Role des oiseaux sauvages dans le cycle épidémiologique des virus influenza A

BIOLOGIE DES PRINCIPAUX HOTES AVIAIRES DES VIRUS INFLUENZA A

Le cycle biologique des oiseaux migrateurs se compose d’une période de reproduction (printemps-été), de la migration post-nuptiale, d’une période d’hivernage, et de la migration pré- nuptiale au printemps. La saison de reproduction correspond à la période pendant laquelle une espèce pond, couve et élève ses jeunes jusqu’à l’envol. Nous adopterons dans ce manuscrit la classification des oiseaux proposée par le congrès ornithologique international (version 2.2) (COI, 2009).

Biologie des Anatidés

Les anatidés forment une famille de l’ordre des Ansériformes. Elle regroupe 4 sous-familles (COI, 2009) :
– dendrocygninés (dendrocygnes) ;
– tadorninés (tadornes) ;
– ansérinés (cygnes, oies, bernaches) ;
– anatinés (canards, eiders, harles, macreuses, erismatures).
Dans la sous-famille des anatinés, on distingue notamment les genres suivants :
– genre Anas : canard colvert (A. platyrhynchos), canard souchet (A. clypeata), canard pilet (A. acuta), canard chipeau (A. strepera), canard siffleur (A. penelope), sarcelle d’hiver (A. crecca), sarcelle d’été (A. querquedula), etc. ;
– genre Aythya : fuligule milouin (Aythya ferina), fuligule morillon (Aythya fuligula), etc. ;
– genre Netta : nette rousse (Netta rufina), etc. ;
– genre Aix : canard mandarin (Aix galericulata), canard carolin (Aix sponsa).
Les anatidés se nourrissent d’invertébrés, d’herbes aquatiques ou de graines. Les harles (Mergus spp.) sont les seuls anatidés à se nourrir de poissons. On distingue parmi les anatidés ceux qui « barbotent », ceux qui « plongent » et ceux qui « fourragent » pour s’alimenter. Les cygnes, les tadornes ou les canards de surface (genres Anas et Aix) sont des « barboteurs » qui s’alimentent à la surface ou juste en dessous en eaux peu profondes. Les canards plongeurs (genres Aythya et Netta) se nourrissent principalement en plongeant entre 5 et 15 mètres de profondeur. Les anatidés fourrageurs comprennent les oies et certains canards qui fouillent la terre pour en extraire les racines, les tubercules ou les bulbes (Schricke et al., 1992 ; FAO, 2007).

En période de reproduction

Dans l’hémisphère nord, elle s’étale de mars à juillet pour la plupart des anatidés. Chez le canard colvert, les pontes commencent dès la fin du mois de février. Les couples se sont formés au cours de l’hiver sur les sites d’hivernage. Chaque espèce a un calendrier de reproduction qui lui est propre : par exemple, le canard colvert est très précoce mais sa période de reproduction est très étalée dans le temps (de fin février à juin) alors que le fuligule morillon se reproduit tardivement et sur une courte période (mai-juin). La chronologie de la reproduction varie selon les sites et les régions : en France, les populations de canards colverts et de fuligules milouins nichent plus précocement dans le Forez que dans la Dombes (Rhône-Alpes) alors que ces deux sites sont proches géographiquement (100 km de distance). De même les canards colverts du Nord-Ouest se reproduisent plus tôt que ceux du Sud-Est (Schricke et al., 1992).
Les anatidés sont principalement des nicheurs solitaires, à l’exception de quelques espèces comme l’oie à tête barrée (Anser indicus ) qui niche en colonies de plusieurs milliers d’oiseaux (FAO, 2007). Leurs nids sont localisés en général à moins de 200 mètres de l’eau (étangs, lacs, rivières, marais), avec une gamme d’habitats variés selon les espèces, comme pour le canard colvert qui peut faire son nid dans des milieux très divers (cultures agricoles, ronciers, arbres creux, blocs de pierre). Les nids sont en général bien cachés dans la végétation. Une fois installés, les mâles adoptent un comportement territorial plus ou moins marqué selon les espèces (Schricke et al., 1992 ; FAO, 2007).
Le succès de la reproduction, exprimé en nombre de jeunes à l’envol par femelle reproductrice, dépend principalement de la disponibilité alimentaire. Celui-ci est meilleur lorsque les femelles ont accumulé suffisamment de réserves avant la reproduction. La réussite de la reproduction dépend d’une part de la nourriture nécessaire pour couvrir les besoins des adultes et des jeunes, et d’autre part du choix du site du nid (protection contre les intempéries climatiques, les prédateurs et le dérangement). Dans certaines zones, la réduction des effectifs de populations nicheuses de canards peut s’expliquer par la prédation associée à l’évolution des pratiques agricoles et à la modification des milieux (Schricke et al., 1992).
Les femelles des canards s’occupent des jeunes jusqu’à ce qu’ils puissent voler alors que les oies et les cygnes créent des unités familiales qui peuvent durer jusqu’à la saison de reproduction suivante (FAO, 2007).

La mue (Schricke et al., 1992)

Tous les anatidés muent chaque année, ce qui consiste en un renouvellement partiel ou total du plumage. Ce phénomène, lié à l’action conjuguée des hormones thyroïdiennes et hypophysaires, se déroule sur plusieurs mois : il débute dès la fin de la reproduction pour se terminer à la fin de l’hivernage. Il entraîne une perte de poids et une dépense d’énergie élevée, de sorte que l’oiseau doit trouver une alimentation riche pendant cette période.
Le plumage est très variable d’un individu à l’autre pendant cette période en fonction de l’état d’avancement de la mue. On distingue quatre types de plumages selon l’âge de l’oiseau et l’époque de l’année : le plumage juvénile, le plumage intermédiaire ou d’éclipse, le plumage prénuptial et le plumage nuptial. Dans l’hémisphère nord, de juin à septembre les adultes sont en plumage d’éclipse et les jeunes en plumage juvénile ; d’octobre à mai on peut observer les livrées prénuptiale et nuptiale chez les jeunes et les adultes. Chez ces derniers, on distingue :
– la mue d’éclipse (acquisition du plumage d’éclipse), correspondant au renouvellement de toutes les plumes, se traduisant par une incapacité temporaire à voler pendant trois semaines à un mois. Chez les canards, elle se passe pendant la période de reproduction pour le mâle pendant que la femelle couve et pour la femelle après la période de reproduction soit avec un décalage d’un à deux mois par rapport au mâle ;
– la mue nuptiale (acquisition du plumage nuptial), correspondant à un renouvellement partiel du plumage. Chez les canards, elle est plus longue chez la femelle et peut durer jusqu’à la fin de l’incubation.

Les migrations (Schricke et al., 1992)

Les migrations sont des déplacements géographiques cycliques dans le temps et dans l’espace entre une aire de reproduction et une ou plusieurs aires internuptiales (quartiers d’hivernage ou de haltes migratoires). Chaque année, les différentes populations de canards migrateurs effectuent un aller-retour entre leurs aires de reproduction et leurs aires d’hivernage uniques ou multiples (situées plus au sud que l’aire de reproduction). On distingue essentiellement deux grandes périodes de migration dans l’hémisphère nord : la migration d’automne ou postnuptiale (trajet de la zone de reproduction à la zone d’hivernage) et la migration printanière ou prénuptiale (de la zone d’hivernage à la zone de reproduction). Pour certaines espèces, il existe également une migration de mue : les oiseaux vont se regrouper sur un même site pour muer, avant de reprendre leur migration vers les quartiers d’hivernage.
Avant d’arriver sur leur zone d’hivernage, les oiseaux réalisent des haltes migratoires (repos, alimentation). Les zones de haltes migratoires sont le plus souvent des quartiers d’hivernage. Un même site peut donc avoir deux fonctions différentes pour une même espèce. C’est le cas de la Camargue qui accueille un très grand nombre d’oiseaux hivernant de septembre à mars, et des oiseaux de passage qui rejoindront d’autres quartiers d’hivernage.
La plupart des anatidés sont considérés comme des oiseaux migrateurs au moyen cours : ils abandonnent la totalité de leur aire de reproduction pour une aire d’hivernage qui n’est pas trop éloignée de la première. Certaines espèces comme le canard pilet, la sarcelle d’été et le canard souchet sont qualifiés de « migrateurs au long cours » car ils hivernent en totalité ou partiellement en Afrique sahélienne et sub- sahélienne (Sénégal, Mali, Tchad) sur des zones situées à plusieurs milliers de kilomètres de leur aire de reproduction (Nord-Ouest de l’Europe, Russie occidentale, Sibérie).
D’autres espèces comme le canard colvert, la sarcelle d’hiver ou les cygnes tuberculés (Cygnus olor) sont des migrateurs partiels et n’abandonnent pas totalement leur aire de reproduction ; les deux zones de reproduction et d’hivernage se chevauchent donc. On assiste
à un glissement des populations vers le sud lors de la migration automnale. Certains individus sont sédentaires.
Tous les déplacements d’oiseaux ne sont pas considérés comme des mouvements migratoires mais peuvent correspondre à des mouvements de dispersion des individus. C’est le cas notamment des jeunes qui se dispersent dans toutes les directions autour de la zone de nidification à l’issue de la période de reproduction. De tels mouvements affectant toutes les catégories d’âges existent également en hiver et sont souvent liés à des contraintes météorologiques sur leurs quartiers d’hivernage : ainsi, lors de « vagues de froid », les oiseaux peuvent-ils se déplacer vers le sud à la recherche de conditions plus clémentes. Il existe également des déplacements entre différents quartiers d’hivernage. Ainsi, il a été estimé que 20 % des sarcelles d’hiver en Camargue peuvent changer d’aire au cours de l’hiver (Pradel et al., 1997).

En période d’hivernage

L’hivernage est la période qui se situe chronologiquement entre la migration postnuptiale et la migration prénuptiale. Les anatidés y réalisent quatre activités principales : sommeil, alimentation, toilette et nage (incluant également les activités sociales et sexuelles). L’étude de la sarcelle d’hiver en Camargue a permis de diviser la période d’hivernage en trois grandes phases (Tamisier et Dehorter, 1999) :
– pré-hivernage (août à septembre). Les oiseaux, en grande majorité des jeunes, viennent d’effectuer leurs migrations. Leur poids moyen est faible et leurs besoins alimentaires élevés. Ils consacrent en moyenne 12 heures de leur budget temps à se nourrir. La mue les contraint à une toilette fréquente et augmente les dépenses énergétiques ;
– hivernage proprement dit (octobre à décembre). L’augmentation du poids des individus, la fin de la mue, et la persistance des températures douces se traduisent par une diminution du temps dévolu à l’alimentation (9 heures en moyenne) ;
– post-hivernage (janvier à mars). La chute de la température ambiante, la nécessité d’accumuler des réserves en vue de la migration prénuptiale comme de la reproduction, et les parades nuptiales contraignent les oiseaux à consacrer plus de temps à l’alimentation (12-13 heures) et au sommeil.
Ces trois phases se retrouvent également chez les autres espèces de canards avec des différences portant sur la durée consacrée à chaque activité. Elles sont notamment largement conditionnées par la valeur énergétique des aliments consommés : les graines sont plus riches en énergie que les plantes. Ainsi, les herbivores (canards chipeaux ou siffleurs) consacrent plus de temps à l’alimentation que les granivores (sarcelles, canard colvert).
Les Canards
La périodicité des différentes activités est liée au rythme nycthéméral. Les activités de confort (toilette, sommeil) ont lieu le jour alors que les oiseaux s’alimentent principalement la nuit sur d’autres emplacements. La journée, des centaines voire des milliers d’individus se rassemblent sur des sites de grande surface appelés « remises » sur lesquels ils réalisent leurs activités de confort. Ils se dispersent en plus petits groupes la nuit sur d’autres sites appelés « gagnages » pour se nourrir. Les canards effectuent alors chaque jour l’aller-retour entre les gagnages et les remises, distants de 10 à 40 km. Les remises et les gagnages peuvent rassembler une ou plusieurs espèces de canards (Tamisier et Dehorter, 1999 ; Schricke et al., 1992).

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