L’importance de la dimension magico-religieux

L’importance de la dimension magico-religieux

La dimension magico-religieux (ibid., Lallau) à part son rôle dans la stratégie de gestion de risque, peut être utilisée pour renforcer l’assurance des agriculteurs à prendre le risque d’innover, d’adopter une certaine flexibilité et de rompre avec le statu quo pour amorcer une réorganisation, une exploitation, une conservation et un dégagement selon le cycle de Panarchie. Autrement dit, partir de la stratégie défensive vers une stratégie offensive moyennant du magico-religieux qui, au lieu d’être utilisé seulement pour se prémunir, servira à donner de la confiance voire de l’assurance aux agriculteurs vulnérables et les propulsant ainsi comme étant pionnier de l’innovation. Certes, des facteurs externes peuvent causer la vulnérabilité d’un individu ou d’un groupe social car à cause d’une situation qui ne dépend pas de soi, on peut être vulnérable. Quand bien même, force est de constater que la vulnérabilité peut venir du choix même de l’individu ou du groupe social lui-même. En effet, dans toute sa liberté, une personne peut choisir d’étudier ou non, de rester propre ou non, de produire suffisamment pour sa sécurité alimentaire ou non, de s’adapter ou non à la situation et ainsi de suite. Le choix conduit le sujet à une situation qui puisse être meilleure ou pire, le rendant ainsi moins vulnérable ou plus vulnérable selon le cas. Et cette liberté, liberté de choisir et d’agir ou bien « agencéité » selon le terme de Lallau (ibid.) peut servir pour mâter cette vulnérabilité liée aux facteurs externes. A l’instar de la population qui est vulnérable à cause de la situation géographique de leur village. Une fois qu’elle choisisse de vivre dans un autre village, la vulnérabilité s’estompe. Il suffit que la population en ait la capacité d’être et d’agir et que les obstacles soient pulvérisés. Ces obstacles sont d’ordre psychologique, administratif, économique ou social. Les interventions doivent converger dans ce sens au lieu de traiter la vulnérabilité ou la résilience qui ne sont que des fruits externes de leur choix.

La prédisposition à la vulnérabilité

Par ailleurs, la notion de prédisposition à la vulnérabilité (Bellier et al., 2004) se manifeste dans la réalité par la résignation à la pauvreté pour certaines personnes et l’esprit d’assistanat pour d’autres. Dans ce cas, les sujets vulnérables prennent en connaissance de cause des décisions et des choix délibérés et contraires à ce que l’on attend. Dans cette situation, le concept de tuteur de résilience trouve bien son application : les agriculteurs vulnérables qui sont pris dans la trappe de pauvreté évoluent dans un cadre restructurant muni de lien social sous l’égide d’un tuteur de résilience pour tisser avec eux un lien empathique. Le tandem Comportement-Innovation (Lalau, 2008) donne un impact à plus large spectre dans la transformation vers la durabilité et supporte l’individu et la communauté à maintenir sa trajectoire de résilience. La gestion du changement et la théorie de la résilience sont en effet Discussions générales 168 complémentaires pour comprendre et gérer la pérennisation du développement et maintenir ainsi la trajectoire de durabilité et la progression dans la mise en échelle. La vulnérabilité et la résilience ont une interaction et une relation de cause à effet réciproque (ibid.). La conscience de la vulnérabilité peut pousser un individu ou une communauté donnée à déployer des efforts et prendre des mesures pour s’adapter à la situation et se transformer afin d’arriver à un équilibre plus viable, plus acceptable et une situation meilleure. La tâche du tuteur de résilience, en l’occurrence les agents de développement, dans ce cas, revient à conscientiser les sujets. Un projet de développement socialement durable pour une communauté donnée peut être réfuté par certains membres de cette communauté si leurs aspirations ne sont pas répondues. Ce qui revient à dire que tous les membres de la communauté ne sont pas et ne peuvent pas être considérés dans un même niveau de développement. A l’instar de la typologie des exploitations agricoles qui permet de stratifier (Ramananarivo S. , 2004) et d’apporter des interventions ciblées, spécifiées et adaptées donnant ainsi plus d’efficacité et d’efficience aux projets de développement puis de la pertinence aux décisions des bailleurs de fonds et des décideurs politiques particulièrement en matière d’adoption des innovations. Le concept de la résistance renforce cette notion de différenciation. Ce concept incite à ne pas mettre tous les cibles dans le même sac mais de différencier les approches et les interventions en matière de développement afin d’arrimer les cibles à une trajectoire de la résilience appropriée. En effet, les contextes des vulnérables, des résistants et des résilients sont différents et nécessitent un mode d’intervention et des cheminements différentes pour un même objectif qu’est de les aider à prendre une bonne trajectoire de résilience. Chaque sujet adopte des stratégies, défensives ou productives, en fonction de sa situation. Ainsi toute intervention doit en prendre compte dans tous les niveaux i.e. depuis la décision stratégique d’un projet en passant par sa conception jusqu’à son exécution. 5.2.2.3 Le piège de la bonne résilience Une bonne résilience peut piéger et engendrer une vulnérabilité car l’autosatisfaction fait perdre la vigilance et la capacité d’identifier une perturbation ou un risque donné. Pis encore, cette autosatisfaction pousse au refus des innovations visant l’amélioration de la trajectoire de résilience. Ce continuum vulnérabilité-résiliençaire est tout aussi vrai dans le cas contraire où la vulnérabilité dans une situation donnée peut négativement entretenir une rigidité et une baisse de la résilience si le sujet accepte et se résigne à sa situation. Le continuum vulnérabilité-résiliençaire prône une relation de cause à effet réciproque et cyclique qui peut être aussi bien négative que positive. De surcroît, le principe de la protection Discussions générales 169 des progrès acquis et réalisés est sine qua non pour ne pas recommencer toujours à zéro les efforts de développement après chaque fin de projet. En effet sur le terrain, on observe un retour à la case départ du niveau de vie des bénéficiaires de projets de développement quelque temps après sa clôture ; allusion faite à un slalom de développement où l’on revient au point d’arrivée après un itinéraire truffé de défis d’innovations. Et le nouveau projet qui arrive après est contraint de commencer sur la même base que son projet prédécesseur pour fonder le triangle de la résilience tel que Lecomte (2005) avance.

Appréhension holistique de l’enjeu de développement

Le fait de mettre en évidence les composantes respectives de la vulnérabilité et de la résilience permettrait de mener des analyses plus approfondies d’une situation donnée et de mettre en exergue leurs évolutions respectives (Bellier & al., 2004). Ainsi, étudier la vulnérabilité d’un système c’est étudier son exposition, sa résistance et sa sensibilité à un aléa donné tandis qu’apprécier la résilience d’un système est synonyme d’évaluer sa capacité de s’adapter, d’apprendre, de se réorganiser et de se transformer. Le niveau de ces analyses permet de décortiquer et de disséquer en détail la vulnérabilité dans son intégralité pour avoir une bonne compréhension de la cause de la vulnérabilité en question et de bien déterminer la principale cible, les impacts ainsi que les événements initiateurs et renforçateurs du danger. Le fait de distinguer la vulnérabilité conjoncturelle de la vulnérabilité structurelle permet d’adapter au mieux et de spécifier les politiques de développement et les interventions sur terrain. Avec cette approche, on pourra bien cibler l’intervention à mener pour réduire la vulnérabilité d’un sujet donné et augmenter sa capacité de résistance et sa résilience. Ceci permet d’avoir une analyse multidimensionnelle et holistique qui ne serait que bénéfique et instructive pour les décideurs et les organismes de développement ainsi que les bailleurs de fonds. Dans cette optique, supporter un sujet revient à renforcer ses capacités d’anticipation et d’adaptation, transformer ses potentialités et ses opportunités en fonctionnalité lui conférant une liberté d’agir. Ce sont des actions que l’on peut commencer simultanément pour réduire la vulnérabilité et augmenter la résilience en même temps. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, la diversité des paramètres de calcul et d’évaluation de la vulnérabilité alimentaire permet en effet de bien apprécier la vulnérabilité alimentaire des ménages tout en maintenant une analyse dynamique et évolutive de la situation. 

Dualité entre Assistance et Auto-reconstitution

La résilience assistée

Les projets de développement et les agences d’exécution, sous la pression de la poursuite des objectifs, sont tentés de gâter les agriculteurs pour voir se produire facilement et rapidement les résultats attendus ; des résultats qui ne seraient jamais pérennes dans cette démarche. Cette approche trahit le manque de la composante « loi » au profit du « lien » (Lecomte, 2005) et débouche à une trajectoire de résilience à vitesse forcée et furtive. En outre, il y a aussi les projets de développement qui, par soucis de réussir, posent beaucoup trop de conditions dans leur intervention. Des conditions que les bénéficiaires n’arrivent pas à respecter, à l’instar des apports bénéficiaires. Et le projet est voué à l’échec par le manque d’adhésion car la composante « loi » l’emporte sur le « lien ». Dans les deux cas, l’équilibre « loi-lien » n’est pas trouvé ; la cohérence éducative n’est pas effective et il n’est pas ainsi surprenant si les bénéficiaires cibles n’ont ni trouvé ni saisi le vrai sens du projet. Ils n’ont pas pris une vraie trajectoire de résilience et sont restés dans le cercle vicieux de la pauvreté malgré les résultats positifs apparents des indicateurs de projets. C’est surtout une résilience furtive qui est temporaire et conditionnée par la présence du tuteur de résilience en l’occurrence les projets de développement. Ce type de résilience s’estompe en même temps que les interventions des projets cessent. C’est le piège de la résilience vulnérable et l’acculturation réversible ; parvenir à trouver l’équilibre entre Loi et Lien est un défi de taille que les agents et les organismes de développement doivent relever pour embrasser des réalisations pérennes. 

La résilience auto-construite

Dans cette optique, la notion de l’auto-reconstitution (Provitolo & Antipolis, 2009) est tellement pertinente qu’elle met en relief la limite de la théorie du tuteur de résilience. En effet, la théorie du tuteur de résilience insiste sur l’importance voire la nécessité d’une assistance externe (Lecomte, op.cit.) pour sortir les agriculteurs de la trappe de la pauvreté. De surcroît que faire donc des agriculteurs vulnérables qui ne pourront pas espérer une aide publique pour casser la trappe de la pauvreté. Sont-ils donc condamnés à être pauvres jusqu’à la fin. Ceci doit alimenter la réflexion dans le domaine du développement. Il y a des cas où un individu, un groupe, une communauté voire une structure peuvent s’en sortir sans un appui exogène. Tant que le réalisme de l’espérance (Lalau, 2011) y est encore, on peut toujours mobiliser ses forces internes, chercher les moyens d’avancer et de sortir du bassin de la vulnérabilité. C’est le cas de la population abandonnée ou oubliée par la communauté  internationale et qui a pu se redresser en attendant le retour conditionné de cette dernière. De même pour les agriculteurs qui s’échangent de semences pour faire face à la dégénérescence semencière et améliorer leur productivité.

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