Syndrome post-intervallaire après intoxication au monoxyde de carbone

Monoxyde de carbone (CO) et le syndrome post-intervallaire

L’intoxication au monoxyde de carbone (ICO) peut être responsable de séquelles cognitives sévères, peu étudiées dans la littérature.
Outre les symptômes immédiats post inhalation de monoxyde de carbone (CO), des signes neuropsychiatriques peuvent apparaître après un intervalle libre de quelques jours à quelques semaines après l’intoxication, dont l’ensemble des symptômes est appelé syndrome post-intervallaire.
Le syndrome post-intervallaire est d’une symptomatologie riche et diversifiée, de gravité variable, dont le diagnostic est principalement clinique.
Neurologiques : céphalée, trouble de la mémoire, de la concentration, en passant par un syndrome parkinsonien, trouble des sphincters…
Psychiatriques : du simple trouble de l’humeur, anxiété, dépression, jusqu’aux troubles cognitifs majeur invalidants. Dans la plupart des cas, la symptomatologie disparaît, mais un syndrome séquellaire peut s’installer de façon définitive.
En France, hormis un suivi recommandé à 6 semaines des intoxiqués au CO, les professionnels de santé, ne disposent pas de recommandations pour sa prise en charge, ce qui en fait une entité mal connue et potentiellement sous diagnostiquée. En ce sens la communication et la coordination entre les services hospitaliers et les médecins généralistes prend toute son importance et doit permettre ainsi l’optimisation de la prise en charge des patients intoxiqués au CO.
Après s’être basé sur une étude toulousaine de 2009 pour faire l’évaluation d’une procédure de dépistage et d’estimation de la prévalence du syndrome post-intervallaire au sein du service de médecine hyperbare de l’AP-HM , ce travail de thèse a pour objectif d’évaluer les connaissances et le suivi du syndrome post-intervallaire, post intoxication au monoxyde de carbone, par les médecins généralistes de la région PACA.

Définition d’une intoxication oxycarbonée 

En 2004, la direction générale de la santé, a établi un ensemble de définitions épidémiologiques d’ICO associant des critères environnementaux et médicaux, divisés en deux catégories : Les cas certains d’intoxication au CO
Cas n°1 : sujet présentant des signes cliniques évocateurs d’intoxication par le CO et une carboxyhémoglobine mesurée ou estimée (dans l’air expiré) supérieure ou égale
à 6% chez un fumeur (ou une personne dont le statut tabagique est inconnu) ou 3% chez un non-fumeur. Cas n°2 : sujet présentant des signes cliniques évocateurs d’intoxication par le CO et une concentration de CO mesurée dans l’atmosphère supérieure à 10 ppm.
Cas n°3 : sujet présentant des signes cliniques évocateurs d’intoxication par le CO et une exposition au CO confirmée par l’enquête technique.
Cas n°4 : carboxyhémoglobine mesurée ou estimée (dans l’air expiré) supérieure ou égale à 6% chez un fumeur (ou une personne dont le statut tabagique est inconnu) ou à 3% chez un non-fumeur et une situation d’exposition par le CO confirmée par l’enquête technique.
Cas n°5 : carboxyhémoglobine mesurée ou estimée (dans l’air expiré) supérieure ou égale à 10% chez un fumeur (ou une personne dont le statut tabagique est inconnu) ou à 6% chez un non-fumeur.
Cas n°6 : carboxyhémoglobine mesurée ou estimée (dans l’air expiré) supérieure ou égale à 6% chez un fumeur (ou une personne dont le statut tabagique est inconnu) ou 3% chez un non-fumeur et sujet exposé dans les mêmes conditions (locaux, véhicule…) qu’un patient appartenant à une des catégories précédentes.
Cas n°7 : sujet présentant des signes cliniques évocateurs d’intoxication par le CO et sujet exposé dans les mêmes conditions (locaux, véhicules…) qu’un patient appartenant à une des catégories précédentes. Les cas probables d’ICO : Cas n°1 : espace où a eu lieu une intoxication ou suspicion d’intoxication oxycarbonée en raison de troubles évocateurs avec, chez la personne intoxiquée, une carboxyhémoglobine mesurée ou estimée par dosage du monoxyde de carbone dans l’air alvéolaire égale ou supérieure à 3% chez le non-fumeur ou 6% chez le fumeur.
Cas n°2 : espace où la concentration atmosphérique en monoxyde de carbone est égale ou supérieure à 10 ppm.
Cas n°3 : Présence d’une installation attestée dangereuse par évaluation au moyen de la grille d’évaluation intervenant de type I (non-professionnels) ou de type II (professionnels des installations).

Propriétés physico-chimiques du monoxyde de carbone

Structure : Le monoxyde de carbone un gaz formé par la combinaison d’un atome de carbone et d’un atome d’oxygène, présent physiologiquement dans l’organisme et dans l’atmosphère. Il est inodore, incolore, insipide, non irritant, non suffocant, inflammable et potentiellement détonnant, ce qui en fait sa toxicité . Il existe à l’état gazeux dans des conditions normales de température et de pression (0°, 1 ATM), tout comme dans des conditions de température et de pression ambiante, soit à 25° et 1 atmosphère. Plus léger, mais de densité proche de celle de l’air (0,97), le monoxyde de carbone est volatile et très diffusible dans le milieu ambiant ce qui lui permet de passer la barrière alvéolo-capillaire lors de son inhalation .
Combustion du carbone : Le processus de combustion est une réaction chimique d’oxydation d’un combustible (matière pouvant se combiner à l’oxygène) par un comburant (l’oxygène le plus souvent) en présence d’une source de chaleur (soit l’énergie d’activation). Ces trois éléments forment le « triangle du feu » .
Le carbone (combustible) se combine au dioxygène (comburant) au contact d’une énergie d’activation (chaleur le plus souvent) selon les réactions suivantes :
Combustion complète : C + O2 = CO2, le dioxyde de carbone, Combustion INCOMPLETE : C + ½ O2 = CO, le MONOXYDE DE CARBONE.
Il s’agit donc d’un gaz produit par la combustion incomplète d’un composé carboné en raison d’une quantité d’oxygène insuffisante, quel que soit le combustible utilisé (bois, butane, essence, charbon, fuel, pétrole …).
La combustion incomplète se produit dans un environnement avec une mauvaise ventilation en air frais ou lors de l’utilisation d’appareils domestiques défectueux (sources de chaleur principalement). Cette diversité explique que les causes d’ICO soient diverses, fréquentes et difficiles à détecter.
Sources de monoxyde de carbone : Le CO est présent naturellement dans l’organisme à très faible dose, provenant de la dégradation des hémoprotéines, majoritairement de l’hème (mais aussi par dégradation de la myoglobine, des cytochromes, catalases et peroxydases) et de façon plus accessoire lors de la peroxydation lipidique .
Dans l’environnement, le monoxyde de carbone est produit naturellement lors des feux de forêt ou des éruptions volcaniques.
Sa principale source, représentant les plus grandes causes d’intoxication, provient directement de l’activité humaine au travers des moteurs à combustion, de systèmes de chauffage, de production d’eau chaude, de cuisson ou encore du tabagisme.
La concentration de CO habituellement retrouvée dans l’atmosphère est inférieure à 10 parties par million (ppm) tandis qu’elle est de 7000 ppm dans les gaz d’échappement automobile et 30 000 à 40 000 ppm dans la fumée de cigarette . Le tabagisme représente la cause d’ICO chronique la plus commune tant pour les fumeurs actifs que pour les personnes soumises au tabagisme passif. Des seuils à ne pas dépasser ont été définis par différentes organisations, notamment l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui recommande de ne pas dépasser une concentration de 90 ppm sur 15 minutes d’exposition .

Physiopathologie : mécanismes de la toxicité du monoxyde de carbone

Effet sur les hémoprotéines : La pénétration dans l’organisme du CO s’effectue par inhalation via la membrane alvéolo-capillaire, pour ensuite s’installer dans la circulation sanguine. Il se fixe à 80% sur l’hémoglobine (HbCO) et à 20% sur la myoglobine (MbCO), ne permettant pas le transport de l’oxygène entrainant hyperventilation en réponse à l’hypoxie tissulaire.
L’hémoglobine a une affinité 200 à 250 fois plus forte pour le CO que pour l’oxygène . De plus, si du CO se fixe sur l’hémoglobine, cette liaison renforce l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène, la rendant moins apte à libérer son oxygène aux tissus, effet se traduisant par le déplacement vers la gauche de la courbe de dissociation de l’hémoglobine. Ainsi le CO réduit la capacité de l’hémoglobine à transporter de l’oxygène, mais diminue aussi sa capacité à le décharger aux tissus. Il en résulte qu’une intoxication au CO correspondant à 50% d’HbCO a des effets plus nuisibles pour l’oxygénation tissulaire qu’une anémie correspondant à une baisse de 50% de la concentration d’hémoglobine dans le sang. La myoglobine est une hémoprotéine qui facilite la diffusion de l’oxygène aux cellules musculaires squelettiques et cardiaques. Comme pour l’hémoglobine, l’affinité du CO est 40 fois supérieure à celle de l’oxygène (23), déplaçant également sa courbe de dissociation vers la gauche. Il en résulte une carboxymyoglobine non fonctionnelle avec diminution du débit cardiaque aggravant un peu plus l’hypoxie tissulaire.
Au niveau mitochondrial, s’installe un métabolisme anaérobie avec production d’acide lactique entrainant une mort cellulaire. Ce métabolisme s’installe lorsque le CO se fixe sur le cytochrome C-oxydase, oxydant le cytochrome C bloquant ainsi la chaine respiratoire mitochondriale et donc la synthèse aérobie adénosine triphosphate (ATP) . Au niveau cérébral, l’inhibition du cytochrome C-oxydase est accompagnée d’une diminution du PH, et d’une libération massive de neurotransmetteurs (glutamate) ainsi qu’une diminution du recaptage responsable d’une dégénération neuronale.
Phase de ré-oxygénation : Lors de la phase de ré-oxygénation, alors que la restauration des fonctions mitochondriales normales semble assez lente et que la chaine mitochondriale reste bloquée par les complexes CO-cytochrome oxydase, l’oxygène ne suit plus sa voie métabolique normale conduisant à la formation de radicaux libre oxygénés formés en excès responsables d‘un stress oxydatif pouvant engendrer des lésions cérébrales .
Le CO entraîne une augmentation du monoxyde d’azote tissulaire, par liaison compétitive du CO à l’hème intracellulaire, provoquant une production de peroxynitrite entraînant l’activation des plaquettes et leur agrégation aux polynucléaires neutrophiles (PNN).
S’en suit une dégranulation des PNN libérant des myéloperoxydases, des protéases et des radicaux libres oxygénés responsables d’un stress oxydatif altérant l’endothélium vasculaire, une apoptose et une peroxydation des acides gras. Cette peroxydation altère à son tour la structure de la protéine basique de la myéline (MBP) avec démyélinisation et inflammation de la substance blanche. Ceci est à l’origine de symptômes neurologiques retardés appelé le syndrome post-intervallaire .

Table des matières

INTRODUCTION 
1. Monoxyde de carbone (CO) et le syndrome post-intervallaire
2. Intoxication au Monoxyde de Carbone
2.1 Définition d’une intoxication oxycarbonée (4,5)
2.2 Épidémiologie
2.3 Propriétés physico-chimiques du monoxyde de carbone
2.3.1 Structure
2.3.2 Combustion du carbone
2.3.3 Sources de monoxyde de carbone
2.4 Physiopathologie : mécanismes de la toxicité du monoxyde de carbone
2.4.1 Effet sur les hémoprotéines
2.4.2 Phase de ré-oxygénation
2.4.3 Synthèse (27)
2.4.4 Chez la femme enceinte et le nourrisson
2.5 Aspects cliniques
2.5.1 Concentration dans l’air
2.5.2 Signes neurologiques
2.5.3 Signes cardio-vasculaires
2.5.4 Signes pulmonaires
2.5.5 Signes digestifs
2.5.6 Signes cutanéomuqueux
2.5.7 Autres
2.6 Aspect paraclinique
2.6.1 Dosage du CO dans l’air, dans l’air expiré, dans le sang
2.6.2 Évaluation du retentissement
2.6.3 Imagerie médicale
2.7 Complications et évolution
2.8 Traitement
2.8.1 Prise en charge pré-hospitalière
2.8.2 Prise en charge hospitalière
3. Syndrome Post-intervallaire
3.2 Épidémiologie
3.3 Diagnostic clinique
3.4 Diagnostic paraclinique
3.5 Pronostic
3.6 Traitement – Prise en charge
MATÉRIEL ET MÉTHODE
1. Type d’étude 
2. Le questionnaire 
2.1. La population de l’étude
2.2. La prise en charge d’une intoxication aigue au monoxyde de carbone
2.3. Le suivi d’une intoxication au monoxyde de carbone .
2.4. Le syndrome post-intervallaire
3. Le recueil
4. L’échantillon 
5. Références Bibliographiques
RÉSULTATS
1. POPULATION DE L’ÉTUDE 
1.1. Répartition par spécialité
1.2. Médecins spécialisés médecine hyperbare et subaquatique
1.3. Répartition par département
1.4. Répartition du milieu d’activité géographique
2. PRISE EN CHARGE AIGUE D’UNE ICO 
2.1. Les options thérapeutiques
2.2. Les indications à l’OHB en cas d’ICO aigue
3. SUIVI AU LONG COURS D’UNE ICO
3.1. Recommandation 6 semaines
3.2. Pour quelle évaluation ?
3.3. Les complications à dépister
4. LE SYNDROME POST INTERVALLAIRE (SPi)
4.1. Sa prévalence auprès des praticiens
4.2. Délai d’apparition
4.3. Facteurs de risques
4.4. Signes évocateurs du Spi
4.5. Diagnostic du Spi
4.6. Examens complémentaires confirmant le SPi
4.7. Évolution
4.8. Le SPi en pratique
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES
ABRÉVIATIONS

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