s’érigent en prépondérance et se drapent de prescriptions obligatoires. Le mur à mur s’installe, le sceau du légalisme est apposé.

Les années ’80 : Les leaders syndicaux affrontent le gouvernement et récoltent une sentence d’emprisonnement. On passe à un durcissement des relations de travail et à un raffinement des dispositions convenues et décrétées. Le législateur tente d’harmoniser et de régulariser le partage des responsabilités avec le projet de loi 107. La situation économique se détériore de plus en plus et l’éducation se voit privée d’un financement de première priorité. C’est la crise nationale, la crise économique, la crise des relations de travail. Les années ’90 : La situation se poursuit, l’évaluation est laissée au hasard, on s’en remet aux mécanismes d’autorégulation (plaintes, feux allumés ça et là). Depuis l’avènement de la LIP en 1988, on assiste à l’émergence de projets locaux. Les directions d’établissement réclament une décentralisation accrue. Le gouvernement est impuissant face à des déficits qui s’accroissent et la dette nationale ne cesse d’augmenter. Les discours de décentralisation sont de plus en plus à la mode. Sans être exhaustive, cette description nous permet de comprendre que le modèle de gestion centralisateur des années ’60 n’avait plus sa place trente années plus tard. Les raisons justifiant les changements au niveau des relations de travail sont de plusieurs ordres soit entre autres la détérioration de la situation économique et le besoin d’autonomie de la part des partenaires de l’éducation. Cette situation ne pouvait perdurer et une remise en question s’avérait nécessaire. Le gouvernement a dû restructurer à maintes reprises les différents ministères dont celui de l’Éducation. Voyons les dates importantes afin de nous permettre de comprendre la réforme de l’éducation.

Environnement turbulent

Les changements de société ont contribué à modifier nos façons de faire et de penser. Notons plus particulièrement : la mondialisation; les transformations sociales (la famille éclatée, l’immigration, la religion, l’écart grandissant entre les différentes classes sociales); la diversification du savoir; le gaspillage des ressources; le développement de la technologie; et les restrictions financières. Ce sont autant d’exemples qui ont incité fortement le gouvernement à revoir ses modes de gestion. Ce dernier élément fut particulièrement relevé par différents auteurs (CSE, 1993 a; Turgeon et Lemieux, 1999; Charron, 1997; Le groupe Innovation, 1993) pour expliquer les motifs de décentralisation du gouvernement. De plus, mentionnons la haute surveillance du rendement des investissements consentis en éducation en proportion du produit intérieur brut (PIB) en comparaison avec d’autres sociétés. En effet, selon les propos de Rondeau (1998), le Québec consacre annuellement 8,3% de son PIB à l’éducation, soit près de 14,5 milliards. En moyenne, pour l’année 1997, les vingt et un (21) pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dépensèrent 5,9% de leur PIB en éducation; le reste du Canada 7,9 %; et les ÉtatsUnis, un peu moins soit 7,7 %. Un problème majeur fut relevé par les médias soit le décrochage scolaire. Un article publié le 12 mai 1992 par le quotidien Le Soleil, mentionnait que selon le Conférence Board of Canada, les décrocheurs de 1989 coûteront quatre milliards de dollars et que le Québec était l’une des trois provinces, où le taux de décrochage est le plus élevé 11

Cet article a eu l’effet d’une bombe assez forte pour soulever l’opinion publique sur les défaillances du système éducatif. lnchauspé (1999) mentionne que les débats des dernières années révèlent que le système éducatif ne mettait pas assez l’accent sur la fonction cognitive de l’élève alors que la société du savoir l’exigera de plus en plus. Selon cet auteur, la dramatisation médiatique de l’échec scolaire est un signe des nouvelles attentes de la société par rapport à son système scolaire. Pour Leclerc (1996), l’éducation est confrontée aux phénomènes organisationnels tels : la complexité des systèmes de relation entre les personnes, l’émergence de la liberté individuelle et le rejet du conformisme, la nécessité d’autonomie accrue des unités opérationnelles et professionnelles, le passage d’une gestion de dépenses à une gestion de résultats, la délégation du pouvoir de solution aux personnes qui travaillent auprès des clientèles. Bref, de multiples raisons conditionnèrent le MEQ à faire une analyse de la situation. Plusieurs problèmes se pointèrent au ministère. On lui reprochèrent son haut taux de décrochage scolaire, ses fortes dépenses, sa façon de gérer en vase clos et le fait que les jeunes ne soient pas formés en fonction des besoins du marché. Le CSE avisait dans son rapport annuel de 1991-1992 qu’il fallait revoir les modes de gestion. Plusieurs autres avis se sont rajoutés plus particulièrement en 1993-1994 et 1994-1995 mais le principal déclencheur de la suite des événements fut sans contredit celui du rapport annuel de 1991-19921equel est expliqué à la section suivante.

Remise en cause du modèle de gestion

Le CSE (1992), dans son rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation, remet en question le modèle de gestion. Selon cet organisme gouvernemental, le processus de gestion est trop concentré sur l’administration des affaires courantes et le leadership de vision semble faire défaut. L’excès de centralisation est vu comme une entrave à la mission locale et a conduit à un désengagement des milieux. Le rapport fait également état des difficultés d’arrimage entre la structure mettant ainsi en évidence des carences au niveau de la souplesse de la structure, de la clarté des rôles et la reconnaissance du statut de différents interlocuteurs. Enfin, le financement doit pourvoir à des dépenses incompressibles et récurrentes d’où la difficulté d’assurer une efficience. Selon le CSE {1993), si la gestion classique centralisatrice a permis de faire des gains importants en terme de structure, de planification et d’encadrement favorisant la concertation, cette bureaucratisation des fonctions n’atteint plus l’efficacité recherchée. Toujours selon ce dernier, pour des raisons d’efficacité, d’équilibre et de juste répartition des ressources, le MEQ a pris presque entièrement à sa charge le financement de l’éducation et il en a laissé une petite part entre les mains des commissions scolaires. L’État, de concert avec les centrales syndicales est devenu le principal responsable pour tout ce qui concerne la définition de l’organisation du travail pédagogique et des conditions de travail du personnel enseignant parce qu’il est le principal bailleur de fonds de l’éducation.

Le CSE (1992) demande à ce que le réseau de l’éducation prenne des virages radicaux. Selon lui, le passage vers un nouveau modèle de gestion s’articule autour de quatre pistes de travail qui commandent autant de virages dans nos façons d’être et de faire. Premièrement, modifier la manière de diriger en passant du pouvoir hiérarchique à la mobilisation. Deuxièmement, procéder à une réduction et une simplification des encadrements de manière à créer une marge de manoeuvre plus grande, et ce, par le partage des pouvoirs. Troisièmement, revaloriser le rôle de l’enseignant visant une fonction plus professionnelle et quatrièmement, rendre compte de la qualité des services par l’évaluation. Des efforts notables ont été fournis par le CSE en vue d’élargir la marge de manoeuvre des commissions scolaires et de réduire l’encadrement fonctionnel. Un sous-comité (CSE, 1994) a d’ailleurs émis un rapport en ce sens. Notons également les travaux de I’ACSQ (1995) afin d’élargir également cette marge de manoeuvre et réduire les encadrements inutiles. Dans son avis pour la réforme du système éducatif, le CSE (1995a) mentionne: «Le Conseil pense qu’il faut procéder à une répartition plus équitable des pouvoirs et responsabilités … les objets de partage à revoir touchent essentiellement aux régimes pédagogiques, aux conditions de travail et aux modes de financement; et l’élargissement de la marge de manoeuvre doit permettre des projets d’établissement dynamiques, engageant les intervenantes et intervenants de première ligne12».

Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE
1 .1 Objet de la recherche
1.2 Contexte des commissions scolaires
1.2.1 Regard sur le passé
1.2.2 Dates importantes
1.2.3 Réforme de l’éducation
1.2.4 Contexte de la Commission scolaire Harricana
1.3 Identification du problème
1.3.1 Décentralisation des ressources financières
1.3.2 Résistances des directions d’établissement du primaire
1.3.3 Problème spécifique
1 .4 La question de recherche et les questions spécifiques
1.4.1 Question de recherche
1.4.2 Questions spécifiques
1.5 Buts, objectifs et limites de la recherche
1.5.1 Buts
1.5.2 Objectifs
1.5.3 Limites
CHAPITRE Il CADRE DE RÉFÉRENCE
2.1 Concepts reliés à la gestion
2.2 Efficacité organisationnelle des écoles
2.3 Décentralisation
2.3.1 Concept de la décentralisation
2.3.2 Types, principes et critères
2.3.3 Dimensions du concept de décentralisation retenues pour la recherche
2.4 Autonomie
2.4.1 Concept de l’autonomie
2.4.2 Études reliées à l’autonomie
2.4.3 Dimensions du concept d’autonomie retenues pour la recherche
2.5 Gestion
2.5.1 Concept de la gestion
2.5.2 Études reliées au concept de la gestion
2.5.3 Dimensions du concept de la gestion retenues pour la recherche
CHAPITRE Il MÉTHODOLOGIE
3.1 Type de recherche
3.2 Population à l’étude
3.3 Instrument
3.3.1 Choix de l’instrument
3.3.2 Préparation du questionnaire
3.3.3 Validation du questionnaire
3.4 Procédure et collecte de données
3.4.1 Procédure
3.4.2 Collecte de données
CHAPITRE IV RÉSULTATS
4.1 Méthode d’analyse
4.2 Autonomie de gestion
4.2.1 Dimension : responsabilité administrative
4.2.2 Dimension : latitude d’action
4.2.3 Dimension : niveau de financement
4.3 Dimension : activités d’enseignement et de formation
4.3.1 Facteur: organisation scolaire
4.3.2 Facteur : orientations et programmes locaux
4.3.3 Facteur : remplacement, frais de déplacement et choix du matériel
4.4 Dimension : activités de soutien à l’enseignement et à la formation
4.4.1 Facteur: gestion des écoles
4.4.2 Facteur: moyens d’enseignement
4.4.3 Facteur: services complémentaires reliés aux activités étudiantes
4.4.4 Facteur : services complémentaires reliés à l’animation et à la surveillance
4.4.5 Facteur : services complémentaires reliés aux élèves en difficulté
4.4.6 Facteur : services pédagogiques, formation d’appoint et développement pédagogique
4.5 Dimension : activités administratives
4.5.1 Facteur : conseil d’établissement et services corporatifs
4.5.2 Facteur : perfectionnement
4.6 Dimension : activités relatives aux biens meubles et immeubles
4.6.1 Facteur : entretien des biens meubles et immeubles
4.6.2 Facteur : entretien ménager, énergie, locations et sécurité
4.6.3 Facteur : investissements
4.7 Résultats extrêmes ……..-~
4.8 Limites reliées à l’analyse des résultats
CONCLUSION
APPENDICE A CADRE LÉGAL
APPENDICE B PLAN D’ENREGISTREMENT COMPTABLE
APPENDICE C RÉSULTATS DÉTAILLÉS
APPENDICE D QUESTIONNAIRE
RÉFÉRENCES

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *