Rhéologie exploratoire des systèmes modèles  

Rhéologie exploratoire des systèmes modèles  

Dans le but de définir une formulation stable pour l’étude de nos systèmes modèles, nous avons étudié dans un premier temps les propriétés rhéologiques d’émulsions inverses mélangées à des particules d’argile organophile. Puis nous avons fait varier les concentrations des différents constituants (rapport eau/huile, argile et surfactant) pour déterminer les concentrations où le matériau modèle présenterait le comportement rhéologique recherché dans une large gamme de concentration en gouttelettes et dans des conditions optimales de stabilité (faible sédimentation) et de reproductibilité des matériaux (protocole identique pour tout les matériaux modèles, taille de goutte de l’ordre du micromètre). 

Propriétés rhéologiques des systèmes modèles 

Pour cela, nous avons formulé un premier fluide modèle ayant une concentration en phase dispersée de 30%, une concentration en argile de 2% et une concentration en surfactant de 1%. Nous avons alors utilisé le protocole de formulation définit au chapitre 2. Ce fluide a alors été testé en rhéométrie conventionnelle (rhéomètre Bohlin CVOR200) en réalisant des séries de fluages suivant un protocole défini (voir chapitre 2). On a alors regardé l’évolution de la viscosité apparente au cours du temps pour différentes contraintes appliquées (Figure 41-1). Sur la figure 41-1, nous observons que le comportement rhéologique est différent suivant la contrainte imposée. Comme pour le matériau réel, nous obtenons une bifurcation de viscosité. Lorsque l’on applique une contrainte inférieure à une contrainte critique, la viscosité augmente de plusieurs décades mais le matériau continue de s’écouler sur le temps expérimental considéré, alors que pour une contrainte appliquée supérieur à la valeur critique, Matériaux modèles 94 la viscosité temps vers une valeur finie dépendante du niveau de contrainte imposée, le matériau s’écoule en régime permanent. Ici, nous retrouvons donc dans un premier temps une partie du comportement rhéologique des fluides de forage à base d’huile, sous la forme de propriétés thixotropes. Nous pouvons alors affirmer que notre matériau modèle peut, moyennant quelques précisions sur la formulation, représenter le comportement rhéologique des systèmes plus complexes que sont les boues de forage à l’huile. Contraintes imposées (Pa) Figure 41-1 : Evolution de la viscosité apparente sur 2400s pour différentes contraintes imposées. On peut cependant remarquer que même si le comportement du fluide modèle a des propriétés thixotropes similaires au matériau réel, il reste différent au niveau notamment de la cinétique de la bifurcation et également au niveau des premiers instants de l’écoulement. En effet, nous pouvons voir que la bifurcation intervient pour une contrainte critique entre 4 et 5 Pa et après environ 100s d’écoulement. Pour le matériau réel la contrainte critique était inférieure à 2.85Pa et la bifurcation démarrait après une phase d’écoulement de 300s où le fluide se comportait comme un simple fluide en loi de puissance. Nous pouvons cependant nous intéresser à l’existence d’un gradient de vitesse critique, ce que nous souhaitions également obtenir par cette formulation. Nous regardons alors l’évolution temporelle du rhéogramme apparent reconstruit à partir des mesures en fluages en prenant à différents temps et pour les différentes contraintes imposées les gradients de vitesse correspondant (Figure 41-2). Sur cette figure on peut tout d’abord voir que l’on ne retrouve pas le comportement en loi de puissance pour les premiers instants de l’écoulement. Le comportement rhéologique est tout de suite marqué par une rupture de pente sur la courbe d’écoulement à 16s. Au cours du temps, ce phénomène s’accentue et on identifie alors un gradient de vitesse critique pour de très faibles cisaillements. Temps (s) Figure 41-2 : Evolution temporelle du rhéogramme apparent pour le système modèle avec φ = 30%. Données issues de la figure 41-1. La formulation simplifiée ne représente donc pas de manière exacte tous les phénomènes identifiés et étudiés pour le matériau réel mais possède les principales caractéristiques rhéologiques pour notre étude : seuil d’écoulement, bifurcation de viscosité (thixotropie).

Influence de la fraction volumique en phase dispersée

 Nous allons maintenant nous intéresser à l’influence de la concentration en gouttelettes sur les propriétés rhéologiques globales des systèmes modèles. Pour cela, nous formulons un matériau ayant des concentrations en argile et en surfactant identiques au matériau précédent mais nous augmentons la fraction volumique en phase dispersée jusqu’à 60%. Nous réalisons des mesures identiques en fluage et nous regardons la viscosité apparente au cours du temps pour différentes contraintes appliquées (Figure 41-3). Nous retrouvons le même comportement rhéologique global avec une bifurcation de viscosité cependant moins marquée. On peut noter que la contrainte critique du matériau a augmenté passant de 4.5 à 11 Pa. La bifurcation de viscosité débute ici à un temps supérieur de 900s au temps du système modèle avec 30% de gouttes (100s), les propriétés thixotropes ont donc été modifiées par l’ajout de gouttelettes. Contraintes imposées (Pa) Bifurcation de viscosité Figure 41-3 : Evolution temporelle de la viscosité apparente pour différentes contraintes appliquées sur le système avec φ = 60%. Les courbes d’écoulement apparentes (figure 41-4) sont également différentes. Aux hauts gradients de vitesse on ne retrouve pas le comportement unique que nous avions sur la figure 41-2 pour le système avec une fraction volumique en phase dispersée de 30%. Nous observons également l’existence d’un gradient de vitesse critique pour cette concentration. 10-7 10-6 10-5 10-4 10-3 10-2 10-1 100 101 100 101Contrainte (Pa) Gradient de vitesse (s-1) 0.5 10 100 500 1000 1500 2000 Temps d’écoulement (s): Courbes d’écoulement apparentes 60/40 – 3 Figure 41-4 : Evolution temporelle du rhéogramme apparent pour le système avec φ = 60%. Données issues de la figure 41-3. Il faut cependant garder à l’esprit que nous réalisons ici des mesures apparentes qui ne reflètent pas la probable complexité de l’écoulement dans la géométrie de Couette à cylindres 97 coaxiaux. Nous savons ici que les propriétés thixotropes sont modifiées lorsque l’on augmente le nombre de gouttes dispersées dans le système. 

Influence de la concentration en argile

 Nous allons étudier l’influence de la concentration en argile dans la phase continue sur les propriétés rhéologiques des fluides modèles. Nous réalisons des expériences similaires que précédentes (fluages) sur deux systèmes dont les fractions volumiques en gouttelettes et en surfactant sont fixes, mais avec une fraction volumique en argile qui varie de 2% (Figure 41-5 a.) à 3% (Figure 41-5 c.). Contrainte (Pa) Gradient de vitesse (s-1)  Temps d’écoulement (s) Figure 41-5 : Viscosité apparente en fonction du temps pour différentes contraintes imposées et différents systèmes de concentration en phase dispersée φ = 50%, a. avec 2% d’argile, c. avec 3% d’argile. Evolution de la courbe d’écoulement apparente issue des fluages, b. avec 2% d’argile, d. avec 3% d’argile. La modification de la concentration en argile ne modifie pas intrinsèquement le comportement rhéologique du fluide. Nous pouvons noter cependant que la bifurcation de viscosité intervient plus tard pour le matériau le plus chargé en particules argileuses (Figure 41-5 a. et c.). Les rhéogrammes apparents ont également le même aspect. La rupture de pente se situe à un niveau similaire mais le comportement aux hauts gradients de vitesse semble c. d. a. b. 98 différent. Aux hauts gradients de vitesse ( 1 γ 1s −  ≥ ), la courbe d’écoulement apparente du matériau avec 2% d’argile organophile a un comportement identique durant toute l’expérience (Figure 41-5 b.), alors que pour la concentration plus élevée (3%), la courbe d’écoulement apparent du matériau semble se décaler vers les faibles gradients de vitesse. Ce dernier point a été observé sur la figure 33-2 pour le matériau réel. D’une manière générale, on peut supposer que si les particules d’argiles interagissent avec les gouttes de l’émulsion inverse (voir chapitre 6), elles sont en excès par rapport aux gouttes pour des concentrations relativement faibles (inférieures à 0.5% du volume d’huile) du fait de leur rapport de forme (voir chapitre 2). Du coup, il est logique de ne pas voir de grande modification entre les deux concentrations testées ici (1 et 3% d’argile par rapport au volume d’huile). De la même manière, lorsque l’on fait varier la fraction volumique en gouttelettes, pour des gouttes de dimensions identiques, dans la phase continue contenant un excès d’argile pouvant interagir, le nombre de ces particules libres dans l’huile va diminuer quand la concentration en phase dispersée va augmenter et inversement. Il nous faut donc une concentration minimum permettant d’avoir à peu près le même nombre d’interactions entre gouttes lorsque le nombre de celles-ci augmente. Ce qui nous permettrait d’étudier l’influence de la concentration en gouttes sur les propriétés thixotropes par exemple. Ici, il nous semble raisonnable de fixer la concentration en argile à 3% du volume d’huile pour étudier plus en avant les propriétés thixotropes de ces fluides en lien avec notre problématique. 

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