Texte, activité de lecture et construction de la visite

Texte, activité de lecture et construction de la visite

Ce chapitre se présente comme un ancrage théorique et méthodologique pour les analyses qui sont déployées dans les deux chapitres suivants (V et VI). Elle propose une première section qui revient sur les textes de Roy Harris, et qui discute les notions de contexte, de lecteur et d‘activités. Elle cherche à saisir comment l‘auteur a défini ces termes dans le cadre d‘une théorie intégrationnelle de l‘écriture, et comment ils peuvent être mobilisés pour l‘étude du texte dans l‘exposition. Le choix qui nous a guidé vers ces travaux tient à la volonté de ne pas analyser le rapport entre textes et lecteurs à partir d‘un point de vue texto-centrique. Il s‘agit plutôt de postuler que le texte engage une relation forte avec son contexte et qu‘il implique un corps-à-corps interprétatif dans un espace de pratiques élargi. C‘est donc l‘importance du faire dans le texte, et du faire avec le texte que nous souhaitons analyser et questionner. Comment le texte de médiation anticipe-t-il un faire- lecture ? Un faire-composer avec les autres éléments de l‘exposition ? Un faire-visite ? De quel contexte(s) parle-t-on lorsqu‘on regarde le texte de médiation ? De quoi dépend l‘intégration des signes, dans le cadre d‘une visite ? Mais aussi, jusqu‘à quel point, la dimension intégrationnelle permet-elle de saisir un dispositif de médiation et l‘expérience qu‘il engage ? La deuxième section de ca chapitre propose d‘interroger la notion de texte au regard des deux terrains choisis pour la thèse. Il s‘agit de savoir quels sont les objets, rencontrés dans l‘exposition « Sainte Russie » et dans le jeu « PLUG », que l‘on peut qualifier de textes. Une sélection de ces objets textuels et une première description de leur variété permettra de conclure la section.

Pour comprendre l‘apport de la théorie intégrationnelle pour une analyse de l‘ajustement entre lecteur et texte, il faut revenir à la façon dont Roy Harris définit la relation entre les notions de contexte et de signe écrit. Le chercheur récuse les analyses qui prennent « le signe écrit interprétation donnée »316. Ainsi contestant la définition que donne du contexte la « conception dualiste du signe arbitraire […] dans la sémiologie structuraliste », et qui en fait un « récipient » autonome du signe qu‘il accueille et qui le place ainsi dans un rôle nécessairement indépendant de la relation signifié/signifiant, Roy Harris défend l‘idée que « la communication écrite peut créer ses propres moyens d‘expression : elle n‘a pas besoin  d‘un code préétabli – elle n‘a besoin que d‘un contexte »317. La première section de ce chapitre veut saisir ce terme de contexte et analyser ses implications pour une analyse de l‘interaction médiatisée entre le visiteur et l‘exposition. Elle discute le groupe de notions utilisées par Harris, texte, contexte, activité, lecteur.  contexte à l‘immutabilité du signe »318 en posant que, finalement, il n‘existerait pas de signe sans contexte, en d‘autres termes « le signe n‘existe, en tant que signe, que pour permettre  l‘intégration, dans un contexte donné, de certaines activités humaines »319. Jean Davallon propose de nommer « générique » la définition de l‘écriture que permet cette théorie, dans la mesure où cette définition large récuse l‘idée selon laquelle l‘écriture serait une transcription de la parole au moyen de signes conventionnels. Au contraire, elle « part du principe que l‘acte d‘organiser, de tracer, de placer, de ranger, etc. – bref, l‘acte d‘inscrire des éléments dans l‘espace d‘un support – est en soi production de signification, car producteur d‘une  Par ailleurs, Harris donne aussi une première définition très large du contexte321, en insistant sur le terme de « circonstances » et sur la pluralité des contextes tant spatio-temporels, que psychologiques qui peuvent exister. « Le contexte comprend non seulement les mots voisins, mais tout l‘ensemble de circonstances significatives, tant verbales que non verbales. Car il faut bien qu‘un texte écrit soit écrit par quelqu‘un […] il faut bien qu‘un texte écrit soit susceptible d‘être lu par une personne au minimum […]. Ces conditions d‘existence, c’est-à- dire de production et de lecture, auxquelles tout texte écrit est soumis, constituent ce que nous  appellerons le contexte. »322 Les deux notions de contexte et d‘activités sont donc intimement liées et font de la théorie intégrationnelle d‘Harris, une théorie de l‘interaction, en ce sens que la reconnaissance d‘un objet par un individu, dans un contexte particulier, en vue de l‘élaboration d‘une activité pertinente, fait alors de cet objet un signe. Une première précision s‘impose ici : ce qui nous intéresse ici est la place prépondérante que donne Harris à la figure du lecteur. C‘est bien, par exemple, le rôle du lecteur ou en tout cas l‘anticipation d‘une relation pertinente texte-lecteur qui détermine souvent la forme écrite du texte et son encadrement visuel323. Ainsi, l‘écriture consiste en l‘invention de signes visuels dont on postule qu‘ils pourront être reconnus. L‘introduction d‘un signe graphique suppose un sujet capable de l‘interpréter.

 

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