Variation spatiotemporelle des œufs de poissons pélagiques des côtes ouest africaines

Variation spatiotemporelle des œufs de poissons pélagiques des côtes ouest africaines

Généralités sur les premiers stades de vie du poisson

 Le cycle de vie du poisson 

Le cycle de vie est la succession de stades de vie aux caractéristiques différentes (HardenJones, 1968) aboutissant au renouvellement de la population (Figure 1.1). Il retrace les étapes de son développement, chacune d’elle marquée par des changements de morphologie, de capacités physiologiques et de comportements. Les cycles de vie des poissons sont donc caractérisés par une séquence d’utilisations d’habitats par différents stades de vie connectées par des phases de migrations passives ou actives. Ils sont marqués par différents facteurs de pression qui agissent sur les processus démographiques associés à différents stades de développement, à différents habitats et à différentes échelles d’espace. Pour la majorité des poissons téléostéens, le cycle de vie se décompose en quatre phases successives : œuf, larve, juvénile et adulte (Balon, 1984 ; Kamler, 2002). Figure 1.1- Cycle de vie des poissons téléostéens  la phase œuf L’œuf est le premier stade de vie du poisson (Figure 1.2). Il existe une variété de types d’œufs chez les téléostéens aussi bien en eau douce qu’en eaux marines. Une fois fécondé, l’œuf entame un processus de développement pour devenir un poisson adulte. Les espèces pélagiques possèdent une très grande fécondité. Au cours de son cycle de développement, la femelle peut pondre jusqu’à plusieurs milliers d’œufs. L’éclosion des œufs se fait 3 à 4 jours après la ponte. Les œufs sont très vulnérables aux conditions climatiques, à la prédation et au parasitisme. Ils sont sujets à un taux de mortalité naturelle très élevé, dépassant 90% (Sansone et Smith, 2001; Pustejovsky et Smith, 2006). Figure 1.2 – Stade œuf du poisson  la phase larvaire Le stade larvaire commence dès l’éclosion de l’œuf (Figure 1.3). II correspond à une période de transformation morphologique et physiologique continue de l’individu. La durée de la phase larvaire est très variable selon les espèces, d’une vingtaine de jours à plus de quelques centaines de jours (Leis et McCormick, 2002). La larve se caractérise par la présence de certains organes embryonnaires (comme des nageoires primitives avec des vaisseaux respiratoires, des branchies externes, des épines et des appendices filamenteux)qui seront ensuite remplacés par des organes définitifs ayant la même fonction ou qui disparaîtront (Balon, 1975) et le développement d’organes larvaires spécifiques comme le tégument médian ou finfold (qui se prolonge le long du corps et à partir duquel les nageoires dorsales, caudales et anales vont se développer). Bien que dérivée par le courant, la larve est déjà capable de capturer et digérer des proies, et peut se mouvoir et rejoindre l’habitat côtier (Doherty et Williams, 1988 ; Cowen, 2002). Kamler (2002) définit trois stades larvaires :  le stade pro-larve qui débute à l’éclosion et prend fin lors de la première prise alimentaire. Durant ce stade, l’unique source d’énergie de la larve est sa réserve vitelline.  le stade larve qui débute lors de la première prise alimentaire. Ce stade peut, suivant les espèces, débuter par un stade d’alimentation mixte durant lequel la larve va se nourrir sur ses réserves vitellines et de façon exogène.  le stade post-larve débute lors de la résorption complète de la réserve vitelline et prend fin à la métamorphose. Figure1.3 -Stade larvaire du poisson  le stade juvénile Une fois que l’individu a achevé sa métamorphose, il devient un juvénile (Figure 1.4). En fonction de l’espèce et des facteurs environnementaux, cette transformation peut prendre moins d’un jour à plusieurs mois. La plupart des poissons démersaux se métamorphosent en une semaine environ alors que chez les petits pélagiques cela prend 2 à 3 semaines. Au fur et à mesure qu’ils grandissent, les juvéniles quittent les zones de protection et rejoignent les stocks de population. Selon les espèces, la maturité sexuelle peut être atteinte en une durée allant de quelques mois à plusieurs mois. Une fois matures sexuellement, les juvéniles deviennent des adultes. Figure 1.4 – Stade juvénile de Pseudotolithus senegalensis (source : pgfguyane.pagespersoorange.fr)  le stade adulte La phase adulte (Figure 1.5) débute au moment où le poisson est capable de se reproduire et s’étend jusqu’à la sénescence. C’est la période active du poisson où il est physiologiquement apte à se reproduire et pérenniser son espèce. Elle peut s’étendre de quelques mois (certaines espèces de la famille des Gobiidés, des Scopelidaés) à plusieurs dizaines d’années (Delphinapterus leucas).

Présentation morphologique des œufs de poisson 

La structure de base d’un œuf est constituée d’une membrane externe (chorion), d’un espace perivitellin, du vitellus, d’un globule huileux et de l’embryon en stade avancé de développement. La description morphologique de l’œuf pélagique est présentée dans la figure 1.6. Chapitre 1. Introduction générale – 8 – Figure 1.6 – Description de l’œuf de poisson  la membrane: c’est l’élément protecteur de l’œuf. Elle est généralement incolore, mais peut se présenter sous différentes couleurs chez certaines espèces. Sa surface est le plus souvent lisse, mais des sculptures peuvent être observées.  l’espace périvitellin : il sépare le chorion du globule huileux, du vitellus et de l’embryon. Sa largeur chez beaucoup d’espèces est assez petite et est à peine discernable, mais chez d’autres elle est relativement importante et mesurable.  le vitellus : il est soit segmenté soit homogène chez la plupart des téléostéens supérieurs. La segmentation est un caractère utilisé dans l’identification des œufs, toutefois certains œufs ne se segmentent que plus tard au cours du développement. Le vitellus est le plus souvent transparent, mais il peut être opaque ou contenir des pigments appelés mélanophores.  les globules huileux : ils se trouvent dans certaines masses de vitellus et varient en nombre, en taille, en position et en couleur. Selon une étude menée par Ahlstrom et Moser (1980), parmi les œufs décrits, environ 60% avaient un seul globule huileux, 15% en avaient plusieurs et 25% n’en avaient pas. En ce qui concernant le nombre, la taille et la position, il est à noter que les globules huileux peuvent migrer à l’intérieur du vitellus et/ou fusionner entre eux. Les globules huileux sont uniquement retrouvés dans les œufs pélagiques.  l’embryon : il se développe à partir d’une seule cellule après la fécondation. La vie embryonnaire se déroule d’abord dans le milieu clos délimité par le chorion de l’œuf, puis, après éclosion dans le milieu extérieur. L’embryon est alors appelé soit   «vésiculé » car la vésicule vitelline forme une proéminence ventrale bien visible, soit « libre » car il bénéficie d’une certaine capacité de déplacement autonome même si ses performances de nage sont encore très mauvaises.  Description des œufs des espèces-cibles  Sardina pilchardus L’œuf de sardine est lisse et sphérique (Figure 1.7a). Il est relativement grand avec un large espace périvitellin et un vitellus segmenté de diamètre compris entre 0,8 et 0,95 mm. L’œuf a un diamètre qui varie de 1,50 à 1,80 mm et contient un globule huileux de diamètre d’environ 0,16 mm situé au niveau postérieur. Des mélanophores sont présents sur l’embryon aux stades avancés. Le chorion est très mince et tendre, crève souvent lors de leur prélèvement avec le filet.  Engraulis encrasicolus L’œuf d’anchois (Figure 1.7b) est caractérisé par une forme ellipsoïde qui le distingue des autres Clupéidés. Sa membrane est lisse et son vitellus segmenté. L’œuf mesure 1, 25 x 0, 55 mm et il est dépourvu de globule huileux. En stade avancé, des grains de mélanophores apparaissent sur l’embryon au niveau abdominal.  Sardinella aurita Les œufs de la sardinelle ronde (Figure 1.7c) sont sphériques avec une membrane lisse et un grand espace périvitellin. Ils sont plus petits que les œufs de sardine (1, 2 – 1, 4 mm), mais le vitellus est plus grand (environ 0, 59 mm) et il apparait segmenté. En outre, ils possèdent un seul globule huileux de diamètre d’environ 0,12 mm. En stade avancé, l’embryon s’enroule autour du vitellus qui semble plus petit (environ 2/3 de l’embryon).  Trachurus trachurus L’œuf de chinchard est sphérique avec une membrane lisse (Figure 1.7d) et transparente. Son diamètre varie de 0,84 à 1,04 mm. Il possède un seul globule huileux de diamètre compris entre 0,19 et 0,28 mm, généralement coloré en rouge cuivré ou jaune orange. L’espèce périvitellin est faible et le vitellus vésiculaire contient des pigments en forme de « Y » renversé. En stade avancé, l’embryon est recouvert de pigments qui apparaissent d’abord noir et plus tard jaune brun. Des pigments sont aussi présents sur le globule huileux. Figure1.7 – Description des œufs des espèces cibles (Sardina pilchardus, Sardinella aurita, Engraulis encrasicolus, Trachurus trachurus)

Développement des œufs de poissons

Après la fécondation, l’embryon subit un processus de développement où il passe d’une seule cellule à un organisme complexe. Le développement des œufs de poissons a fait l’objet de nombreuses études (Blaxter, 1969 ; 1982 ; Browman et Skiftesvik, 2003 ; Kuntz (2004). Différentes échelles ont été développées avec des descriptions simplifiées (échelle en trois phases de Russell (1976) avec les stades précoce, intermédiaire et avancé) ou détaillées (échelle de Lockwood et al. (1977) pour le maquereau (Scomber scombrus) en 15 stades ; échelle de Iwamatsu (2004) divisée en 40 étapes pour l’espèce Oryzias latipes). Toutefois, l’échelle applicable à la plupart des espèces pélagiques est celle développée par Cunha et al. (2008) et révisée lors de l’atelier de 2015 de l’ICES. Elle a été décrite à partir d’une incubation artificielle d’œufs de chinchard (Trachurus trachurus). Les différentes étapes sont les suivantes (Figure 1.8) : a) b) c) d)  stade I : première segmentation, avec division des cellules qui passent de 2 à 64 cellules. Les œufs non fécondés sont inclus dans cette étape (cependant, ils sont difficiles à distinguer).  stade II : le clivage se poursuit jusqu’à la formation d’une coiffe blastodermique, le comptage des cellules individuelles n’est plus possible bien que visible.  stade III : développement du blastocèle ; première apparition de l’anneau germinal, où le bouclier embryonnaire commence à se développer.  stade IV : première apparition de l’axe embryonnaire ; le contour de l’embryon est clairement défini dans la ligne médiane du bouclier embryonnaire. L’embryon se développe, mais la tête et la queue ne sont pas encore discernables. Le blastopore est encore large.  stade V : la région céphalique devient apparente et un aperçu des vésicules optiques peut être discerné. Le corps de l’embryon est collé au jaune mais sans s’être épaissi. Le développement du capuchon blastodermique se déroule autour du jaune et le blastopore diminue. A ce stade, il est possible de voir les somites (mais pas clairement) et les pigments peuvent commencer à apparaître.  stade VI : l’embryon devient bulbeux. Cependant l’angle formé par la queue et le jaune est≥ 90°. La fermeture du blastopore se produit pendant cette étape.  stade VII : la queue de l’embryon commence à se séparer de la masse vitelline. L’angle formé par la queue et le vitellus est < 90° et cette étape dure jusqu’à ce que la queue libre atteigne la même longueur que la taille de la tête. Les pupilles peuvent être discernés dans les yeux. Les taches pigmentaires apparaissent clairement en deux rangées le long du contour du corps dorsal.  stade VIII : la croissance de la queue continue mais reste inférieure aux trois quarts de la circonférence de l’œuf.  stade IX : la longueur de l’embryon dépasse les 3/4 de la longueur autour du vitellus et croît jusqu’à atteindre 7/8 de sa circonférence.  stade X : la longueur de l’embryon dépasse 7/8 de la circonférence autour du vitellus et croît jusqu’à ce que la queue soit près de la tête mais sans la toucher.  stade XI : la queue touche la tête et peut pousser au-delà. A la fin de cette étape, l’embryon éclot.

Table des matières

Résumé
Remerciements
Acronymes
1 Chapitre 1.Introduction générale
1.1 Contexte
1.2 Généralités sur les premiers stades de vie des poissons
1.2.1 Le cycle de vie du poisson
1.2.2 Présentation morphologique des œufs de poisson
1.2.3 Développement des œufs de poissons
1.2.4 Écologie des œufs de poissons
1.3 Objectifs de l’étude
1.4 Plan de thèse
2 Chapitre 2. Milieu et méthodologie d’étude des œufs de poissons pélagiques
2.1 Introduction
2.2 Caractéristiques générales de la côte ouest africaine
2.2.1 Hydroclimat (l’upwelling des Canaries)
2.2.2 Topographie (plateau continental)
2.3 Méthodologie générale
2.3.1 La collecte des échantillons
2.3.1.1 La collecte des paramètres écologiques
2.3.1.2 La collecte des œufs de poissons
2.3.2 Conservation des échantillons
2.3.3 Trie des œufs de poissons
2.3.4 Identification des œufs de poissons
2.4 Analyse des données
2.4.1 Calcul d’abondance des œufs
2.4.2 Relations entre facteur environnementaux et abondance des œufs
3 Chapitre 3. Distribution horizontale des œufs de poissons pélagiques des côtes ouest africaines
Introduction
Résumé de l’article
Article: Horizontal distribution of dominant pelagic fish eggs in West African
Waters
Abstract
3.1 Introduction
3.2 Material and methods
3.2.1 Study area
3.2.2 Data collection
3.2.2.1 Environmental data
3.2.2.2 Fish egg processing
3.2.3 Species-environment relationships
3.3 Results
3.3.1 Environmental data
3.3.2 Egg abundances and distribution
3.3.2.1 Total and unidentified eggs
3.3.2.2 Species eggs
3.3.3. Species- environment relationships 51
3.4 Discussion
3.5 Conclusion
3.6 Acknowledgements
4 Chapitre 4. Abondance et répartition verticale des œufs de poissons pélagiques
4.1 Introduction
4.2 Matériel et méthodes
4.2.1 Le milieu d’étude
4.2.2 Collecte des données
4.2.2.1 Données environnementales
4.2.2.2 La collecte des œufs
4.2.3 L’analyse des données
4.3 Résultats
4.3.1 Facteurs environnementaux
4.3.2 Abondance et distribution verticale des œufs
4.3.2.1 La totalité des œufs
4.3.2.2 Les œufs non-identifiés
4.3.2.3 Les œufs des espèces-cibles
4.3.3 Influence des paramètres environnementaux sur la distribution des œufs
4.4 Discussion
4.5 Conclusion
5 Chapitre 5. Discussion générale
5.1 Variation spatiotemporelles des conditions environnementales
5.2 Diversité et variabilité spatiotemporelles des œufs de poissons pélagiques
5.2.1 Abondance et diversité spécifique des œufs de poissons pélagiques
5.2.2 Distribution spatiale et saisonnière des œufs de poissons pélagiques
5.3 Influence de l’environnement sur la variation spatiotemporelle des œufs de poissons pélagiques
5.4 La gestion et la protection des zones de ponte
5.5 Critiques et perspectives de l’étude
6 Conclusion et perspectives
7 Annexes
Annexe A
Annexe B
B.1 Article
B.2 Communications
8 Références bibliographiques

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