Les infections du site opératoire (ISO)
Une infection du site opératoire est une infection survenant dans les 30 jours suivant l’intervention, ou dans l’année s’il y a eu pose uned’ prothèse (implant définitif tel que : valve cardiaque, prothèse articulaire, …).
En France, environ sept millions d’interventions chirurgicales sont réalisées chaque année, pouvant potentiellement entrainer 140 000 à 200 000 ISO, selon les estimations d’incidence brutes des ISO = 2-3 % des opérés [13]. Ce taux d’ISO est confirmé par des résultats provenant de la base de données commune des cinq centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (C-CLIN). Ce taux est comparable dans de nombreux pays européens, et superposable aux estimations du Center of disease control (CDC) nord-américain, qui font référence depuis les années 90.
Les ISO représentent en France la 3 cause d’IN (environ 10 % des IN) derrière les bactériémies et les infections urinaires (Figures 2et 3). Les ISO peuvent allonger la durée du séjour hospitalier, retarder la reprise de l’activité professionnelle, entraîner des séquelles transitoires ou permanentes, un préjudice moral ou financier, voire le décès du patient. La réduction des ISO est un des objectifs prioritairesdu programme national de lutte contre les IN, avec organisation d’un système de surveillance à l’échelle des ES et mise en place de mesures préventives [15]. L’ISO représente probablement l’indicateur de résultats le plus attendu par les autorités sanitaires et les usagers, pour la sécurité et la qualité des soins associées aux risques infectieux [17,20]. Le réseaude surveillance des ISO créé en France (ISO-Raisin, cf. après) a permis de collecter de 1999 à 2004 les données concernant 620 176 procédures chirurgicales. Durant cette période, unebaisse significative de l’incidence des ISO de 1 % à 0,5 % (p=0,05) a été mise en évidence pourles opérés à faible risque (index de risque = 0, âge < à 60 ans, acte programmé, séjour préopératoire < 24 heures) [C-CLIN Sud Est].
Les microorganismes les plus fréquemment retrouvéspar ISO-Raisin étaient les mêmes que l’ensemble des IN : Staphylococcus aureus (31%), Pseudomonas aeruginosa (14%) et Escherichia coli (8%) [18,22] (Figure 3). Une part importante des S. aureus étaient résistant à la méticiline (30 % des souches) et une large proportion des microorganismes isolés était des cocci gram positifs (S. aureus mais aussi Staphylococcus epidermidis et ) Staphylococci à coagulase négative).
Parmi les ISO, les infections sur prothèse ostéo-articulaire (IPOA) représentent un défi majeur pour la communauté médicale. En effet, face au vieillissement de la population, une augmentation des poses de prothèses articulaires (chirurgie très courante) est constatée parmi les opérations réalisées en routine quotidienne [23,24]; 290 000 nouvelles prothèses de hanche (PTH) et de genou (PTG) sont ainsi posées chaque année en France [13]. Ces poses sont réalisées chez des personnes de plus en plus âgées au terrain fragile, entrainant potentiellement un risque d’ISO plus grand et une surveillance nécessairement d’autant plus importante [12,21,25,26].
Les infections de prothèse ostéo-articulaire
Les IPOA, peu fréquentes [27], mais pourvoyeuses de complications sévères [13,28,29], représentent un des plus fréquents mécanismes d’échec des poses de prothèse, avec des conséquences lourdes en termes de morbidité, handicap, réhospitalisation, augmentation des durées d’hospitalisation et des coûts [9,30–35]. L’ IPOA de hanche ou genou est un des indicateurs clé de la surveillance ISO, requérant ’avoird une définition précise pour comparer les tendances évolutives en termes d’incidence et d’impact des surveillances mises en œuvre [13,36–38]. Une classification issue d’une recomman dation commune internationale ou nationale n’a pas encore été établie pour l’ISO orthopédique, mais plusieurs experts en infections ostéo-articulaires (IOA) ont fourni desdéfinitions de l’IOA et de l’IPOA, acceptées au niveau international [11,12,39–42].
Les microorganismes des IPOA les plus fréquemment etrouvés dans les ENP sont similaires ceux des études internationales : large prédominance de S. aureus (31%) avec environ 30% des cas, parmi lesquels 20 à 30% sont des SARM, P. aeruginosa (14%) et E. coli (8%) [9,12,18,22,43]. Les cocci gram positifs sont les plus fréquents : Staphylococci coagulase négative (S. epidermidis 11%)[44]. Suivent E. coli et les autres bacilles gram négatifs, comme pour les autres ISO. Une étude sur les IOA à partir des bases médico-administratives retrouvait S. aureus et les Staphylococci à coagulase négative majoritairement codés, respectivement 43 % et 28 % des cas [9].
Cette analyse épidémiologique des IOA en France a té réalisée en étude préliminaire à cette thèse afin d’évaluer l’impact médical et économiquedes infections articulaires en France à partir des bases médico-administratives hospitalières (PMSI : programme de médicalisation des systèmes d’information). Une comparaison épidémiologique des IOA natives versus sur matériel prothétique a été menée [Annexe 1]. Cetteenquête représente l’une des plus importantes études françaises exhaustives sur les IOA. Elle a permis de confirmer leur poids médico-économique : 0,2 % des séjours, 1 % des journées et 0,5 % de la mortalité hospitalière. L’impact économique était associé à neu morbidité importante avec des hospitalisations longues aux soins complexes. Les IPOA avaient un coût financier plus important que les infections natives avec des durées moyennes de séjour plus longues et une prise en charge chirurgicale plus fréquente. Peu d’études ont estimé l’incidence globale des IOA : les taux estimés sont limités à des enquêtesfocalisées sur quelques hôpitaux d’un pays ou d’une région [14,45]. Nous avons évalué le poidsdes IOA de l’adulte [Annexe 1] et celui de l’enfant en France [Annexe 2]. Une comparaison avec les résultats d’une enquête américaine a été rédigée sous forme de lettre à rédactionla [Annexe 3].
Ces travaux préliminaires de portée plus générale nto été portés en publications complémentaires de ce travail [Publications complémentaires – Annexes 1 à 3]. Ces travaux ont conforté la poursuite de notre projet d’évaluation de la performance d’un indicateur IPOA construit à partir des bases médico-administratives des résumés des séjours d’hospitalisation, comme outil complémentaire de surveillance des ISO.
Les systèmes de surveillance des infections nosocomiales
Surveillance des infections nosocomiales
L’impact positif de la surveillance dans la prévention des IN a été démontré, suite à l’expérience du National Nosocomial Infection Surveillance System (NNIS) du CDC aux États-Unis notamment ou le courant anglo-saxon du new public management [46,47]. L’objectif principal de ce type de réseau est de proposer des méthodes standardisées de mesure des IN aux hôpitaux volontaires pour la coll ecte des données. Cela permet d’estimer des taux d’IN standardisés et de faire des comparaisons ajustées de taux mesurés localement, utilisées comme reflet de la performance. Des indicateurs de qualité des soins des ES sont ainsi rendus publics par plusieurs pays, notamment les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la Belgique [3,47–49], soulevant la question de la com parabilité entre pays de ces indicateurs, et du choix des protocoles.
La France a créé, dans les années 1990, son réseaunational de surveillance des IN, le Raisin. Le Raisin coordonne, avec l’InVS et en étroite coordination avec la Direction Générale de la Santé et la DGOS (Direction Générale De l’Offre deSoins), la politique de LIN, en interaction avec les structures régionales et les professionnel de santé. Ces réseaux ne couvrent toutefois qu’une partie des ES (volontaires) et des infections nosocomiales (celles jugées prioritaires). Depuis 2003, le Ministère de la Santé avec le Raisin a mis en place un tableau de bord (TdeB) pour la lutte contre les IN en ciblant des indicateurs dits de moyen (résultats disponibles sur http://www.invs.sante.fr/raisin) [17,18,22], décrivant essentiellement des processus, sans mesure directe du risque d’infections associées aux soins chez les patients. Ces indicateurs du TdeB sont, pour certains, à diffusion publique mais difficilement interprétables en l’état par les usagers. La Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé renforce la participation des usagers dansles ES, notamment dans la LIN [50], pour plus de transparence en s’appuyant notamment sur la diffusion des indicateurs évaluant le système de soins. Cette démarche de TdeB traduit une volonté de transparence des pouvoirs publics vis-à-vis des usagers du système de soins. Au sein des Comités de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN), par exemple, la participation à titre consultatif d’un représentant des usagers est recommandée au moins àla séance concernant le bilan de l’année écoulée et la présentation du programme d’actions.
En écho à cette réglementation autour du rôle des usagers, le Ministère en charge de la Santé, l’initiative du Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins (CTINILS), a constitué un groupe de travail pour élaborer un document de réponse aux questions formulées par les usagers sur les IN, face à la vigilance ou à la pression croissante des représentants de patients sur ce sujet, et face aux conséquences médico-légales professionnelles. Un questionnaire a été élaboré urpoidentifier les demandes d’informations les plus fréquemment formulées par le grand publicsur les IN. Parallèlement, le questionnaire a été envoyé à une centaine d’adhérents de l’association Le Lien (association de défense des patients et des usagers de la santé dont la missionprincipale est d’informer et de défendre les victimes d’accidents médicaux, notamment pour promouvoir la sécurité des soins et la qualité de la prise en charge [51]). L’information et l’int égration des usagers dans la lutte contre les infections nosocomiales veulent permettre une médiation entre les professionnels et les patients. Depuis le 5 septembre 2001, si un patient estime avoir été victime d’une infection nosocomiale et souhaite obtenir l’indemnisation des dommages consécutifs à cet accident médical, un recours à l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales : établissement public administratif placé sous tutelle du Ministère chargé de la Santé)est possible, en cas d’accident non fautif ou d’infection nosocomiale.
Les indicateurs de qualité des soins ont été développés en France pour s’intégrer dans la politique globale de prévention des IN et de maîtrise de la résistance aux antibiotiques. Ils sont d’ailleurs pris en compte dans les référentiels de certification des ES [18,22,52]. Comme défini par Astagneau et Ancelle, un indicateur correspond à un outil de lecture ag régée de données, conduisant à exprimer un ratio ou un taux [47]. La question la plus complexe est en est son champ d’application : indicateurs de qualité, sécurité, efficience ou performance ? Les premiers indicateurs du TdeB des infections nosocomiales publiés en France correspondent à des indicateurs dits de processus. Le choix d’un indicateur de qualité des soins doit tenir compte des priorités des ES et de critères scientifiques, notamment la validité métrologique, c’est-à-dire la mesure non biaisée du phénomène surveillé par l’indicateur (paramètre de performance mesurés = sensibilité Se, spécificité p,S valeurs prédictives, reproductibilité)[47,53]. D’autres critères peuventêtre pertinents et prioritaires :faisabilitéou encore pouvoir discriminant.
La surveillance nationale des IN repose sur ce type d’indicateurs de qualité des soins. Cette démarche qualité s’inscrit dans une perspective derésultats qui fait l’hypothèse que les ES ayant les moins bons scores en comparaison des autres investiront dans la meilleure qualité des soins (Benchmarking). Ces indicateurs permettent le suivi des ES dans le temps et leur comparaison. Ceci incite tous les établissements à mesurer leurs indicateurs et suivre, en transparence vis-à-vis des usagers, leurs actions d e LIN [49,54]. En effet, il est admis que la surveillance par des indicateurs de qualité des soins permet, par la comparaison des pratiques, une amélioration des soins [15,20,54–56]. La définition de la démarche qualité par l’OMS est la suivante : « La qualité est une démarche qui doit permettre de arantirg à chaque patient l’assortiment d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en terme de santé, conformément à l’état actuel de lascience médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et poursa plus grande satisfaction en terme de procédures, de résultats et de contacts humains à ’intérieurl du système de soins» (OMS, 1982).
Depuis le 1er janvier 2011, les établissements de santé français doivent ainsi, de façon réglementaire [57], mettre à disposition des pouvoirs publics et des usagers, les résultats annuels des indicateurs du TdeB des IN. La publication, en 2005, du premier indicateur ICALIN (Indicateur Composite des Activités de Lutte contre les Infections Nosocomiales), issu des rapports d’activité des CLIN, a marqué ledébut de l’affichage public [58]. L’ICALIN objective l’organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans l’établissement, les moyens qu’il a mobilisés et les actions qu’il a mises en œuvre. L’ICALIN est un indicateur composite dans lequel on retrouve l’ICA-LISO (Tableau I). Le second indicateur de moyen était l’Indicateur de Consommation des Solutions Hydro-Alcooliques (ICSHA), publié l’année suivante.
