Une fonderie artisanale

Une fonderie artisanale

Un entrepreneur avec un apprentissage traditionnel pour seul bagage

Une conséquence importante du type de formation suivi par le fondateur de TRAFOM (l’apprentissage traditionnel) est qu’il ne maîtrise que partiellement le français. Toutefois, rappelons que l’analphabétisme est chez les artisans plus une règle qu’une exception: plus de 50% des artisans du secteur informel de la fabrication métallique sont analphabètes. Ce qui est l’un des meilleurs chiffres de l’artisanat alors même que le Bénin est considéré comme le quartier latin de l’Afrique de l’Ouest1 . Pourtant le secteur informel représente environ 70%2 de l’activité économique du pays et le parcours de cet entrepreneur, comme nous allons le constater, est remarquable à plus d’un titre. Marié et père de quatre enfants, Benoît Kodja est le directeur fondateur de TRAFOM. Il est né en 1959 dans le village Gbakpo Séjé situé dans une région rurale au Nord de Porto-Novo. Ses parents sont de simples paysans, aussi leur est-il difficile de lui payer son apprentissage dans un atelier de soudure. De ce fait, il y est régulièrement maltraité par le patron au point de devoir s’enfuir au bout de quatre ans de services. Jusque là son histoire, bien que triste, est hélas des plus banales. Le vent semble toutefois tourner en sa faveur lorsque Benoît Kodja croise le chemin d’un nigérian, directeur d’une grande entreprise, qui le prend sous son aile et l’engage en tant que Vidomegon3 chez lui. Il quitte alors le Bénin afin de suivre son nouveau patron chez qui il travaillera trois ans. A l’âge de vingt ans, ce dernier le confie alors à l’un des expatriés responsables d’une des plus grosses unités de fonderie du Nigeria dans la région du Biafra. « Le Directeur a tout payé, il a fait tous les papiers nécessaires, pour ma nourriture, pour le logement, en cas de maladie. (…) Comme mon bienfaiteur a tout déboursé pour moi durant ses dix ans, l’argent que j’amassais en ce moment-là, il est parti à la banque. Parce que si tu es apprenti, si tu travailles, il y a des ristournes qui arrivent, ce qui me permettait d’économiser à la banque.»

L’apprentissage au Nigeria

C’est ainsi que commencera son second apprentissage au bout duquel, après cinq ans de loyaux services, il sera libéré (cf. encart). La libération : une cérémonie de fin d’apprentissage marquante… La libération m’a été décrite en ces termes par une collègue béninoise travaillant sur le problème des vidomegons : Les enfants destinés à l’apprentissage sont généralement inscrits dans des ateliers (mécanique, couture, coiffure, ferblantier, …) entre 6 et 15 ans. Un contrat d’apprentissage est écrit dans certains cas entre le patron d’atelier et les parents ou tuteurs de l’apprenant. Les termes des contrats stipulent souvent que la durée d’apprentissage est de trois ans. Mais ceci n’est pas toujours respecté. Un enfant qui est inscrit dans un atelier à l’âge de 6 ans pour apprendre un métier peut y rester jusqu’à l’âge de 18 ans avant d’obtenir son attestation de fin d’apprentissage. Dans la plupart des cas, les tout-petits sont carrément confiés au patron d’atelier qui prend en charge tous leurs besoins et leur apprend en contre-partie le métier. Notons au passage que les premières années d’apprentissage de ces tout-petits s’assimilent souvent à des années d’exploitation où l’enfant est soumis à des travaux et aux petites courses pour son patron et son épouse. Pour ceux qui apprennent le métier à partir de 15 ans, la situation est autre. Les parents paient une somme qui varie de 80.000 FCFA (environ 120 Euros, soit quatre fois le SMIC local) à 150.000 FCFA. Dès que l’apprenant finit son apprentissage, le patron d’atelier lui donne un congé de libération. Transfert de technologie : les dimensions oubliées 154 La libération est un mot qui ne me plaît pas trop, mais je me rends compte qu’il a toute sa place puisque les apprenants sont souvent sous un joug patronal où ils sont parfois soumis à des sévices corporels. Les congés de libération permettent à l’apprenti en fin de formation de rechercher les fonds nécessaires à sa libération. En effet, avant d’être libéré, le patron impose une liste d’articles que l’apprenant doit lui donner : des casiers de bières et de sucreries, des colas, des bouteilles de liqueurs, des moutons (parfois), des tissus. L’apprenti se doit de travailler sérieusement pendant ces congés pour réunir les fonds ou une bonne partie des fonds que les parents peuvent compléter. Une fois prêt, il informe le parton, choisit un tissu que les parents, amis et proches porteront en uniforme. La veille, des cérémonies sont organisées au cours de laquelle le patron vide toute sa rancœur, prie pour l’apprenant qui se met à genoux et le bénit. C’est ce jour-là que le patron reçoit la dote (les articles qu’il a listés). Les cérémonies traditionnelles se déroulent, pour leur part, avec un cercle d’amis plus restreint. Le lendemain, amis, parents et proches, vêtus de l’uniforme choisi viennent sur le lieu de cérémonie et s’installent. Un jury constitué d’autres patrons d’ateliers et de responsables du syndicat du métier en question s’asseyent au podium. Des prières sont faites, l’apprenti démontre ses talents, puis vient l’heure de recevoir l’attestation. On l’appelle, on le note et le patron décide de le frapper : parents, amis et proches accourent pour donner de l’argent au patron pour éviter qu’on le tape. En fin de compte, le patron lui donne un coup symbolique signifiant le tout dernier qu’il recevra de lui avant de devenir à son tour PATRON. Il lui remet l’attestation, prie pour lui, demande à un membre de sa famille de venir prier aussi. Il lui remet également une trousse contenant différents outils pouvant lui servir à travailler. Suivent animations, danses et festins. C’est la fin de la cérémonie. Rappelons que ces cérémonies occasionnent beaucoup de dépenses. De plus en plus, certaines personnes se font délivrer simplement leur attestation dans des églises. Ceci évite la « dote », la bastonnade symbolique. Mais à la fin du culte, une réception suit.

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