ASPECTS PHARMACOLOGIQUES DE LA PRISE EN CHARGE DE PATIENTS VIVANTS AVEC LE VIH ATTEINTS DE CANCER

ASPECTS PHARMACOLOGIQUES DE LA PRISE EN CHARGE DE PATIENTS VIVANTS AVEC LE VIH ATTEINTS DE CANCER

Les personnes vivant avec le VIH atteintes de cancer doivent bénéficier des mêmes traitements anticancéreux que ceux établis en population générale. La réplication virale doit donc être contrôlée tout au long de la prise en charge du cancer. Cela rendant nécessaire l’instauration d’un traitement antirétroviral s’il s’agit d’une découverte inaugurale, et le maintien d’une parfaite observance durant le traitement anticancéreux. Le traitement contre le cancer peut selon les cas présenter un risque d’interaction médicamenteuse avec le traitement antirétroviral. Une interaction médicamenteuse est une modification de l’effet recherché ou indésirable, attendu avec un médicament, du fait de la prise simultanée d’une autre substance (médicamenteuse ou non) 28. Les interactions peuvent alors être d’ordre pharmacocinétique et/ou pharmacodynamique. Les antirétroviraux et les anticancéreux ont une marge thérapeutique étroite. L’impact des interactions médicamenteuses possibles peut donc concerner aussi bien l’efficacité que la toxicité de l’une ou l’autre voire des deux thérapeutiques. Il est important de souligner que l’intensité de l’interaction peut varier au sein d’une même classe de médicaments en fonction des molécules. A ce jour, les données concernant l’association de ces deux classes de médicaments sont parcellaires, issues principalement de cas clinique isolé ou de petites séries de patients. Cela s’explique surtout par le manque d’études d’interactions chez des volontaires sains mais aussi par la « rareté » de ce cancer au regard de la population générale. Or, les PVVIH sont une population fragile (insuffisances fonctionnelles fréquentes, alternatives thérapeutiques ont été recueillis d’après plusieurs références : le Vidal15, le site de l’« European Medicines Agency » (EMA)30 et les sites de l’Université de Liverpool « HIV Drug Interaction »31 et « Cancer Drug Interaction ».

ASPECTS PHARMACOCINETIQUES

Les interactions d’ordre pharmacocinétique entrainent la modification du profil cinétique d’un ou des médicaments mis en interaction. Ainsi, elles provoquent soit la diminution de l’exposition à la molécule conduisant à l’inefficacité de celle-ci, soit au contraire, l’augmentation de l’exposition conduisant à augmenter le risque de survenue d’effets indésirables 33. Les voies métaboliques et les mécanismes de transports membranaires sont souvent communs entre les ARV et les anticancéreux. De nombreuses molécules parmi les deux classes de médicaments sont des substrats et parfois des inducteurs et/ou inhibiteurs de divers enzymes du métabolisme des médicaments (cytochromes P450, enzymes de conjugaison UGT, …) et/ou de transporteurs membranaires (P-gp, BCRP, OAT, …), ce qui génère un risque potentiel élevé d’interactions pharmacocinétiques. De plus, la variabilité génétique des CYP450 et des transporteurs membranaires peut avoir un impact supplémentaire 29. Dans tous les cas, ce sont d’éventuelles modifications d’exposition aux traitements qu’il va falloir anticiper afin de prévenir une toxicité tout en gardant une efficacité optimale. Si pour les antirétroviraux, le monitoring pharmacologique est réalisé en pratique routinière, il n’en est pas  Les antirétroviraux sont potentiellement des générateurs d’interactions médicamenteuses à cause de leurs propriétés inducteurs/inhibiteurs vis-à-vis des enzymes et/ou transporteurs du métabolisme (Tableau 4). Les INNTI et les IP sont les classes d’antirétroviraux les plus générateurs d’interactions médicamenteuses. Les INTI, les INI (sauf l’elvitégravir boosté par le cobicistat) ainsi que le maraviroc et l’enfuvirtide sont inversement à moindre risque d’interactions sur les anticancéreux. Tableau 4 : Propriétés pharmacocinétiques des ARV impactant les anticancéreux.

L’effet inducteur des INNTI notamment avec l’efavirenz, la névirapine et l’etravirine (risque réduit avec la rilpivirine et la doravirine) et de certains IP, tels que le ritonavir, la tipranavir, le darunavir et le fosamprénavir sur certaines isoenzymes des CYP450 et/ou transporteurs impliqués dans le métabolisme des médicaments, peut entrainer une diminution des concentrations des anticancéreux et conduire à un traitement sub-optimal et inefficace. Les IP sont toujours associés à un booster (ritonavir ou cobicistat), ce qui entraine que malgré leurs nuances parmi leurs effets inducteurs/inhibiteurs, ils seront toujours associés aux propriétés pharmacocinétiques de leur booster (Tableau 4). L’inhibition des cytochromes P450 3A4 par tous les IP, notamment à cause de leur association avec le ritonavir ou le cobicistat, peut conduire à un surdosage du traitement anticancéreux et, par conséquent, à une augmentation de la toxicité. Celle-ci sera d’autant plus importante qu’une seule isoenzyme des cytochromes P450 est impliquée dans l’élimination de l’agent cytotoxique ; c’est par exemple le cas avec les taxanes, comme le docetaxel ou le paclitaxel 24. Parmi les inhibiteurs de l’intégrase, le raltégravir n’est ni inducteur, ni inhibiteur de cytochromes/transporteurs donc un effet de cette molécule sur la pharmacocinétique des anticancéreux est peu probable. Le dolutégravir et le bictégravir sont des inhibiteurs de transporteurs spécifiques peu ou pas utilisés par les anticancéreux en règle générale, ce qui entraine également un effet peu probable sur la pharmacocinétique des anticancéreux. L’exception parmi les INI est l’elvitégravir qui est systématiquement associé avec le cobicistat, qui de manière similaire aux inhibiteurs de protéase, subira les propriétés pharmacocinétiques de son booster. L’inhibition puissante du CYP3A4 par le cobicistat, pourra donc conduire à un surdosage du traitement anticancéreux et à une augmentation de la toxicité avec l’elvitegravir. Nous avons vu que selon les situations, l’impact des interactions médicamenteuses possibles concerne l’efficacité mais le plus souvent c’est la toxicité qui pourra être majorée. Les anticancéreux présentant généralement une marge thérapeutique étroite, les toxicités peuvent mettre en jeu le pronostic vital et la prise en compte des interactions est donc cruciale.

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