Typologie des déterminants comptables de la valeur

Typologie des déterminants comptables de la valeur 

Introduction

   L’étude de la pertinence des déterminants comptables dans la mesure du continu informationnel de la valeur (appelée dans la suite approche utilitaire de l’information comptable) a suscité une attention particulière des chercheurs en comptabilité depuis les travaux de Ficher (1911). Cet article propose une typologie des déterminants comptables de la valeur. Notre objectif est de cerner, à partir d’une revue de la littérature, les enjeux des déterminants comptables dans l’évaluation des entreprises afin de mettre en exergue les apports de l’approche économique de l’information dans l’élaboration des modèles théoriques de mesure de la valeur. 

   Inspiré des travaux de Lev et Ohlson (1982), Kothari (2001), Dumontier et Raffournier (2002) et Richardson et Tinaikar (2004), nous avons élaboré une taxonomie retraçant les différentes orientations empiriques (appelées dans la suite de notre analyse approches) des études de la valeur. Deux approches ont été énumérés, à savoir : l’approche de mesure par les résultats comptables et l’approche de mesure globale de la valeur financière.La recherche d’un « soubassement théorique » de la valeur a émergé depuis les travaux de Feltham (1968), ButterWorth (1972) et Ohlson (1979). Les critiques adressées à l’approche utilitaire de l’information comptable, suite aux résultats peu pertients des études empiriques, a remis en avant l’utilité de l’approche écomomique de l’information dans la recherche d’un modèle «économico-comptable »[1] de mesure de la valeur (Walker, 1997). En ce sens, le rapprochement de l’approche utilitaire de l’information comptable avec l’approche économique de l’information a permis de dégager les recherches empiriques d’évaluation de l’impasse d’un « soubassement théorique » de mesure de la valeur.

Une taxonomie des déterminants comptables de la valeur

En réponse aux travaux de Beaver (1968) et Ball et Brown (1968), de nombreuses recherches empiriques mesurant la pertinence des déterminants comptables de la valeur ont vu le jour. Une revue de la littérature sera détaillée afin de dégager les principaux constats empiriques. La figure 01 schématise la typologie dégagée à partir de ces études.

Approche de mesure par les résultats comptables 

« proxy » de la valeur économiqueL’approche de mesure par les résultats considère les bénéfices comptables comme un  « proxy »  de la valeur financière de l’entreprise. Les adeptes de cette approche soutiennent l’idée que le résultat comptable est la seule et l’unique déterminant pertinent de la valeur. En effet, les études empiriques, analysant la pertinence du résultat comptable, ont été considérablement influencés par les travaux économiques de Fisher (1911), Lindhall (1933) et Hicks (1946)[1]. En effet, Fisher (1911) a proposé une définition purement économique au concept de bénéfice[2].  Ce dernier est associé au profit (revenu) psychique qui traduit « … les satisfactions finales qui en résultent dans l’esprit humain… » (p 204), de la consommation d’un bien ou d’un service. Il est mesuré par le profil réel (objectif) qui représente les dépenses monétaires nécessaires pour acquérir le bien ou le service en question (profit monétaire). Lindhall (1933), considère le profit comme « une appréciation de la valeur du capital par rapport au facteur temps ». Hicks (1946) propose, quand à lui, une définition économique plus explicite de la notion du bénéfice, reprise dans l’ouvrage de Edwards et Bell (1965, p 24)[3] et traduite de l’anglais par Belkaoui (1984, p 227) comme « le montant maximum qu’une personne peut dépenser durant une semaine en étant aussi riche à la fin du semaine qu’elle ne l’était au début ». La définition de Hicks (1946) devenait le concept classique de résultat en économie et elle influençait la recherche en comptabilité au cours des années 60 (Belkaoui, 1984). Le résultat comptable est synonyme de création de richesses, qui peut être distribué ou mis en réserve, sans affecter le patrimoine de l’entreprise.Dans le cadre de notre analyse, deux approches ont été identifiées par rapport à deux démarches méthodologiques distinctes.1-1-1       Approche d’évaluation prévisionnelle par les résultats comptablesLes premières études empiriques visant à déterminer l’utilité de l’information comptable pour asseoir la décision des investisseurs sur le marché financier, comme le précisent Easton et al. (1992), se sont intéressées à l’évaluation du contenu informationnel prévisionnel du résultat comptable. Cette approche, qualifiée d’approche traditionnelle de la valeur, avait pour objectif d’étudier la réaction des cours boursiers[4] suite à l’annonce du résultat comptable. La majorité des études empiriques ont adopté une méthodologie dite « études de réactions » ou « études d’événements » (voir figure 02 ci-dessous).Pour apprécier l’utilité informationnelle du résultat comptable, les partisans de cette approche adoptent, comme l’expliquent Tremblay et al. (1994), la démarche suivante : [1] estimer les bénéfices comptables attendus par le marché financier, juste avant la publication de l’information comptable, [2] déterminer la différence entre la valeur des bénéfices comptables annoncés par l’entreprise et les bénéfices anticipés, enfin [3] cette différence représente la contribution informationnelle du résultat comptable sur le marché financier.L’étude de Ball et Brown (1968) est parmi les premières études empiriques qui a tenté de montrer si le contenu informationnel du résultat comptable est un déterminant de la valeur. Ball et Brown concluent à l’utilité de l’information contenue dans les bénéfices comptables. Beaver (1968), quant à lui, a étudié l’influence de l’annonce des bénéfices comptables sur le comportement des investisseurs sur le marché. Selon Beaver, la faible relation constatée par Ball et Brown est due à une analyse exhaustive de la réaction du marché. Une analyse spécifique du volume des transactions sur le marché financier éclaircira davantage cette relation. L’étude dégage une réaction de la variation du volume des transactions autour de l’annonce du résultat. De façon similaire, Kiger (1972), Foster (1973), Morse (1981) et Bamber (1986) ont confirmé les résultats de Beaver (1968). Patell (1976) a examiné l’influence de la publication volontaire des bénéfices comptables anticipés par action sur la variation des cours boursiers suite aux recommandations de la SEC (Securities and Exchange Commission). L’analyse de 336 entreprises montre que la variation des cours boursiers est statistiquement significative durant la semaine de la publication volontaire des bénéfices comptables anticipés. Brown et Kennelly (1972) ont montré, dans le cadre d’un marché efficient, que le contenu informationnel des bénéfices comptables trimestriels par action prédit le taux de rentabilité boursière anormal de 100 entreprises américaines. Beaver et Duckes (1972) ont réorienté leur étude, à l’instar de Ball et Brown, vers l’analyse des différentes mesures attribuées à la variable bénéfices comptables[5] et ses influences sur l’indice de performance anormale. Sous l’hypothèse d’un marché efficient, les bénéfices reportés représentent un degré de pertinence plus élevé que les autres déterminants de l’analyse. Grant (1980), quant à lui, attribue la faiblesse du contenu informationnel du résultat comptable aux quantités d’informations intermédiaires publiées au cours d’un exercice comptable. Le résultat de son analyse montre la supériorité informationnelle des entreprises de l’OTC (Over-The-Counter). Ces constats empiriques ont été confirmés précédemment par Kiger (1792, p.125) et May (1971). Or, l’étude de McNichols et Manegolds (1982) a abouti à des constats inverses. Ces auteurs affirment que le contenu informationnel des bénéfices comptables annuels n’est pas affecté par la publication d’états financiers intermédiaires.En France, deux études d’événements ont été menées. Gajewski et Quéré (2001) ont montré que le contenu des bénéfices comptables annuels est plus informatif que le contenu des bénéfices comptables semestriels et trimestriels entre 1994 et 1996. De même, Elleuch (2003) a dévoilé que les investisseurs réagissent.aussi bien à la publication des résultats comptables semestriels qu’à la publication des résultats comptables annuels. Toutefois, la publication des états financiers n’a aucun effet significatif sur les cours boursiers de 259 entreprises entre 1996 et 1998.L’approche d’évaluation prévisionelle des bénéfices comptables est une approche implicite de mesure de la valeur. Elle s’intéresse à la réaction des investisseurs sur le marché financier suite à l’annonce du résultat comptable. La pertinence du résultat comptable est dépendante de la réaction des cours boursiers autour de la publication du résultat comptable. Kothari (2001) indique que la variation des cours boursiers suite à l’annonce du résultat comptable permet certes de se prononcer sur le contenu informationnel des résultats comptables, toutefois, elle ne l’associe pas directement avec la valeur financière de l’entreprise

 Approche de mesure de la « vraie » valeur

L’approche de mesure de la « vraie » valeur est centrée sur une méthodologie dite « études d’associations ». L’objet de cette approche, comme le notent Beaver et al. (1980, 1989) et Collins et Kothari (1989) est de réduire la marge d’erreurs des modèles analysant la corrélation entre le résultat comptable et la valeur boursière[6]. En effet, les études d’asscociations décortiquent la valeur de l’entreprise en trois composantes :  la « vraie » valeur qui constitue la mesure parfaite/idéale correspondante au phènomène étudié (représentée par le coefficient de réponse des bénéfices comptables[7]), l’erreur systématique provenant d’un biais de l’instrument de mesure ainsi que des facteurs sous-jacents non identifiés par les variables explicatives et l’erreur aléatoire réprésentant les aléas contexuels qui biaisent la mesure de la valeur.
[1] Cité par Edwards et Bell (1965)
[2] Dans l’ouvrage de Fisher (1911), traduit de l’anglais par Bouyssy, le concept « income »  est synonyme de « revenu ». Belkaoui (1984) fait référence au concept de « profit ». Le glossaire des praticiens en microfinance (2003) précise que le choix de la traduction est fonction du contexte ou du terme auquel « income »  est associé.  Il peut être traduit aussi bien par « revenu ou produit » que par « bénéfice ou résultat ». Dans la suite de notre analyse, nous faisons référence au concept de résultat ou de bénéfice.

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