Aspects épistémologiques des figures et du raisonnement pour l’entrée dans la géométrie théorique

Aspects épistémologiques des figures et du raisonnement pour l’entrée dans la géométrie théorique

Ce chapitre vise à dégager les aspects épistémologiques en jeu dans la visualisation des figures, le raisonnement géométrique et les tâches de construction des figures planes, en particulier des triangles et des quadrilatères, à partir de travaux en didactique des mathématiques mais aussi d’autres recherches avec un point de vue plus cognitif. Ces aspects fondent un MPR relatif aux figures planes de la géométrie « à la Euclide » à la transition cycle 3 / cycle 4 que nous présentons dans le chapitre 4. Nous parlerons de géométrie « à la Euclide » en référence au travail de Robert : Au collège on reprend ainsi une partie de l’arsenal de la géométrie grecque, introduit dans un autre ordre, des figures de base, des transformations initiales introduites explicitement (symétries orthogonales notamment), des éléments admis remplaçant les axiomes. Les théorèmes qu’on peut démontrer sont presque les mêmes, les théorèmes de Pythagore et de Thalès occupant une bonne place. Les démonstrations sont éventuelle- ment actualisées par rapport à celles d’Euclide notamment grâce à une utilisation implicite des réels et de formules d’aires (établies à partir de figures de mesures entières et étendues grâce aux propriétés des réels) (Robert, 2003, p. 19).

Cette désignation de la géométrie se situe au-delà des questions de géométries physique et théorique, elle nous permet de délimiter le type de géométrie qui nous intéresse en excluant en particulier les géométries dites non euclidiennes. Nous Selon Duval (1998), la géométrie met en jeu trois processus cognitifs : le processus de visualisation, le processus de construction avec des outils géométriques et le processus de raisonnement. Ceux-ci peuvent et doivent être étudiés séparément puis ensemble car ils interviennent en coordination dans l’activité géométrique. De plus, comme nous l’avons vu dans la section 1.2.3, nous faisons l’hypothèse qu’il existe une double rupture épistémologique entre la géométrie physique et la géométrie théorique concernant le statut et le mode d’appréhension des objets géométriques et concernant les raisonnements géométriques en jeu.Dans le programme scolaire du cycle 1, on parle de manipuler, reproduire, dessiner, identifier et décrire des « formes planes » (Programme du cycle 1 , 2020). La notion de figure géométrique n’apparaît qu’à partir du cycle 2. Les programmes scolaires des cycles 2 à 4 ne définissent cependant jamais cette notion qu’ils semblent considérer comme allant de soi. En revanche, ils évoquent ses propriétés et ce qu’on peut en faire : les reconnaître, nommer, décrire, reproduire ou construire (Programme du cycle 2 , 2020, p. 64).

Ces deux définitions sont au cœur des difficultés des élèves en lien avec la notion de figure géométrique. Elles renvoient à ce que disait Platon dans le livre VI de La République : « tu sais aussi qu’ils [les géomètres et les arithméticiens] se servent de figures visibles et qu’ils raisonnent sur ces figures, quoique ce ne soit point à elles qu’ils pensent, mais à d’autres figures représentées par celles-là. Par exemple, leurs raisonnements ne portent pas sur le quarré ni sur la diagonale tels qu’ils les tracent, mais sur le quarré tel qu’il est en lui-même avec sa diagonale » (Cousin, 1834). La figure est donc l’objet mathématique sur lequel on raisonne et le tracé visible de cet objet n’en est qu’un des représentants possibles.Si nous revenons à des travaux de didactique des mathématiques, selon Laborde, « diagrams in two dimensional geometry play an ambiguous role : on the one hand, they refer to theoretical geometrical properties, while on the other, they offer spatio- graphical properties that can give rise to a student’s perceptual activity » 2 (Laborde, 2005, p. 25). Les termes « dessin » et « figure géométrique » étant employés comme des synonymes la plupart du temps, l’élève a donc tendance à raisonner sur le dessin tracé sur sa feuille sans distinguer les propriétés géométriques des propriétés spatio-graphiques liées uniquement au tracé particulier de son dessin.

La figure géométrique est l’objet géométrique décrit par le texte qui la définit, une idée, une création de l’esprit tandis que le dessin en est une représentation. […] Le terme figure géométrique renvoie dans cette acception à l’établissement d’une relation entre un objet géométrique et ses représentations possibles (Laborde & Capponi, 1994, p. 168). — la visualisation iconique qui « repose sur une ressemblance entre la forme reconnue dans un tracé et la forme caractéristique de l’objet à identifier » (Duval, 2005, p. 9). La figure géométrique est donc identifiée par son contour, sa forme. On ne peut pas « opérer dessus sous peine de [la] dénaturer » (Mithalal, 2011, p. 114) ;Pour « voir » une figure en géométrie, il faut donc d’abord savoir distinguer ce qui relève des propriétés de la figure géométrique, au cœur des raisonnements du cycle 4 (cf. section 3.3), et ce qui relève uniquement du dessin. Or, selon le paradigme géométrique dans lequel on se place, le statut de la figure varie. Dans le cadre de la géométrie physique pour laquelle la source de validation est le sensible, c’est le dessin de la figure géométrique (y compris les propriétés spatio-graphiques du dessin particulier donc) qui est l’objet d’étude. Alors que dans le cadre de la géométrie théorique pour laquelle la source de validation est un raisonnement hypothético- déductif (même s’il s’appuie en partie sur le sensible), le dessin n’est considéré que comme un représentant de la figure géométrique étudiée. Il peut éventuellement être porteur d’heuristiques comme nous le verrons dans la section 3.1.4, mais il n’est pas l’objet d’étude.

 

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