L’information sur la scène des interactions

L’information sur la scène des interactions

Si le partage est le dispositif social pour explorer le web mais que les médias ne perçoivent qu’une activité atomisée autour de leurs contenus, il faut envisager une autre perspective pour décrire les pratiques mêlant informations et interactions en ligne. Pourquoi partager une actualité sur Facebook ? Que dit un like par rapport à un share ? Quel est le public ciblé par cette expression ? Comment cette circulation de l’information est-elle reçue et intégrée aux activités relationnelles et aux pratiques informationnelles ? Et cette pratique numérique est-elle similaire ou distincte de son pendant hors ligne ? Ces questions ne peuvent être abordées qu’avec le discours des acteurs, soit avec des entretiens semi-directifs. Or cette méthodologie qualitative est fastidieuse dans les enquêtes sur les publics, elles-mêmes rares. Les recherches se concentrent plus facilement sur les pratiques de production qu’elles ne s’attellent au capharnaüm de la réception (Dagiral, Parasie, 2010). Il est vrai que l’étude des publics s’attaque à deux problèmes de taille : le premier découle du décodage des contenus médiatiques exercé lors de la réception, décodage qui implique que toute enquête sur l’activité du public nécessite de recadrer avant toute chose la réception personnelle des enquêtés ; le second tient au fait que l’attention aux informations est souvent périphérique, donc que les pratiques informationnelles s’éparpillent dans des situations individuelles ou collectives complexes à observer dans un même dispositif. Ces contraintes ont été soulignées et gérées dans deux références particulièrement éclairantes pour la suite de ce travail. Tout d’abord, l’article de Fabien Granjon et Aurélien Le Foulgoc sur les usages sociaux de l’actualité rappelle la nature opportuniste de la consommation d’information, et le fait que les actualités se glissent dans le quotidien en fonction des compétences de chacun. Les auteurs rendent alors compte du caractère fragmenté de la réception (Granjon, Le Foulgoc, 2010). Ensuite, les travaux de Jean-Baptiste Comby permettent de passer à un autre stade d’observation. Ils s’attellent à une étrange lacune de la recherche : alors que la question du goût a déjà connu plusieurs générations de recherche dans le domaine culturel, elle n’a jamais été envisagée quant aux informations. Le chercheur a donc entrepris des entretiens avec des foyers de différents milieux sociaux et montrent que l’éclectisme change de côté entre les pratiques culturelles et informationnelles. Si les classes supérieures se caractérisent par des goûts culturels hétérogènes (Peterson & Kern, 1992), en matière d’information elles se déclarent sélectives ; alors que les classes populaires, qui ne s’aventurent guère sur des genres inconnus en matière par exemple de musique, font feu de tout bois en matière d’information, consultant autant du people que de l’international.

Pour l’auteur,De ces deux références sur les publics de la presse, on peut retenir la difficulté de mettre en place un protocole d’enquête qui permette de tenir compte des multiples situations relationnelles où les contenus médiatiques prennent une place sans présupposés de la réception de ces contenus. Ce terrain exploratoire se confronte nécessairement à ces écueils, mais la démarche reste nécessaire pour dresser un panorama du partage d’information. En entamant cette recherche, plusieurs pistes de recrutements ont été initiées pour mener des entretiens. Vingt personnes, onze hommes et neufs femmes, ont été interviewées dans une étape exploratoire. La plus jeune enquêtée venait de passer son bac, la plus âgée avait 35 ans et deux enfants de 10 et 6 ans. Cinq personnes faisaient partie de mon réseau personnel sans être des amis proches, onze ont été contactées en boule de neige à partir de ces entrées, et quatre ont été recrutées en banlieue par une approche spécifique1. Le recrutement en boule de neige a été très fourni dans le réseau d’amies d’une institutrice résidant autour d’une ville moyenne du Nord Pas de Calais : six enquêtés sont donc professeur des écoles dans cette région, leurs conjoints respectifs se sont parfois associés à l’entretien.

 

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