Suspensions minérales pour le couchage du papier 

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Présentation des suspensions de couchage utilisées

Nous présentons d’abord la composition générale des suspensions de couchage destinées à l’industrie papetière, puis nous nous concentrons sur celles fournies par la société Coatex pour cette étude.

Suspensions de couchage pour l’industrie papetière

Les suspensions de couchage sont des mélanges complexes dont la composition dépend du type de papier fabriqué, en fonction des propriétés souhaitées pour le produit fini. Il s’agit de suspensions aqueuses colloïdales fortement concentrées : la fraction massique en solide est comprise entre 55 et 70 %. Elles comprennent les constituants suivants :
— Des pigments, qui sont des particules minérales de taille micrométrique. Ils représentent 75 à 90 % de la masse sèche et confèrent au papier sa blancheur. Les pigments les plus couramment utilisés sont les carbonates de calcium et les kaolins. Le carbonate de calcium broyé est le plus répandu pour les papiers à haute qualité de brillance. Les pigments tels le gypse, le talc, le dioxyde de titane et les particules synthétiques type PCC (carbonate de calcium précipité) sont destinés à des applications particulières ou introduits en faible quantité [55, 56]. Ces pigments minéraux sont stabilisés par des agents dispersants, qui assurent la stabilité de la suspension en empêchant la floculation des pigments et leur agrégation sous cisaillement. Cela est fondamental pour prévenir la sédimentation de ces systèmes et l’augmentation importante de viscosité sous cisaillement. L’agent dispersant est le plus souvent un polyélectrolyte synthétique fortement chargé, de masse moléculaire faible. Le polyacrylate de sodium est le plus répandu. En l’absence de dispersant, les suspensions de couchage ne peuvent être préparées qu’à très faible extrait sec.
— Des « liants », typiquement des particules de latex de quelques dizaines de nanomètres. Ils représentent 25 à 10 % de la masse totale. Lors du séchage de la suspension de couchage, leur rôle est d’assurer la « cohésion » inter-pigments et entre les pigments et le support. Ils contribuent à créer un film cohésif homogène.
— Divers additifs rhéologiques ajoutés en petite quantité, tels les épaississants, les rétenteurs d’eau, mais aussi les azurants optiques. Ces molécules permettent d’ajuster les propriétés rhéologiques de la suspension et les propriétés optiques de la couche finale obtenue à l’issue du procédé de couchage.

Suspensions utilisées pour cette étude

Dans notre cas, les suspensions étudiées sont constituées de particules de carbonate de calcium (pigment), de particules de latex (« liant ») et de polymères en brosse P1-7 jouant le rôle de « rétenteurs d’eau » en suspension dans l’eau. Le carbonate de calcium est fourni par la société Omya. Les particules de CaCO3 sont obtenues par broyage humide de calcaire naturel en présence de polyacide acrylique (PAA) de masse molaire Mw « 5500 g/mol. Le PAA, ajouté à une concentration cP AA “ 2 ¨ 10´3 ´ 3 ¨ 10´2 g/g, permet la stabilisation de la suspension de carbonate de calcium dans l’eau. La surface spécifique de ces particules est de 10 m2/g et leur masse volumique vaut ρc “ 2, 8 g/cm3. Leur rayon hydrodynamique moyen, obtenu par des mesures de diffusion de lumière, est RH « 300 nm. Elles sont cependant assez polydisperses et de forme irrégulière, comme le montrent les observations en MEB de la Figure II.1(a).
Les particules de latex sont des copolymères styrène-butadiène fournies par la société Styron (référence : DL 966 ou 1066). En diffusion de lumière, leur rayon hydrodynamique moyen est RH « 80 nm. Leur distribution de taille est beaucoup plus étroite, comme l’atteste le cliché MEB de la Figure II.1(b). La masse volumique de ces particules est prise égale à ρL » 1 g/cm3.
Une suspension notée CL contient des particules de carbonate de calcium et de l’eau mais aussi des particules de latex. Une suspension CLP1-7 contient des particules de carbonate de calcium, de latex, ainsi que du polymère en brosse P1-7 et de l’eau. Le Tableau II.2 détaille les compositions des suspensions utilisées dans cette étude. En particulier, nous étudierons des suspensions CL de trois extraits secs différents ; de même pour les suspensions CLP1-7. Nous nous intéresserons aussi à des suspensions CLP1-7 de même extrait sec ES “ 0, 72 mais dans lesquelles différentes concentrations en polymère P1-7 ont été incorporées lors de leur formulation au Laboratoire Papier de Coatex. Des suspensions CLP1-j contenant des polymères de la famille P1 mais de différentes masses molaires seront aussi utilisées (par exemple la suspension CLP1-0.6 contenant le polymère P1-0.6 de masse molaire 6 ¨ 105 g/mol).

Interaction spécifique entre les particules de carbonate de calcium et les polymères en brosse

Dans cette partie, nous utilisons l’électrophorèse capillaire pour mettre en évidence l’exis-tence d’une interaction entre les particules de carbonate de calcium et les polymères en brosse. Cette technique est utilisée comme outil de diagnostic plutôt que pour récolter des informations quantitatives.

Mesures de mobilité électrophorétique

Les mesures de mobilité électrophorétique sont effectuées sur des suspensions de couchage « diluées », préparées de la façon suivante. Les suspensions « mères » concentrées (cc “ 6, 5¨10´1 g/g), fournies par la société Coatex, sont agitées pendant 15 minutes environ à l’aide d’un agitateur mécanique à pales fixé à un moteur de la marque Heidolph, à la vitesse de 500 tours{min environ. Les suspensions diluées sont ensuite réalisées par dilution des suspensions mères avec de l’eau milliQ sur une balance Sartorius CP224S précise à 0,01 g.
La mobilité électrophorétique de suspensions diluées, telles que cc “ 6, 5 ¨ 10´5 g/g et cL “ 6, 5 ¨ 10´6 g/g, a été mesurée par un appareil Zetasizer NanoZS de Malvern Instruments. Les suspensions sont introduites dans des cuves spécifiques, dites à capillaire replié, lavables et réutilisables. Pour chaque échantillon, la valeur de mobilité électrophorétique finale est la moyenne effectuée sur au moins 3 mesures. Chaque mesure résulte elle-même d’une moyenne effectuée sur 15 essais minimum.

Mise en évidence d’une interaction spécifique CaCO3 – polymère P1

Évolution de la mobilité électrophorétique en fonction de la concentration en polymère en brosse Nous présentons sur la Figure II.2 la mobilité électrophorétique de suspensions de couchage contenant des concentrations croissantes en polymère en brosse P1-7. En premier lieu, nous remarquons que la mobilité des particules CaCO3 est négative. La mobilité étant du même signe que la charge effective de surface des particules, cela signifie que les particules sont chargées négativement. Ceci est cohérent avec la stabilisation des particules de carbonate de calcium par l’acide polyacrylique, fortement chargé négativement.
De plus, nous constatons une variation monotone de la mobilité en fonction de la concen-tration en polymère introduit. Plus cette concentration est grande, plus la valeur absolue de la mobilité est faible et la vitesse de déplacement des particules dans le champ électrique est réduite. Nous attribuons ce résultat à l’existence d’une interaction spécifique entre les polymères P1-7 et les particules de carbonate de calcium. La présence de polymère P1-7 dans la suspension, même en quantité très faible (la concentration en polymère cP 1´7 “ 10´8 g/g équivalant à un rapport “ 6500), modifie significativement la mobilité électrophorétique des particules. Plus on ajoute de polymère, plus la charge de surface des particules est réduite.
Les polymères en brosse sont donc localisés au voisinage de la surface des particules minérales.
À des échelles plus grandes que la longueur de Debye (inférieure au rayon des brosses des polymères), tout se passe comme si les polymères en brosse P1-7 étaient non-chargés. Cela est cohérent avec la diminution de la charge de surface qu’ils induisent.
Les mesures de mobilité électrophorétique sur les suspensions L et LP1-7 diluées (clat “ 5 ¨ 10´5 g/g ; cP 1´7 « 3 ¨ 10´7 g/g) ne montrent aucune différence significative en l’absence ou en présence de polymère P1-7. Les particules de latex ont une charge de surface faiblement négative : la mobilité estimée est d’environ ´0, 8 µm.cm/V.s. Le polymère P1-7 ne change pas cette valeur : il ne développe pas d’interaction spécifique avec les particules de latex.
Évolution de la mobilité électrophorétique en fonction de la masse molaire du polymère en brosse À présent, nous cherchons à déterminer l’effet de la masse molaire sur l’adsorption des polymères P1-7 à la surface des particules de CaCO3. À cet effet, nous considérons des suspensions contenant des polymères en brosse de la famille P1, de différentes masses molaires :
CLP1-0.6, CLP1-0.3, CLP1-0.1. Dans toutes ces suspensions, la concentration en polymère est de cP 1 “ 2, 6 ¨ 10´5 g/g. La mobilité électrophorétique de ces suspensions est mesurée et présentée Figure II.3.
Pour la masse molaire de polymère la plus faible testée (Mw “ 1 ¨ 105 g/mol), la mobilité électrophorétique est comparable à celle de la suspension CL ne contenant pas de polymère en brosse. Ceci signifie qu’il n’y a pas d’interaction spécifique entre les polymères P1-0.1 et les particules de CaC03. Pour toutes les suspensions contenant un polymère P1 de masse Mw ě 3 ¨ 105 g/mol, nous observons une modification significative de la mobilité électrophorétique par rapport au cas d’une suspension CL (Figure II.3). En outre, la mobilité est d’autant plus faible (en valeur absolue) que la masse molaire du polymère P1 est élevée. Pour une masse molaire molaire suffisamment élevée (Mw ě 3 ¨ 105 g/mol), tous les polymères P1 présentent donc une interaction spécifique avec les particules de carbonate de calcium et modifient d’autant plus leur état de surface que la masse molaire du polymère est élevée.

Discussion sur la nature de l’interaction polymère en brosse – parti-cule CaCO3

Le mécanisme par lequel les polymères en brosse P1 interagissent avec la surface des particules CaCO3 est délicat à établir et n’est pas connu précisément. Considérons tout d’abord l’adsorption du PAA sur la surface des particules de carbonate de calcium.
Ce polymère s’adsorbe par l’intermédiaire de ses fonctions acide carboxylique. Une étude fondée sur des mesures de spectroscopie infra-rouge ATR-FTIR dans des suspensions concen-trées, contenant jusqu’à 75% en masse de carbonate de calcium, a montré que le NaPAA s’adsorbe sur le carbonate de calcium par un cycle chélatant formé par deux groupes car-boxylates adjacents, et non pas via des groupes carboxyliques isolés [57]. L’énergie de liaison PAA-calcite a été mesurée par des mesures microcalorimétriques [58]. L’enthalpie d’adsorption est faiblement endothermique, donc favorable : elle vaut environ 2 kJ/mol. Des simulations ont aussi été utilisées pour étudier la liaison des chaînes polyacrylates aux carbonates et aux ions calcium dissous dans la solution [59]. Des calculs d’énergie libre montrent que le calcium complexé à la fois avec le carbonate et la chaîne polyacrylate constitue une espèce très stable : l’énergie libre d’un lien calcium-carbonate est abaissée si l’ion calcium est lié à un PAA. Ceci suggère que le PAA se lie très fortement à des paires calcium-carbonate au voisinage de la surface des particules de carbonate de calcium.
La capacité du PAA à former des liaisons avec les particules de carbonate de calcium dépend fortement de la distribution de masse molaire du PAA. Il existe un optimum de masse molaire correspondant à une adsorption préférentielle du PAA à la surface des particules CaCO3. Les estimations expérimentales de cette gamme optimale sont Mw “ 2000 ´ 5000 g/mol ou Mw “ 5000´6000 g/mol selon les articles [60, 61]. Celles-ci justifient le choix du PAA employé comme dispersant par la société Coatex dans les suspensions étudiées : Mw “ 5500 g/mol.
Les auteurs de ces travaux avancent que ceci résulte d’un processus cinétique au cours duquel ces macromolécules de masse molaire optimale sont les premières à se lier à la surface minérale [60]. Si l’on considère par exemple une suspension de particules de carbonate de calcium à pH “ 9, dans laquelle on ajoute des polymères PAA de distribution de masse molaire très larges, les polymères PAA de plus petite masse ne s’adsorbent pas du tout. Les polymères PAA de plus forte masse pourraient s’accrocher à la surface des CaCO3 mais sont repoussés par ceux qui sont arrivés en premier à la surface, qui ont formé une barrière électrostatique. Cette sélection de masses molaires intermédiaires est d’autant plus efficace que les polymères sont en excès par rapport au nombre de sites d’adsorption disponibles.
Les polymères en brosse P1 que nous étudions ont un squelette proche de celui du polymère PAA. Il est donc a priori possible d’envisager aussi une adsorption de nature électrostatique sur les particules de CaCO3. Une adsorption de cette nature a été mise en évidence dans des études utilisant des polymères en brosse de nature voisine (polyméthacrylates greffés par des chaînes PEO) mais de plus petite masse molaire (Mw « 4 ¨ 104 g/mol) [8]. La stabilisation électrostérique qui en résulte est à la base de l’utilisation de ces copolymères de petite masse comme des dispersants. Il est à noter que la masse molaire équivalente du squelette de ces copolymères (« 6000 g/mol) est proche de la masse molaire optimale mise en évidence pour le PAA. Dans notre cas, cette adsorption électrostatique peut avoir lieu soit sur des sites libres de la surface des CaCO3, non-couverts par le PAA ; soit par un mécanisme de désorption de nature entropique des petites chaînes de PAA et de remplacement des sites vacants par des grandes chaînes de polymère P1. Cependant, du fait de l’adsorption forte du PAA sur les CaCO3 [59], le scénario d’un échange des polymères PAA avec les polymères P1 à la surface des particules de carbonate de calcium semble très coûteux énergétiquement. De plus, les polymères P1 étudiés possèdent des masses molaires de squelettes bien supérieures (104 à 7 ¨ 105 g/mol environ) à celles des polymères en brosse de la référence [8]. En outre, nous avons montré que l’interaction entre polymères P1 et particules de carbonate de calcium semble plus forte à masse molaire plus élevée. Si nous appliquons le critère d’optimum donné plus haut, il est donc assez improbable de considérer une adsorption de nature électrostatique des polymères P1 sur les particules de CaCO3.
Il est possible d’envisager que les polymères P1 interagissent plutôt avec le PAA adsorbé sur les particules de CaCO3. Il existe en effet d’autres modes d’interaction des fonctions carboxyliques du PAA. En particulier, le PAA et les polymères P1 peuvent interagir par interaction ion-dipôle entre les acides carboxyliques des PAA et les fonctions éthers portées par les chaînes pendantes PEM des polymères P1 [62, 63]. Les polymères en brosse formeraient donc une sorte de couche additionnelle à la surface des particules CaCO3, par-dessus les polymères PAA. Nous avons estimé par le calcul qu’il y a en solution environ 300 macromolécules en brosse P1 pour 1 particule de carbonate de calcium. Ceci représente assez de polymères en brosse pour recouvrir l’équivalent de 7 fois la surface des particules minérales. En supposant que la plupart des polymères P1 sont localisés à proximité de la surface des particules de CaCO3, nous pouvons imaginer une couche épaisse de polymères en brosse recouvrant les particules.
D’après nos mesures, les polymères de faible masse molaire Mw “ 105 g/mol montrent une interaction réduite vis-à-vis des particules CaCO3. L’interaction ion-dipôle est peut-être moins efficace du fait de la plus petite taille de ces polymères. D’après les résultats de diffusion de lumière, le rayon hydrodynamique des polymères P1-0.1 vaut RH « 6 nm. Par rapport aux polymères P1-7 de rayon hydrodynamique RH « 45 nm, le squelette est plus court et le nombre de chaînes pendantes est réduit. Il y a donc beaucoup moins de sites éthers disponibles pour l’interaction ion-dipôle. Il est à noter qu’il existe potentiellement un autre régime d’interaction entre polymères P1 et particules CaCO3 – de nature électrostatique – à des masses molaires plus faibles (de l’ordre de Mw « 104 g/mol), compte-tenu des études menées sur les copolymères utilisés comme dispersants [8, 9].

Importance du mode d’incorporation du polymère

Un élément intéressant est que le mode d’incorporation du polymère dans la suspension de couchage a un impact fort sur l’interaction des polymères P1-7 avec les particules de carbonate de calcium. En effet, dans toutes les suspensions testées et présentées Figure II.2, le polymère P1-7 a été incorporé sous agitation mécanique à l’état concentré (cc “ 6, 5 ¨ 10´1 g/g). La suspension CLP1-7 a été diluée dans un deuxième temps comme décrit plus haut (paragraphe II.2.1). Cependant, si l’on procède inversement, c’est-à-dire en diluant d’abord la suspension de couchage CL (non-additivée) puis en ajoutant le polymère P1-7 à l’état dilué (cc “ 6, 5 ¨ 10´3 g/g), les résultats d’électrophorèse capillaire sont très différents. La mobilité d’une telle suspension CLP1-7 vaut µ “ ´2, 3 µm.cm/V.s pour une concentration en polymère ajoutée cP 1´7 “ 2, 6 ¨ 10´5 g/g. Cette valeur est notablement plus faible que celle trouvée pour la suspension CLP1-7 correspondante Figure II.2 : µ “ ´1, 65 µm.cm/V.s. Ceci traduit une interaction polymère – particule restreinte.
Ces observations sont cohérentes avec des travaux de la littérature précédemment cités [57], qui montrent que l’état d’adsorption du polymère PAA sur les particules de carbonate de calcium est très dépendant de l’extrait sec de la suspension au moment de la préparation. Trois modes d’adsorption différents du PAA sont mis en évidence ; ils dépendent de l’extrait sec et de l’âge de la suspension. Plus précisément, la différence entre un système dilué et un système très concentré se traduit par un changement dans la coordination de l’ion carboxylate. Lors du vieillissement des suspensions concentrés, cette coordination évolue également. Ceci peut s’expliquer par une augmentation de la quantité d’ions calcium dissous avec le temps. Ainsi, l’état d’adsorption du PAA sur les particules de carbonate de calcium est fortement dépendant de l’extrait sec et de l’âge de la suspension, qui est sujette à vieillissement.
À la lumière de cet article, nous comprenons que l’état de surface des CaCO3 stabilisées par le PAA peut évoluer en fonction de la fraction volumique en solide de la suspension, et de son âge par rapport à sa date de préparation. D’où la nécessité de toujours incorporer les polymères en brosse à l’état concentré et de ré-agiter les suspensions avant toute utilisation, pour se placer dans un état de « préparation » reproductible.

Effet du polymère à la surface des particules CaCO3 sur la sédimen-tation des suspensions

Nous pouvons nous demander si l’adsorption des polymères en brosse de grande masse à la surface des particules de carbonate de calcium ne conduit pas à un pontage des particules CaC03. Un tel effet de floculation a été observé dans une étude de l’adsorption du PAA sur des surfaces de dioxyde de titane, à forte concentration en PAA ajouté ou pour de grandes masses molaires en PAA [64]. Par analogie à cette situation, la floculation des particules CaC03 par pontage dû au polymère P1-7 est effectivement envisageable – même si la structure en brosse du polymère limite son extension spatiale et sa capacité à former des boucles. Le pontage entraînerait l’agrégation des particules minérales et donc une sédimentation prononcée de très gros objets de taille supérieure au micron. Cet aspect a une importance primordiale pour la préparation, le stockage et la mise en œuvre des suspensions de couchage.
Mesures de turbidité Afin d’évaluer le comportement en sédimentation des suspensions de couchage, nous avons choisi de quantifier leur turbidité au cours du temps à l’aide d’un spectrophotomètre UV-Visible de la marque Shimadzu (UV-2401 PC). Des cuves jetables en plastique sont utilisées. Une mesure de référence est effectuée avec de l’eau milliQ. Nous nous plaçons pour ces mesures à λ “ 600 nm. La cuve de test est remplie avec la suspension de couchage étudiée diluée telle que cc « 6, 5 ¨ 10´3 g/g. La valeur de l’absorbance A est relévée au cours du temps : elle correspond directement à la turbidité de la suspension. Plus la sédimentation opère, plus la suspension devient transparente à une hauteur donnée (la hauteur du faisceau) et plus A diminue. Ainsi, les cuves sont toujours remplies avec la même hauteur de liquide et bouchées avec du parafilm pour éviter l’évaporation.
Résultats expérimentaux Les résultats de ces expériences de sédimentation sur les sus-pensions CL et CLP1-7 sont illustrés par la Figure II.4. La grandeur Aptq décroît au cours du temps, et les courbes obtenues pour CL et CLP1-7 sont superposables. Une faible déviation est observée à temps longs vers 1, 3 ¨ 103 min, soit environ 23 heures. La présence de polymère en brosse P1-7 dans la suspension de couchage n’induit donc pas de différence de comportement en sédimentation sur des temps relativements longs. Ceci nous indique que le P1-7 n’induit a priori pas d’agrégation visible des particules de carbonate de calcium. Il n’y a donc pas de pontage des particules minérales par les polymères P1-7.
FIGURE II.4 – Evolution de l’absorbance de suspensions CL (en noir) et CLP1-7 (en rouge) en fonction du temps. Les différents essais sont représentés par des symboles distincts.
Ces observations sont confirmées par des mesures de diffusion de lumière effectuées sur les suspensions de couchage C et CP1-7. Pour ces expériences, les suspensions C et CP1-7 ont été diluées jusqu’à cc « 6 ¨ 10´5 g/g. Une fois introduite dans la cuve de DLS, la suspension est soumise à des acquisitions de 60 secondes toutes les 2 minutes. L’angle de détection est θ “ 90°. La Figure II.5 illustre les résultats obtenus. Le rayon hydrodynamique des particules minérales est constant dans le temps pour les suspensions C et CP1-7. Nous n’avons donc pas de sédimentation détectable pour ces suspensions très diluées, en l’absence comme en présence de polymère. Le rayon hydrodynamique effectif des particules de carbonate de calcium dans les suspensions CP1-7 semble légèrement plus élevé que dans les suspensions C. Ceci peut être attribué à la couche de polymères en brosse présents à la surface des particules de CaCO3. Toutefois les deux valeurs moyennes de RH ne sont pas significativement différentes compte-tenu de l’incertitude expérimentale de ces mesures. Cette incertitude relativement importante est due à la grande polydispersité des particules de CaCO3 : RH « 300 ˘ 60 nm.
Ainsi, les expériences de spectrophotométrie et de diffusion de lumière indiquent que les suspensions de couchage diluées sont peu sujettes à la sédimentation à temps relativement courts, sur l’échelle de l’heure, que ce soit en l’absence ou en présence de polymères P1-7. Ces derniers n’induisent pas d’agrégation des particules minérales, qui entraînerait la sédimentation. Il est toutefois probable que les plus grosses particules de carbonate de calcium, minoritaires, sédimentent très vite au début de ces expériences, et que leur contribution ne soit donc pas détectée au cours du temps.

Propriétés interfaciales des polymères en brosse en interaction avec les particules de carbonate de calcium

Enfin, nous pouvons nous interroger sur l’influence de l’interaction existant entre polymères en brosse et particules minérales vis-à-vis des propriétés interfaciales des polymères. En effet, nous avons mis en évidence les propriétés tensioactives des polymères en brosse de la famille P1 dans le paragraphe I.6.3. Ces polymères conservent-ils ces propriétés tensioactives lorsqu’ils sont en interaction avec les particules de carbonate de calcium ?
Dispositif expérimental Les expériences présentées ci-dessous ont été réalisées avec l’aide du Pr. Jan Vermant et du Dr Eline Hermans à KU Leuven (Belgique), dans le Laboratoire Soft Matter, Rheology and Technolgy du Département Chemical Engineering. Une cuve de Langmuir est utilisée pour effectuer des expériences de compression-expansion d’interface, durant lesquelles la tension interfaciale est mesurée à l’aide de deux balances de Wilhelmy. Ce dispositif nous permet d’étudier les propriétés interfaciales statiques et dynamiques de solutions par une autre méthode que celle de la goutte pendante (paragraphe I.6.1).
La cuve de dimensions 360 ˆ 75 mm est en téflon et comporte deux barrières mobiles de dimensions 20 ˆ 75 mm contrôlées par un ordinateur. Ces barrières définissent une aire intérieure Ain et une aire extérieure Aext. Dans chaque zone est positionnée une des balances de Wilhelmy. Avant chaque expérience, la cuve et les barrières sont lavées deux fois à l’eau distillée, à l’éthanol puis à l’eau milliQ, et séchées très soigneusement pour éviter la présence de tout contaminant qui pourrait perturber les mesures. De même pour les lames de Wilhelmy, qui sont aussi exposées à une flamme de bec Bunsen pour parfaire leur nettoyage.
La cuve de volume 120 mL est ensuite remplie avec de l’eau milliQ et nous vérifions la tension de surface mesurée à l’aide des balances de Wilhelmy. Pour cela, les lames sont trempées dans le liquide, puis relevées doucement jusqu’à atteindre le maximum de tension de surface affiché par les capteurs. C’est cette valeur que nous enregistrons pour γ. Les lames sont ensuite replongées dans le liquide, en les abaissant un peu pour commencer la mesure. Pour l’eau milliQ, nous trouvons typiquement γ “ 72, 8 mN/m. L’erreur systématique de ces balances sur la tension de surface est ˘ 0, 5 mN/m.
Le protocole expérimental adopté pour l’étude de la solution de P1-7 dans l’eau à cP 1´7 “ 10´5 g/g est le suivant :
— La solution est chargée et la tension de surface à l’intérieur et à l’extérieur des barrières est mesurée. Nous laissons s’équilibrer ces valeurs pendant un temps de 5000 s environ.
— Une compression de l’interface est effectuée en rapprochant les barrières à une vitesse v “ 100 mm{min. Les valeurs des tensions de surface intérieure et extérieure sont enregistrées jusqu’à ce qu’elles atteignent des valeurs constantes.
— Une expansion de l’interface est effectuée en éloignant les barrières à une vitesse v “ 100 mm{min. Les valeurs des tensions de surface intérieure et extérieure sont enregistrées jusqu’à ce qu’elles atteignent des valeurs constantes.
Cinétiques d’adsorption – désorption des solutions de polymère en brosse P1-7 dans l’eau Les expériences réalisées avec la cuve de Langmuir nous permettent de confirmer les observations fournies par la technique de la goutte pendante (paragraphe I.6.2). La Figure II.7 présente les variations de la tension de surface des zones intérieure et extérieure aux barrières lors des expériences de compression-expansion, pour une solution de polymère P1-7 dans l’eau à 10´5 g/g et une vitesse des barrières de 100 mm/min.
Nous observons qu’après chaque évènement de compression ou d’expansion de la zone intérieure, les tensions de surface intérieure et extérieure mettent un certain temps à se stabiliser. Ce temps caractéristique est de l’ordre de 4000 s. Ces expériences confirment que la cinétique d’adsorption-désorption des polymères P1-7 à l’interface est lente.

Table des matières

Introduction 
I Polymères en brosse : caractérisation physico-chimique et structurale 
I.1 Polymères en brosse : bibliographie
I.2 Présentation des polymères en brosse étudiés
I.3 Organisation mésoscopique
I.4 Étude des polymères en brosse en solution par diffusion simple de la lumière
I.5 Propriétés rhéologiques des solutions de polymères en brosse
I.6 Propriétés interfaciales des polymères en brosse
I.7 Conclusion
II Suspensions minérales pour le couchage du papier 
II.1 Présentation des suspensions de couchage utilisées
II.2 Interaction spécifique entre les particules de carbonate de calcium et les polymères en brosse
II.3 Rhéologie des suspensions de couchage
II.4 Conclusion
III Etude expérimentale de la rétention d’eau
III.1 Caractérisation de la rétention d’eau par un test industriel normalisé
III.2 Matériel et méthodes développées
III.3 Résultats expérimentaux
III.4 Mécanismes de filtration à travers les suspensions de carbonate de calcium
III.5 Conclusion
IV Séchage de gouttes de suspensions colloidales : une revue 
IV.1 Évaporation d’une goutte posée sur un substrat
IV.2 Formation d’anneaux de café
IV.3 Inhibition de l’effet anneau de café : méthodes intrinsèques
IV.4 Inhibition de l’effet anneau de café : méthodes extrinsèques
IV.5 Autres motifs de séchage de gouttes
IV.6 Exploiter ou supprimer le motif anneau de café pour des applications contrôlées
V Étude expérimentale du séchage de gouttes de suspensions de couchage
V.1 Matériel et méthodes
V.2 Défauts de séchage dans les suspensions colloïdales de carbonate de calcium
V.3 Suppression de l’effet anneau de café dans les suspensions de carbonate de calcium par l’ajout de polymères en brosse
V.4 Rôle du polymère en brosse
V.5 Mécanisme d’inhibition de l’effet anneau de café par les polymères en brosse
V.6 Conclusion
VI Extension à un fluide biologique : le sang 
VI.1 Introduction
VI.2 Matériel et méthodes développées
VI.3 Biocompatibilité du polymère en brosse P1-7
VI.4 Séchage de gouttes de sang
VI.5 Action anticoagulante des polymères en brosse
VI.6 Conclusion et perspectives
Conclusion générale 
A Détails et analyses supplémentaires en DLS
B Théorie de la goutte pendante
C Décomposition temporelle du séchage de gouttes en microscopie à fluorescence
Bibliographie 

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