Bibliographie mathématique à l’usage des lycées

Topologie générale

Ce qu’on appelle aujourd’hui Topologie générale est l’étude mathématique qualitative des «lieux» et des «relations spatiales» : elle théorise les notions de proximité, frontière, localité, continuité, etc… et leurs liens mutuels. On peut sans doute faire remonter le projet de la topologie (analysis situs, en latin) à Leibniz, mais c’est Riemann qui en jeta les bases dans sa célèbre dissertation, et la Topologie générale fut ensuite axiomatisée par Hausdorff (1914). Topologie désigne à la fois un chapitre des Mathématiques et un objet mathématique dont s’occupe cette discipline.

Ce que c’est

Lisons donc la définition d’une topologie dans le «texte canonique» : Bourbaki, Topologie générale, chapitre 12.
«DÉFINITION 1 . On appelle structure topologique (ou plus brièvement topologie) sur un ensemble X une structure constituée par la donnée d’un ensemble O de parties de X possédant les propriétés suivantes : (OI) Toute réunion d’ensembles de O est un ensemble de O. (OII) Toute intersection finie d’ensembles de O est un ensemble de O. Les ensembles de O sont appelés ensembles ouverts. DÉFINITION2.Onappelleespacetopologiqueunensemblemunid’unestructure topologique. Les éléments d’un espace topologique sont appelés points. […] L’axiome (OI)impliqueenparticulierquelaréuniondelapartievidedeO, c’est-à-dire l’ensemble vide, appartient à O. L’axiome (OII) implique en particulier que l’intersection de la partie vide de O, c’est-à-diredel’ensemble X,appartientà O.».
Écoutons à présent le commentaire du poète mathématicien J. Roubaud4 : J’ai lu et relu d’innombrables fois ces définitions, toute cette première page et les pages suivantes, sans rien comprendre, littéralement sans rien comprendre. Mais je n’ai pris que peu à peu conscience du fait que la difficulté essentielle venait non d’une extrême impénétrabilité du sujet (ce n’est certespaslecas)nid’uneincapacitécongénitaledemapartàlecomprendre (heureusement), mais de ce que je ne savais pas lire.[…] Le mode de lecture romanesque, l’extrême rapidité qui m’était coutumière depuis l’enfance pour la dévoration des romans, ne pouvait à l’évidence pas me servir dans ces circonstances nouvelles. […]Restaitlapoésie.[…](à la différence de ce qui se passait pour la prose) je relisais la poésie sans cesse jusqu’au point d’une réappréhension de tous ses éléments au présent, dans la simultanéité du temps intérieur. […] Je me mis donc, et sans réfléchir, à lire les paragraphes du chapitre 1 du livre de Topologie comme s’il s’agissait d’une séquence de poèmes.Qu’est-ce donc que comprendre une notion mathématique? C’est plus subtil, apparemment que comprendre une démonstration. Comprendre littéralement connaître la signification des termes employés dans la définition formelle-n’est pas suffisant : il faut un complément heuristique. Ilnesuffit pas de savoir lire. Il faut disposer d’exemples significatifs pour donner corps à la définition, et éventuellement de contre-exemples pour la baliser. Il faut par ailleurssaisirlamotivationetsurtoutl’usagedelanotion,cequirelèvetantdela connaissance de l’histoire de la discipline que de la pratique. Enfin et surtout, il faut voir «fonctionner» la définition dans divers contextes. Revenant aux espaces topologiques, l’exemple de base est la droite réelle R muniedelatopologiedont les ouverts sontles réunions(éventuellementinfinies) d’intervalles privés de leurs extrémités; et plus généralement, l’espace Rn à n dimensions muni de la topologie dont les ouverts sont les réunions de boules ouvertes5.

Voisinages

Un voisinage d’un point x ∈ X est une partie de X contenant un ouvert conte-nant x. Si cette notion dérive de celle d’ouvert, on récupère, réciproquement, la notion d’ouvert à partir de celle de voisinage : un ouvert est une partie de X qui est voisinage de chacun de ses points. Ces notions sont ainsi logiquement équivalentes et il est donc possible de définir, de manière équivalente, une topologie paruneaxiomatiquedesvoisinages.Cetteaxiomatiqueconsisteenfaitàdireque l’ensemble V(x) des voisinages d’un point quelconque x ∈ X forme un filtre (à savoir : (VI) Toute partie de X qui contient un élément de V(x) (c’est-à-dire un voisinage de x) est un élément de V(x), (VII)TouteintersectionfiniedepartiesdeX quisontdesélémentsdeV(x)est un élément de V(x), (VIII) Le vide n’est pas un élément de V(x) (en effet x appartient à chacun de ses voisinages),) en ajoutant que (VIV )siV estunvoisinagedex,ilenexisteunautreW telqueV soitvoisinage de chacun des points de W. Revenons au problème de la compréhension des notions mathématiques. Il suit de ce que nous en avons dit qu’il s’agit d’un processus progressif – qui peut passer par le malentendu. Il est en tout cas fort utile de se forger une représentation (même fantaisiste) donnant un contenu intuitif à la présentation formelle sans jamais toutefois confondre celle-ci avec celle-là. Écoutons l’évocation de Roubaud à propos du filtre des voisinages6 : C’est ici que le mot filtre, et l’image qu’aussitôt il évoque vient s’interposer entre la topologie telle qu’elle est […] et le souvenir que j’en ai gardé. Cela veut dire qu’il ne m’était pas possible alors, qu’il ne m’est pas possible encore aujourd’hui de ne pas voir ces filtres, et surtout de ne pas les voir comme liés, et même surimprimés à une représentation mentale de ces objets exaspérants qu’étaient les cafés-filtres des cafés. […] Je pense tout particulièrement à la lenteur générale de l’écoulement de leur contenu, cette soupe brunâtre qualifiée sans honte de café, qui m’amenait à les saisir, en dépit de toutes mes expériences antérieures, avant l’achèvement du trajet de haut enbasduliquideetparconséquentàmebrûler les doigts; puis à me brûler la langue en essayant de m’en débarrasser troptôtenlesbuvant.Jelesvoisetjevoisaussitôtquelquechosecommeune icôned’espacetopologique,unesortedegrandeprairiede«points»,chacun placé au-dessous d’une tasse-filtre, son «filtre de voisinages». […] Cette image donnait à l’idée de point une tout autre représentation que celle de la géométrie élémentaire scolaire et elle s’est pour moi entièrement substituée à la première. Et je ne vous parlerai pas des divins et singuliers ultrafiltres. […] Si je m’y attarde un peu, le paysage glisse vers autre chose, vers un support de narration; il devient un paysage «carrollien», où une licorne vient boire dans les tasses avec une unique paille au-dessus de son unique corne. Elle en fausse la topologie, bien sûr. […] Tel est le scénario irrémédiablementfrivole,mathématiquementirresponsable,dontj’accompagneen penséel’idéedetopologie.[…]Onnecommandepasaisémentcequipeuple notre espace intérieur, et ses lointains.

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