Interactions sur terminaux mobiles et physiologie

Interactions sur terminaux mobiles et physiologie

Les spécificités des terminaux mobiles

La première spécificité des terminaux mobiles réside de façon évidente dans leur utilisation ubiquitaire. Bien que Karlson et al. (2007) aient montré que les utilisateurs préfèrent utiliser les terminaux mobiles de type smartphone avec une seule main, pour les tablettes en situation de mobilité, la préférence va à l’utilisation des deux mains : une pour tenir la tablette et l’autre pour interagir. Nous avons largement pu constater que lorsque les enfants utilisent la tablette en se déplaçant ou en étant debout pour montrer quelque chose, la tablette est le plus souvent posée sur l’avant bras de la main non dominante et les interactions ont lieu avec la main dominante. Cependant, même si les déplacements sont possibles voire souhaitables, la majorité du temps la tablette est utilisée posée sur le pupitre de l’élève que ce soit en travail individuel ou Les interactions sur les terminaux mobiles sont soumises à des contraintes ergonomiques Interactions sur terminaux mobiles et physiologie 78 de groupe. Dans ce dernier cas, il se contente de tourner la tablette pour montrer l’écran à ses camarades. Il nous semble donc intéressant de favoriser les interactions unimanuelles pour les manipulations les plus simples et les plus courantes qui pourront être faites en se déplaçant ou en tenant la tablette. La seconde spécificité des terminaux mobiles réside dans leur taille réduite et par là même une surface d’utilisation de l’écran restreinte. Partant des travaux de Chittaro (Chittaro, 2006) sur la visualisation des informations sur les terminaux mobiles et sur ceux de Brewster (Brewster, 2002) qui propose d’utiliser la multi-modalité pour diminuer la taille des menus, Decle dans sa thèse de doctorat insiste sur l’importance de « ne pas surcharger l’affichage, notamment en limitant l’utilisation de menus, qui occupent une partie importante de l’écran. » (Decle, 2009). Cette préconisation, ajoutée au fait que dans le cadre des logiciels de géométrie dynamique dans l’espace existe une problématique d’interface, nous invite à explorer les pistes d’une interface dépourvue de menus tout au moins au sens classique du terme. A la problématique de taille de l’écran, vient s’ajouter, pour un certain nombre de terminaux mobile, une problématique de visualisation de l’écran lorsque celui-ci est tactile. Dans le cas des tablettes et en particuliers de l’iPad que nous avons choisi comme support matériel pour nos expérimentations, l’écran est tactile et multi-touch. Cette caractéristique permet d’utiliser un ou plusieurs doigts (ou un stylet) pour interagir avec l’écran. Or, une étude de Vogel et al. (2009) a montré que lors de l’utilisation d’un tablet-PC de 12 pouces, le bras occultait 47% de l’écran. Plusieurs études ont apporté des solutions à cette problématique en utilisant soit un écran transparent soit deux écrans (l’un situé devant et l’autre à l’arrière de l’appareil). En 2006 et 2007, Wigdor et al. (Wigdor et al., 2006 ; Wigdor et al., 2007) ont proposé tout d’abord une table puis une tablette, nommée « LucidTouch », avec une double surface tactile (figure 2.20 a. et b.). En 2009, Shen et al. (Shen et al., 2009) ont proposé un périphérique mobile multi-touch double face (figure 2.20 c.). Partant de ces travaux, Sauret et al. (Sauret et al., 2011) ont proposé en 2011, une interaction permettant de réaliser un glisser-déposer sur ce type de périphérique (figure 2.21). (a) (b) (c) Figure 2.20 – Différents terminaux mobiles avec une double surface tactile : (a) la table de Wigdor, (b) LucidTouch, (c) deux iPod reliés pour former le mobile double face de Shen. 79 (a) (b) (c) (d) Figure 2.21 – Différents terminaux mobiles avec une double surface tactile : (a) le dispositif correspondant à celui de Shen, (b) sélection d’un icône par la face arrière, (c) changement d’écran par la face avant, (d) dépôt de l’icône dans la corbeille en lâchant la face arrière. Aux contraintes liées aux tablettes viennent s’ajouter les contraintes liées à la physiologie humaine.

Limitations dues aux caractéristiques physiologiques

L’imprécision du doigt

Comme nous venons de le voir, la problématique d’occultation est importante lors de l’utilisation des terminaux mobiles munis d’écrans tactiles. Non seulement se pose le problème de l’occultation de l’écran par l’avant bras, mais se pose aussi le problème de l’occultation de la partie de l’écran où le doigt vient se poser pour créer un contact. En effet, il semble évident qu’un doigt (même celui d’un enfant) est plus gros que le curseur de la souris. Holz et Baudisch ont fait ressortir largement dans deux études (Holz & Baudisch, 2010 ; Holz & Baudisch 2011) le manque de précision du doigt lors d’une tâche de désignation d’une cible (figure 2.22). Figure 2.22 – Les utilisateurs devaient toucher le centre de la croix. Chaque croix représente un utilisateur et chaque ovale une zone de contact du doigt. Les utilisateurs ont réalisé deux séries de contacts en changeant à chaque fois la position du doigt. 80 En complément des techniques utilisant un périphérique avec une double surface tactile, de nombreuses techniques sur des terminaux courant ont été proposées pour pallier ce manque de précision du doigt. On peut par exemple citer Shift (Vogel & Baudisch, 2007) qui consiste à faire apparaître la zone occultée par le doigt de façon zoomée et déportée puis d’y rajouter un curseur pour faire apparaître le point de sélection (figure 2.23 a.). La sélection est effective lorsque le doigt est relevé. Cette solution a d’ailleurs été retenue entre autre par Apple pour ses terminaux tactiles. On peut aussi mentionner TapTap et MagStick (Roudaut et al., 2008). TapTap consiste en un double Tap, le premier zoom la zone à proximité du contact et le second Tap permet de sélectionner la cible (figure 2.23 b.). MagStick crée un curseur décalé à partir d’un point de contact initial. En déplaçant le doigt un bâtonnet télescopique apparaît avec un mouvement inversé par rapport à celui du doigt (figure 2.23 c.). Figure 2.23 – Trois techniques pour pallier le manque de précision du doigt : (a) Shift, (b) TapTap, (c) MagStick.

Les caractéristiques de la main

Nous venons de voir les problèmes liés à l’utilisation du doigt. Mais les tablettes tactiles sont composées d’écran multi-touch, ce qui permet d’utiliser simultanément plusieurs doigts qui seront reconnus comme plusieurs points de contact. L’étude de Wand et al. (Wang et al., 2009) montre l’utilité de la détection de la forme de la zone de contact de un ou plusieurs doigts, de sa taille et de son orientation dans des tâches de sélection et de pointage. Cependant, cette étude montre aussi que dans le cas de l’utilisation de plusieurs doigts, ils ne doivent pas appartenir à la même main. Ce qui limite l’utilisation de ces informations à deux doigts. En effet, dès lors que deux doigts de la même main sont pris en compte tout mouvement de l’un peut engendrer un mouvement parasite de l’autre et ce malgré les 23 degrés de liberté de notre main (Anderson, 81 1992). Il sera donc important de prendre en compte les particularités physiologiques dans l’élaboration des gestes multi-touch et ce d’autant plus que les capacités motrices des enfants sont encore en évolution dans la tranche d’âge étudiée. Lorsque nous avons justifié notre choix de tablette, nous avons mis en avant le nombre important d’interactions possibles de par les divers composants comme les capteurs qui y sont intégrés. De nombreux jeux de courses de voitures tirent parti de l’accéléromètre pour diriger le véhicule en tenant la tablette comme si l’on tenait un volant (figure 2.24). Ainsi même si l’utilisation des capteurs peut permettre d’introduire des interactions complémentaires à celles liées à l’écran tactile, certaines limitations physiologiques sont à prendre en compte. L’étude de Rahman (Rahman et al., 2009) montre que la main peut réaliser un angle de 60° en flexion et 45° en extension (figure 2.25 a.), de 65° en pronation et 60° en supination (figure 2.25 b.) et enfin de 15° en déviation ulnaire et 30° en déviation radiale (figure 2.25 c.). Ces limitations seront à prendre en compte dans l’utilisation d’interactions utilisant des capteurs.

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