Service d’aéronomie

Aéronomie le ciel sous haute surveillance

Alors qu’il vient de fêter son cinquantième anniversaire, le Service d’aéronomie (SA) (Ce laboratoire commun au CNRS, à l’université Paris 6 et à l’université Versailles St-Quentin a été dirigé par des scientifiques illustres, dont Gérard Mégie, président du CNRS de 2000 à 2004) nous a ouvert ses portes. De l’étude de l’atmosphère des corps célestes à la traque de la vie extraterrestre, découverte des missions d’un laboratoire renommé qui a bien les pieds sur terre. Vers quelle planète je vous emmène ? » Ainsi nous accueille Christian Malique, responsable du département technique du Service d’aéronomie, sur le site de Verrières-le- Buisson, dans l’Essonne. Une question posée à l’entrée d’un dédale de couloirs souterrains abritant des salles d’expérimentation aux noms plus mystérieux les uns que les autres : « Phébus », « Pampre », « Moma »… Déjà surpris par l’extérieur du site, un ancien fort militaire datant de 1875 au cœur d’une forêt luxuriante, nous embarquons pour… Titan ! Derrière la porte, trois jeunes chercheurs – parmi les 140 personnes environ qui œuvrent au SA – dans la pénombre. Au centre de la pièce, une lumière rose hypnotisante… « Cette couleur provient d’un plasma (Un plasma est un quatrième état de la matière : l’état d’un gaz ionisé qui devient en particulier un très bon conducteur et émet un rayonnement électromagnétique, phénomène visible dans les aurores boréales ou la foudre, par exemple). Celui-ci simule la physico-chimie qui se produit dans l’atmosphère de ce satellite de Saturne, déclare Guy Cernogora, chercheur en charge du projet Pampre. Cette réaction aboutit à la formation de fines particules organiques, telles qu’observées par la sonde spatiale Huygens. Nous les étudions de près car elles pourraient nous donner des indications sur l’origine de la vie sur Terre. » Mais la visite reprend déjà au pas de charge, direction… Mercure. Deuxième salle, deuxième ambiance. Un jeune ingénieur en gants blancs assemble le prototype de Phébus, un spectromètre ultraviolet destiné à équiper une sonde qui devrait partir en 2013 et arriver sur Mercure en… 2020. « Cet instrument permettra de caractériser la composition et la dynamique de l’exosphère Olivier Mine. En effet, excités par le rayonnement solaire, les atomes de l’exosphère émettent des photons, dont le spectromètre captera la longueur d’onde caractéristique. À peine sortis de la pièce, nous tombons nez à nez avec une tête de fusée soviétique M 100 de la Seconde Guerre mondiale. Puis, nous enchaînons avec la salle « Moma ». Ici, David Coscia et ses collègues mettent au point un « chromatographe en phase gazeuse » : « Cet appareil traquera les traces de vie sur la planète rouge. Comment ? En analysant les échantillons de sol que prélèvera la sonde européenne Exomars, dont le lancement vient à l’instant d’être repoussé de 2014 à 2016 », nous explique-t-il, avant de nous entraîner vers la salle blanche. Celle-ci, complètement vitrée, contient un air filtré en permanence pour éviter toute contamination. Au centre, sur la table : cinq petites bobines. « En cas de besoin, ces chromatographes sont destinés à remplacer ceux que nous avons fournis à la Nasa pour la mission américaine MSL, une mission analogue à Exomars, qui atteindra Mars en 2010. » Durant ces missions, tout l’enjeu consistera à analyser correctement un véritable prélèvement, « ce qui est plus délicat à réaliser que les mesures par télédétection obtenues par satellite », ajoute Franck Montmessin, jeune chercheur en charge de l’un des instruments d’Exomars. « Télédétection » : ce terme résume bien ce qui a fait, et fait encore, la renommée mondiale du Service d’aéronomie, notamment grâce aux fameux « lidars ». « Le lidar est un laser pulsé, précise Alain Hauchecorne, directeur du SA. Lorsqu’il entre en contact avec les différents composants atmosphériques, il est renvoyé à des longueurs d’onde caractéristiques de ceux-ci. L’analyse de ces longueurs d’onde permet de déterminer et de quantifier ces composants présents sur le parcours du laser. » Des lidars du laboratoire équipent aujourd’hui les observatoires de haute Provence, de Dumont d’Urville (Antarctique), d’Alomar (Norvège) et de l’Île de la Réunion. Mais aussi certains avions, comme ce fut le cas en 2008 dans le cadre de la mission Polarcat, en Arctique. Principal objectif : la surveillance de l’ozone stratosphérique et troposphérique mondial, dont le laboratoire coordonne la contribution française. « En combinant ces résultats aux mesures réalisées par des spectromètres au sol et sur ballons et montgolfières, nous avons mesuré une diminution de 3 % de la quantité mondiale d’ozone entre 1991 et 2001, annonce Philippe Keckhut, en charge de la coordination des mesures lidars au sol. La baisse atteint même jusqu’à 50 % aux pôles certains hivers ! » Ces données permettent aussi de valider les mesures fournies par les satellites d’observation, au premier rang desquels Envisat avec l’instrument Gomos. Dans son bureau ou s’entassent des monticules de dossiers aux noms évocateurs (Mars Express, Venus, Nasa…), Jean-Loup Bertaux nous en explique le fonctionnement. « Gomos mesure le spectre de la lumière émise par une étoile. En comparant ce dernier avec celui de la même étoile quand elle traverse l’atmosphère terrestre en se couchant, on en déduit l’absorption de lumière caractéristique des composants de l’atmosphère terrestre, parmi lesquels l’ozone. » CQFD. Via cette technique dite d’« occultation d’étoiles », Gomos réalise pas moins de 400 profils par jour depuis 2002 : un travail qu’il poursuivra jusqu’en 2011. Le but est d’établir une cartographie entre 15 et 100 kilomètres d’altitude de la concentration d’ozone et d’autres constituants atmosphériques autour de la Terre, pour en tirer une tendance sur dix ans. « Deux autres de nos instruments sont actuellement en orbite pour étudier l’atmosphère de Mars et de Vénus. Nous profitons aussi du second pour le pointer vers la Terre afin de nous entraîner à mesurer les indicateurs (ozone, chlorophylle…) à rechercher sur les exoplanètes pour y trouver la vie », s’enthousiasme Éric Villard en nous présentant les instruments de rechange. On l’aura compris, la force du Service d’aéronomie vient de son savoir-faire en termes de mise au point d’instruments de mesure toujours plus sophistiqués et miniaturisés. « Une mesure bien faite […] survivra, les modèles (Mathématiques) qui tenteront d’en rendre compte passeront ! », lançait souvent Jacques Blamont, le créateur du SA, dont les photos ornent les murs et alimentent encore les discussions de couloirs. Mais si les mesures sont les « mamelles de la science », comme se plaît à les nommer Franck Montmessin, « on ne peut plus aujourd’hui lancer une campagne de mesures sans savoir à l’avance comment leurs résultats seront exploités », prévient Slimane Bekki, un des modélisateurs du laboratoire. En cause : l’accumulation de résultats dans des bases de données sous-exploitées. Son équipe a donc développé des modèles assimilant toutes ces données pour simuler le transport et la chimie de gaz importants dans la stratosphère terrestre (ozone, méthane, oxydes d’azote…). Un d’eux, Reprobus, sera utilisé pour la partie « chimie » des prochaines prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et a même été adapté à l’atmosphère de Mars et de Vénus. Mais le SA ne s’arrête pas aux atmosphères planétaires. Ses chercheurs s’intéressent aussi à celle des comètes, via la participation aux missions embarquées sur la sonde européenne Rosetta et par des expérimentations en laboratoire. Le Service étudie également le Soleil sur le « terrain ». Le labo a ainsi fourni un triple spectromètre à la Station spatiale internationale et participe aussi à la mission Picard, qui sera embarquée sur un satellite courant 2009. Toujours plus loin, l’équipe part même à la découverte du milieu interplanétaire et interstellaire ! « À partir des mesures fournies par le satellite Soho, nous avons été les premiers à mettre en évidence une distorsion de l’héliosphère autour du Soleil, déclare ainsi Rosine Lallement. Une découverte ensuite validée par les sondes américaines Voyager, les premières à avoir franchi la frontière entre l’héliosphère et le milieu interstellaire. » Ce dernier est aujourd’hui l’objet d’étude de la chercheuse qui en établit la cartographie via des observations par télescope au sol, mais aussi par satellite. C’est donc la tête dans les étoiles que le visiteur part de ce lieu fascinant. Un site que les chercheurs de Verrières-le-Buisson quitteront en 2010 pour se regrouper avec une partie de leurs confrères du Centre d’études des environnements terrestres et planétaires (CETP) (Laboratoire CNRS Université Versailles St-Quentin Université Paris 6), à Guyancourt (Yvelines), au sein du nouveau Laboratoire « Atmosphères, milieux, observations spatiales » (Latmos). Une page se tourne, mais l’aventure continue… vers d’autres cieux. Jean-Philippe Braly Contact Christian Malique, christian.malique@aerov.jussieu.fr Guy Cernogora, guy.cernogora@aerov.jussieu.fr Pierre-Olivier Mine, pierre-olivier.mine@aerov.jussieu.fr David Coscia, david.coscia@aerov.jussieu.fr Franck Montmessin, franck.montmessin@aero.jussieu.fr Alain Hauchecorne, alain.hauchecorne@aerov.jussieu.fr Philippe Keckhut, philippe.keckhut@aerov.jussieu.fr Jean-Loup Bertaux, jean-loup.bertaux@aerov.jussieu.fr Éric Villard, eric.villard@aerov.jussieu.fr Slimane Bekki, slimane.bekki@aero.jussieu.fr Rosine Lallement, rosine.lallement@aerov.jussieu.fr Retour Génomique : Chez le melon, un seul gène contrôle le sexe Qu’est-ce qui détermine le sexe d’une plante ? Pour le melon, il ne s’agit que d’un seul et unique gène, comme viennent de le découvrir les chercheurs de l’Unité de recherche en génomique végétale (URGV) (Unité CNRS Inra Université Évry), à Évry. Une première dans le monde végétal. Chez Cucumis melo, le sexe est un peu particulier. La majorité des variétés cultivées possède des fleurs mâles et des fleurs hermaphrodites (avec les organes des deux sexes) sur un même plant. Un phénomène appelé andromonoécie.

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