«Teonanácatl » les champignons sacrés mexicains

«Teonanácatl » les champignons sacrés mexicains

« Le champignon divin vous introduit dans l’extase. Votre propre esprit est soudain saisi et secoué – comme une cloche – jusqu’à ce qu’il rende un son. Vous avez soudain peur de ne plus jamais retrouver la stabilité de départ. Après tout, n’est-ce pas vous qui allez rester planté sur le seuil terrifiant, ou choisir de passer cette porte de lumière qui s’ouvre dans la nuit ? » Lorsqu’on parle du Teonanácatl des Aztèques, on ne parle pas seulement d’un champignon en particulier, mais plutôt de l’ensemble des champignons hallucinogènes utilisés pour leur propriété enthéogène dans la Méso-Amérique. Véritables incarnations miniatures du pouvoir mystique de l’Univers, l’amour et le respect que leur portaient les peuples précolombiens ont traversé les âges, signe de l’importance de ce culte pour les sociétés chamaniques qui le pratiquaient et le pratiquent encore.

Les genres appartenant au culte du Teonanácatl

Les champignons hallucinogènes employés comme enthéogènes appartiennent à plusieurs genres dont les principaux sont : Psilocybe (les plus importants), Conocybe, Panaeolus et Stropharia. Ils sont également regroupés sous l’appellation de « champignons à psilocybine », en référence à la molécule active majoritaire qu’ils contiennent. Il est le groupe le plus important et le plus diversifié des champignons sacrés mexicains (113). Les champignons du genre Psilocybe sont largement répandus et consommés à travers le monde pour leur qualité de modificateur de conscience, notamment dans les pays sud-américains (Mexique, Colombie…) mais aussi en Inde, au Japon, en Nouvelle-Guinée et en Australie (60). Au Mexique, on ne dénombre pas moins de 54 espèces qui furent utilisées pour leur propriété hallucinogène par les cultures mésoaméricaines précolombiennes (96). Le genre Panaeolus comprend lui sept espèces à psilocybine et le genre Conocybe, quatre.

Les espèces utilisées de manière contemporaine et traditionnelle comme enthéogènes sont principalement P. mexicana et P. cubensis. Ainsi, il semble que le champignon hallucinogène le plus utilisé sur le territoire du Mexique soit Psilocybe mexicana (114) alors que Stropharia (= Psilocybe) cubensis est connue pour avoir des effets hallucinogènes très intenses (115). Pour le mycologue et anthropologue mexicain Gastón Guzmán, les champignons du genre Panaeolus n’ont jamais été utilisés à des fins divinatoires ou rituelles, bien que possédant un pouvoir hallucinogène. L’emploi chamanique d’espèces des genres Conocybe et Stropharia est lui aussi discutable (113). Nous nous concentrerons donc dans cette thèse sur les espèces dont l’emploi à des fins magico-religieuses est indiscutable, c’est-à-dire principalement sur les espèces appartenant au genre Psilocybe.

Généralités sur Psilocybe spp.

Le genre Psilocybe est le plus largement représenté en ce qui concerne les champignons hallucinogènes (117). Etymologiquement, le mot « psilocybe » vient du grec, et signifie tête («-cybe ») chauve (« psilo-»), en référence à l’aspect de son sporophore. Le sporophore (« qui porte les spores ») est l’organe de fructification et la partie la plus visible des Macromycètes, que l’on appelle communément champignon. Les Psilocybes sont souvent des champignons de petite taille, possédant un pied fin et un chapeau plus ou moins conique généralement de couleur brun-jaunâtre et recouvert d’une pellicule visqueuse. Ils sont presque toujours grégaires. Leur croissance est relativement lente (pouvant durer jusqu’à trois semaines) et la plupart bleuissent en vieillissant. Chez toutes les espèces, l’empreinte des spores va du violacé à violet, voire de violet foncé à noirâtre .

Globalement, les Psilocybes hallucinogènes se distinguent des non-hallucinogènes par leur tendance à se colorer d’une teinte bleuâtre quand la chair est abimée. Cela est dû à la présence de psilocine, composé actif hallucinogène facilement dégradé à l’air libre, dont l’oxydation conduit à des produits de couleur bleu (38). Ils possèdent également un goût et une odeur farineuse (113). Certains poussent sur les excréments d’animaux (bouses, crottins, etc.), alors que d’autres préfèrent les sols riches en nutriments grâce à d’anciens dépôts d’excréments (118). Plus concrètement, suit la description des deux espèces les plus employés en tant qu’enthéogènes, à savoir P. mexicana et P. cubensis.

Comme il pousse quasi-exclusivement sur les bouses de vache, et qu’il n’y avait pas de bétail en Amérique avant la conquête espagnole, on suppose qu’il fut introduit au Mexique durant la période coloniale. Dans les années cinquante, on découvrit son emploi en tant que champignon sacré par les tribus mexicaines. Hallucinogène très important, il n’est cependant pas utilisé par tous les chamans (119). Pour l’anecdote, c’est le champignon exclusivement employé par la célèbre chamane mazatèque Maria Sabina lors de ses veladas (rite chamanique divinatoire et thérapeutique) (116). Les Mazatèques le nomment affectueusement di-shi-tjo-le-rra-ja « divin champignon du fumier ».

Bien que les champignons psychoactifs se retrouvent dans le monde entier, les connaissances sur leur distribution sont peu développées. Lorsqu’ils furent redécouverts et étudiés par les occidentaux dans les années cinquante, on crut tout d’abord qu’ils n’étaient présents qu’à Mexico. Puis on trouva de nombreuses espèces en Amérique du Nord et du Sud, ainsi qu’en Europe, en Sibérie, en Asie du Sud- Ouest et au Japon. La ville de Mexico possède le nombre le plus élevé de champignons psychoactifs avec 76 espèces (soit 39% des espèces connues), dont 54 appartiennent au genre Psilocybe. Cependant moins d’un tiers de ces espèces est utilisé cérémoniellement.

Des fouilles archéologiques, réalisées autour de ruines de temples mayas des hauts plateaux guatémaltèques du sud-est du Mexique (presqu’île du Yucatan) et de l’Equateur, permirent de retrouver des sculptures miniatures représentant des champignons datant de 300 à 500 ans avant J.-C. Certaines d’entre elles remontaient même au premier millénaire avant J.-C. Pendant longtemps, ces effigies en pierre furent mal interprétées par les archéologues, qui les avaient pourtant nommées fortuitement « pierres-champignons », sans pour autant faire le lien avec le culte du champignon divin (41,56).

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