Une structuration extra-sportive

Une structuration extra-sportive

L’engagement au sein des associations sportives rurales se réalise dans un cadre spatiotemporel particulier. C’est lors de la présence dans les différents temps de la vie du club que l’ « esprit club » circule entre tous les membres. Les clubs participent, alors, à la construction des connectivités sportives et ils exercent une structuration sur celles-ci. Dans la section précédente, nous avons analysé une première forme de structuration, liée à l’activité sportive à proprement dite, dans les clubs, nous avons également abordé furtivement les temporalités connexes à cette pratique et leur rôle dans cette structuration. Dans cette section, nous proposons de revenir sur ces temps extra-sportifs de la vie des clubs et d’analyser plus en détails leur impact sur la structuration des connectivités / dé-connectivités. Tout d’abord, nous nous focaliserons sur le temps où les sportifs se retrouvent avant leur pratique, ensuite, nous nous attarderons sur les moments passés par les adhérents à la suite de leur séances sportives (rencontres officielles, matchs, entraînements, cours, représentations, etc.) que nous pouvons également nommer, 3ème mi-temps et enfin, nous analyserons les temporalités consacrées au club pour l’organisation de manifestations diverses, qui sont parfois institutionnalisées par le club. 

Avant la pratique sportive

Selon une approche compréhensive de la pratique sportive, le rendez-vous se situe dans le contexte où la vivent les individus. Nous venons de voir qu’un certain nombre de sportifs arrivent dans la sphère du club avant le début de leur activité sportive. Nous les avons appelés les « ponctuels » et les « très ponctuels ». Il s’avère que pour ces adhérents, ce temps constitue une phase importante de la structuration des connectivités sportives. Dans cette perspective, nous allons, ici, suivre une progression chronologique pour présenter l’éventail des différentes situations que traversent les joueurs avant d’accéder au tumulte de la pratique. Nous adopterons donc une démarche déjà utilisée par Norbert Elias quand celui-ci décrit le trajet de jeunes chômeurs anglais qui, dans leur vie sans évènements, vont au stade voir un match de football, et les humeurs que suscitent les différentes étapes de ce trajet1126 . Plusieurs temporalités feront l’objet de cette observation : nous relaterons les situations dans lesquelles sont impliqués les joueurs avant de se rendre sur leur terrain de pratique ; l’objectif étant de montrer de quelle manière cette pratique s’insère dans le fil des évènements de la journée ou du week-end, ensuite, nous décrirons ce qui se passe sur le bord des terrains, dans les vestiaires quand les pratiquants se retrouvent dans l’attente de leur activité sportive.

L’arrivée au club le jour de match

Si le club est la destination commune à tous les sportifs ruraux, les provenances des uns et des autres varient. Certains arrivent de chez eux ou de leur lieu de travail et leur venue résulte d’une décision inopinée ou planifiée. D’autres, le dimanche, jour de match, se rendent au club sans avoir fait escale dans leur lit. Ces joueurs qui ont découché prolongent ainsi leur sortie de la veille par ce temps de gymnastique, footballistique notamment. D’autres, au contraire, ont pour habitude de profiter de leur venue au club pour se retrouver autour d’un repas de famille. Ces itinéraires, tous différents, constituent des mises en situation ritualisées de la pratique sportive. Retraçons-en quelques unes.

Le repas familial

Au niveau amateur, les rencontres dominicales de football participent à la structuration des connectivités et à la ritualisation des activités de certains pratiquants. En effet, tous les dimanches, avant de se rendre dans la sphère du club pour effectuer leur match, les joueurs et leur famille (compagne et enfants) profitent de cette occasion, pour rendre visite à leurs parents pour prendre un repas en famille où se mêlent les différentes générations ayant transité par le club. Cela constitue donc un support important de la structuration des connectivités, notamment familiales, présentes au 1126 Elias N., Dunning E., Sport et civilisation : la violence maitrisée, Paris, Fayard, 1994. 338 sein des clubs. Après que les joueurs soient sortis de table pour se rendre à leur rendez-vous, les autres membres de la famille arrivent ultérieurement au stade pour assister au spectacle de la rencontre. Ce déjeuner dominical est donc consacré à un rituel familial d’avant-match, comme le souligne un footballeur d’Arçon qui « va toujours chez son père le dimanche avec son frère 1127 », également membre de l’équipe. Tous les membres de la famille participent donc à cette mise en situation ritualisée de la pratique sportive en milieu rural. D’ailleurs, dans certaines familles, cette mise en situation demeure tout un programme lorsque plusieurs enfants jouent dans des équipes différentes. Il est alors nécessaire de trouver une bonne organisation suivant les horaires de rendezvous de chacun. Cette ritualisation est alors structurée par les rencontres qui se jouent soit à l’extérieur, soit à domicile. « Et puis le dimanche, déjà cela dépendait de l’heure à laquelle je jouais. Alors dimanche, repas chez mes parents à 12h avec mon frangin qui joue au foot aussi donc là, branle-bas de combat. La mère, on lui disait, des fois on mange à 11h30, des fois il faut qu’à 11h30 on soit parti, des fois c’est à 13h00 donc voilà, des fois l’un mangeait, l’autre partait, c’était un petit peu le bordel. Après le match c’était, soit je jouais à 15h00, et puis j’allais voir l’équipe qui jouait en lever de rideau avant, enfin au moins la deuxième mi-temps. Soit c’était moi qui jouais en lever de rideau et du coup je mangeais et j’allais faire mon match. » E12, football, Larians Le dimanche, jour de match, l’itinéraire d’accès au club peut donc passer par une mise en situation ritualisée entamée dès le déjeuner dominical en famille. Aussi, dans ces conditions la pratique sportive exerce une structuration importante sur ce type d’adhérents.

Regarder d’autres partenaires de club

Par la suite, nous voyons également que cet itinéraire peut se prolonger par une arrivée précoce dans le but d’assister aux matchs des autres équipes du club qui se déroulent en lever de rideau de l’équipe fanion. Régulièrement, le même groupe de personnes se retrouve sur le bord du terrain pour encourager ses partenaires, comme le signale un footballeur de Larians. « Souvent, il y a des matchs avant, donc moi je sais que je viens plus tôt soit la C, soit les U19, ça dépend. » E17, football, Larians Par leurs encouragements mais aussi simplement par leur présence derrière la main courante, ces adhérents montrent qu’ils sont aux côtés de ceux qui sont déjà à l’œuvre sur le terrain. Aussi, ils représentent ceux dont le sentiment de « groupalité » est le plus prononcé puisque leur présence au bord du terrain peut être perçue comme une marque d’appartenance au collectif, celui de l’équipe en train de jouer, ou plus globalement, celui du club. Ainsi, le fait de venir voir jouer ses partenaires constitue une manière de structurer les connectivités, entre les différents membres des clubs.

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