Vécu de la relation médecins patients

 Vécu de la relation médecins patients

Hostilité envers un médecin disqualifié

Déshumanisation de la relation Certains patients évoquent une déshumanisation de la relation de soin, vécue dans leur prise en charge passée. En effet, ils rapportent un manque de considération du praticien hospitalier à leur égard, marqué par une absence d’explication quant à la maladie et aux traitements médicamenteux qui y sont associés qu’il s’agisse du moment de l’annonce diagnostique ou du suivi qui en découle. « J’ai changé de médecin pas pour un problème de compétence, il était très compétent, mais très mauvais communiquant et au moment donc au moment où il a fait une coloscopie, il est arrivé et il a dit « c’est bien ce que je pensais vous avez une maladie de Crohn ». Et donc j’étais dans une chambre avec une autre patiente, on attendait pour rentrer chez nous, pis il passe et me dit « Bon vous avez une maladie de Crohn, voilà je vous mets deux ordonnances pour de la cortisone » et je ne sais pas quoi et pis ben il est parti. Donc je suis allée voir sur internet en me disant, mais c’est incroyable c’est pas mon médecin qui m’explique. Il me donne des doses de cortisone sans me dire pourquoi, comment. » Nathalie, 42 ans. Ce défaut d’accompagnement lors de l’annonce de la maladie, semble favoriser l’apparition d’affects agressifs vis-à-vis de la figure de soin mais également d’affects anxieux reliés à une prise en charge insuffisamment contenante. « Mais ça a été l’annonce de ma maladie qui a fait que j’avais besoin de quelqu’un d’autre en face et que je l’ai pas eu. Après peut-être qu’une personne pourrait me dire que je me plains, j’en sais rien. Moi en tout cas, je le ressens comme ça. Ça a été dur. De toute ma vie, je pense que ça a été le moment le plus difficile parce que voilà j’aurais eu besoin de réponses et je 386 ne les ai pas eues. Il a fallu malgré mes douleurs, mes maux et mes angoisses chercher moi-même les réponses. » Léa, 31 ans. Au cours des premiers temps du suivi, les patients soulignent le fait de ne pas être entendus et pris au sérieux dans la description clinique qu’ils font de leurs troubles. La relation humaine unissant le médecin et le patient semble être oubliée au profit de relations dépersonnalisées, faisant abstraction de la personnalité du patient, de ses angoisses et de ses questionnements internes. En effet, certains sujets ne se sont pas sentis compris, reprochant au praticien de manquer d’empathie. L’indifférence de leur médecin décrite par les patients favorise alors une insécurité intérieure, réactivant des angoisses d’abandon. La faible durée de la consultation est également fréquemment avancée comme composante négative de la relation de soin. Certains patients ont l’impression d’être considérés comme un « numéro » et ressortent frustrés de n’avoir pu avoir suffisamment d’espace pour exposer leurs problèmes, remarques ou interrogations quant à la gestion médicale de la maladie. « Quand on lui parlait on avait l’impression de l’emmerder plus qu’autre chose. Et oui il n’était pas… il ne parlait pas… vous étiez un patient parmi tant d’autres et tac. Un jour je l’ai appelé enfin ma mère l’a appelé et lui a dit « Oh ne vous inquiétez pas, elle se repose 48h, elle ira mieux. » Enfin j’avais de la fièvre, j’avais 40 de fièvre et il n’a jamais rien fait quoi. » Camille, 21 ans.

Un sentiment de trahison

Parmi l’ensemble de notre échantillon, certains patients évoquent une perte de confiance vécue antérieurement dans leur suivi médical, trouvant sa source dans un sentiment d’avoir été trahis par leur médecin spécialiste. Les sujets vivent les informations ou prédictions médicales reçues par le passé qui se sont avérées fausses par la suite, comme un mensonge de la part du soignant. En conséquence, ils ressentent face à leur ancienne figure de soin, de la colère et de la déception. Ce sentiment d’avoir été dupé, trahi porte principalement, sur la promesse de nouveaux traitements à venir, offrant une possibilité de guérison. 387 « Au jour d’aujourd’hui avec le recul, je lui en veux un peu, énormément même, sur le fait qu’il m’a fait miroiter qu’il y aurait un médicament et qu’en fin de compte… Voilà des fois ce que je dirais, voilà à un médecin, c’est voilà de dire la vérité plutôt que de donner l’espoir à un enfant et qu’il n’y a pas d’espoir derrière. Ça c’était une grosse déception. » Nassim, 34 ans. D’autres patients insistent également sur la minimisation de la gravité la maladie, dans le discours du spécialiste, à l’annonce de la maladie. Ils le rendent alors indirectement responsable de leur manque de précautions face à la survenue d’une rechute ainsi que du fait de ne pas avoir réussi à prendre la mesure des répercussions potentielles de celle-ci. « J’ai eu beaucoup de mots positifs et ensuite je me suis retrouvée… ben ce qu’il m’avait dit ce n’était pas vrai parce que j’étais maladie, je me sentais vraiment malade. Je me suis dit il m’a menti parce que je me sentais vraiment pas bien. Peut-être que lui c’était le déclic pour pas que je me mette ma maladie dans la tête. Il m’a dit ça va aller ». Sophia, 35 ans.

Mise en doute des compétences médicales

L’orientation vers un autre médecin gastroentérologue est fréquemment justifiée par les patients, par un manque de connaissances médicales au sujet de la maladie de Crohn et des traitements associés. Ce manquement est parfois excusé par les patients, qui évoquent la rareté de la maladie ou le défaut de formation du médecin de par son appartenance générationnelle comme principales explications. « Il était d’une certaine génération de médecin, face à la maladie, il était un peu dans l’inconnu quand même… dans le traitement notamment. » Stéphane, 52 ans. Aurélie reprend dans son discours cette notion d’inconnu dans la prise en charge de la maladie, en appuyant sur les répercussions induites sur son état de santé somatique et psychique. Tout comme d’autres patients, elle insiste également sur l’incompétence au niveau de la réalisation de gestes médicaux techniques chez le personnel soignant. 388 « Le fait d’être bien pris en charge c’est hyper important, mais là il y avait quand même de grosses incertitudes, ne serait-ce que dans le choix des traitements, enfin… Même eux ils avouaient qu’ils n’avaient pas de recul, ni sur ma maladie à moi, ni sur la maladie en générale. Il y avait des traitements qui existaient mais ils ne savaient pas lesquels appliquer. Ils ne savaient pas. Donc on m’a expliqué qu’on allait tâtonner jusqu’à ce qu’on trouve la solution. Ça c’était pas super confortable à vivre. Et puis tant qu’à faire, vous allez essayer tel médoc mais vous risquez d’avoir la nausée. Ils m’ont fait péter trois-quatre fois les veines avant de comprendre que non ça ne passait pas dans mes veines. » Aurélie, 29 ans. Les patients mettent également en doute les compétences médicales de leur ancien médecin spécialiste à travers la sous-évaluation de la gravité d’un épisode de crise. Il leur est essentiellement reproché, un mauvais diagnostic entrainant une inaction dans les soins à dispenser et une souffrance intense. Ce défaut de soin reste décrit pour la plupart des patients qui en ont fait l’expérience comme un événement venant précipiter la rupture du suivi. « J’ai eu un incident malheureux. Je commençais à avoir un abcès je le sentais et il y avait plus de lits à la clinique et entre le lundi et le vendredi j’ai… Ah mais j’ai cru que j’allais me jeter par la fenêtre parce que quand je suis arrivée à la clinique, je me suis même évanouie et le lendemain le médecin est venu, il s’est excusé. Il m’a enlevé deux litres de pu à l’intérieur hein ! Je n’aurais pas eu mes enfants je crois que je me balançais par la fenêtre tellement j’ai souffert. » Brigitte, 53 ans. « J’avais pas été écoutée par les infirmières. J’avais mal, elles me disaient que je digérais mal alors que j’étais en train de perforer mon intestin. Ça c’était très mal passé. » Sévérine, 38 ans.

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