Biologie des comportements

Biologie des comportements

La biologie comportementale est un domaine d’investigation qui demeure relativement récent comparé à la plupart des sciences qui ont pour objet l’Homme. S’y intéresser, par ailleurs, ne signifie pas que nous attendions de lui qu’il nous apporte des justifications biologiques aux comportements, qu’il nous serve à produire des « vérités scientifiques », des raisonnements mécaniques sur la façon dont les hommes sont amenés à agir et à réagir en situation sociale. Bien au contraire, car le biologique n’a pas le dernier mot sur l’expérience humaine. Néanmoins, pour mieux saisir la dimension « totale » de l’homme, que l’on peut regarder comme un « tout » biologique et social, pour mieux comprendre aussi, comment chez ce dernier, le culturel vient actualiser le naturel, il est selon nous indispensable de connaître, dans les grandes lignes, certains mécanismes biologiques qui président aux comportements. Les travaux du professeur Henri Laborit, sur lesquels nous allons nous appuyer, ont apporté une contribution majeure aux recherches sur les mécanismes du vivant. Inspirateur d’une pensée complexe, scientifique libre dans l’univers fragmenté des disciplines, l’ancien chirurgien, qui s’orientera par la suite vers la recherche fondamentale, se place au carrefour de 353 la biologie, de la psychologie et de la sociologie. La biologie des comportements l’a conduit à pénétrer dans le domaine des comportements humains en situation sociale, c’est-à-dire aux sciences humaines (psychologie, sociologie, économie et politique). En donnant une assise scientifique à des phénomènes jusqu’alors considérés le plus souvent comme étant du domaine de la psychologie, en déterminant en particulier quelles sont les aires du cerveau et les molécules qui entrent en jeu dans tel ou tel comportement, Laborit incite à une lecture anthropologique des phénomènes sociaux, en privilégiant l’étude des relations constantes qui existent entre individuel et collectif, entre biologique et sociologique. Mais avant de faire le pont entre le biologique et le social, de penser les imbrications entre nature et culture, il est sans doute préférable de commencer…par le commencement : s’évertuer à comprendre, au moins dans les grandes lignes, comment la machine humaine fonctionne, comment les mécanismes comportementaux, des formes primitives aux formes les plus complexes et élaborées, dépendent de l’organisation biologique de l’homme, et notamment de celle de son cerveau – système nerveux central – (au commandement de toute la mécanique humaine).

Le système nerveux, le cerveau… 

« Je pense que l’on a pas suffisamment insisté jusqu’ici sur cette idée simple que le système nerveux avait comme fonction fondamentale de nous permettre d’agir »2 Pour comprendre l’homme, sans doute faut-il commencer par comprendre son organisation, notamment au niveau neurologique. Les sciences humaines ne sont pourtant pas toujours promptes à prendre en compte divers niveaux d’organisation pour penser la réalité humaine Pourtant, comme le dit avec raison Mauss, la sociologie est une partie de cette partie de la biologie qu’est l’anthropologie. Or il semble utile, pour mieux saisir, dans toute ses composantes, l’homme social, de comprendre aussi l’homme biologique3 . A commencer par son cerveau, qui commande toute action, qui lui permet d’agir sur son environnement en fonction des informations qu’il en aura reçu. Les sciences humaines, qui étudient notamment les conduites, les représentations, les actions, les manières d’être, d’agir, de penser, etc. des individus, les relations et les interactions qui s’établissent entre eux, les rapports de force qui animent et structurent le monde social, etc., gagneraient peut-être à ne pas oublier que toute action proprement humaine est dépendante de l’activité du cerveau, qui commande aux comportements. Ce que l’on appelle le « comportement » des hommes représente la façon dont ils agissent dans l’espace où ils sont situés. Or dans cet espace il y a avant tout les autres hommes. Les relations, les rapports qui s’établissent entre eux se font grâce au fonctionnement de leur système nerveux. Sans ce formidable instrument, pas de rapports sociaux, pas d’actions, pas d’échanges, pas d’activité sociale…donc pas de vie. D’où l’intérêt, selon nous, de savoir comment il fonctionne, de connaître – au moins dans les grandes lignes – sa structure. Dans « La légende des comportements »4 , Laborit rappelle que la plupart des connaissances actuelles sur le système nerveux sont très récentes, du moins en ce qui concerne les niveaux d’organisation sous-anatomiques. La biochimie du système nerveux central en particulier date des années cinquante. On commence donc à peine à avoir une vision synthétique des différents niveaux d’organisation – moléculaire, métabolique, cellulaire et fonctionnel – des grandes aires ou voies nerveuses, en d’autres termes très peu d’années que l’on peut mettre en place les commandes des servomécanismes et comprendre les systèmes de régulation. Or cet ensemble dynamique débouche sur des comportements qui se réalisent dans un milieu donné. Au niveau de l’organisation de l’individu, le stimulus vient du milieu physique et socioculturel et la réponse consiste en une action sur ce milieu quand elle est possible. Mais la motivation – l’unique fin – est toujours la recherche de l’équilibre interne, autrement dit le maintien de la structure. En un mot, rester en vie…

« La seule raison d’être d’un être, c’est d’être » 

Cette formule redondante, que Laborit reprend dans la plupart de ses ouvrages5 , est là pour nous rappeler que nous ne vivons que pour maintenir notre structure biologique. Comme toute structure vivante, nous sommes programmés depuis l’œuf fécondé pour cette seule fin : survivre. Ainsi, l’aventure humaine, qui s’inscrit dans ce large cercle qu’est le vivant – biologie -, n’est guidée que par cette seule finalité. Sans cela, il n’y aurait pas d’être. On remarquera que les plantes, elles, peuvent se maintenir en vie sans se déplacer, puisqu’elles puisent leur nourriture directement dans le sol, à l’endroit où elles se trouvent. Grâce à l’énergie solaire, elles transforment cette matière inanimée qui est dans le sol en leur propre matière vivante. Mais dès que l’on entre dans le règne animal – puis, au fil de l’évolution, dans le règne humain -, la survie ne peut plus être assurée sans déplacement, sans action. Chez l’animal comme chez l’homme, le maintien de la structure ne passe plus par la consommation de cette énergie solaire déjà transformée par les plantes. Ils sont donc forcés d’agir à l’intérieur d’un espace. Or pour se déplacer dans un espace ou un milieu, il faut un système nerveux, qui va permettre d’agir sur l’environnement et dans l’environnement. Et ce toujours pour la même raison : assurer la survie. L’individu doté d’un système nerveux peut se déplacer dans le milieu, agir efficacement pour maintenir sa structure, en répondant d’abord à des besoins élémentaires (manger, boire, copuler) qui une fois satisfaits, garantiront l’équilibre biologique, le « bien être », l’homéostasie ou encore la constance des conditions de vie dans le milieu intérieur (qui est sans doute une des conditions nécessaires pour mener une vie libre et indépendante…). Lorsque l’action est efficace, que rien ne s’oppose à la satisfaction de ces besoins primaires, il en résulte une sensation de « plaisir », une sorte d’harmonie biologique au sein de l’organisme. Ainsi, une pulsion pousse les êtres vivants à maintenir leur équilibre biologique, leur structure vivante à se maintenir en vie, et cette pulsion va s’exprimer dans quatre comportements de base : – un comportement de consommation, c’est le plus simple et le plus instinctif. Il assouvit un besoin fondamental : boire, manger, copuler. – un comportement de lutte. – un comportement de fuite. – un comportement d’inhibition.

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