Caractéristiques phonétiques des voyelles tunisiennes

Caractéristiques phonétiques des voyelles tunisiennes

Objectifs

Etant donné que nos apprenants participant aux études qui seront présentées au chapitre 2, sont natifs de la ville de Sousse, nous proposons une étude acoustique des voyelles du parler de Sousse. En effet, en parcourant la littérature, nous n’avons pas trouvé d’étude qui présente une description acoustique précise des voyelles du dialecte de Sousse. Nous pensons par conséquent qu’il est fort utile de combler ce manque. De plus, en nous appuyant sur les affirmations de Barkat (2000) qui précise que les voyelles en tunisien sont fortement influencées par « la nature de l’environnement consonantique et la structure syllabique dans lesquelles [elles] apparaissent » nous souhaitons identifier la forme de base des phonèmes du parler de Sousse ainsi que les variantes phonétiques pour chacune des voyelles en fonction du contexte. Pour ce faire nous avons analysé les structures formantiques des voyelles brèves /a/, /i/, /u/ et de leurs correspondantes longues /a : i : u : / produites par dix locutrices tunisiennes adultes natives de la ville de Sousse.

Méthode 

A. Locuteurs Dix locutrices tunisiennes adultes âgées de 30 à 50 ans. Elles sont toutes originaires de la ville de Sousse. B. Procédure : a. Corpus : Le corpus est présenté oralement sous forme d’enregistrement de la production d’une locutrice native du dialecte tunisien, elle aussi originaire de la ville de Sousse. Les voyelles cibles /a, a:, i, i:, u, u:/ sont insérées dans deux phrases cadres : Phrase 1 : [f V1t nqul #/V/ # kima f V2 t] (f Vt je dis #/V/# comme f Vt) [f V:1t nqul #/V:/ # kima f V:2 t] (f V: t je dis #/V:/# comme f V: t) Phrase 2 : [qV3t nqul #/V/ # kima qV4 t] (q Vt je dis #/V/# comme qVt) [qV:3t nqul #/V:/ # kima qV:4 t] (q V: t je dis #/V:/# comme qV: t) Nous avons analysé les voyelles V1, V2, V3 et V4. Nous avons essayé de trouver des paires minimales qui permettent d’insérer les trois voyelles dans deux contextes opposés à savoir [- post] (fVt) vs. [+post] (qVt). Chaque phrase a été répétée deux fois. Le nombre total d’items par voyelle toutes locutrices confondues est égal à 40 items (2 items X 2 répétitions X 10 locutrices). 

Cadre expérimental 

Les locutrices écoutent puis répètent 2 fois chacune des phrases cadres. Nous avons choisi de présenter le corpus sous une forme orale pour éviter l’influence de l’écrit propre à l’arabe standard ce qui peut amener les locutrices à vouloir ajuster leurs productions. L’enregistrement a été effectué dans un endroit calme avec un micro-casque. La fréquence d’échantillonnage est de 44,1 kHz ,16 bits. c. Extraction des données : La mesure et l’analyse des voyelles ont été faites à l’aide du logiciel Praat (Boersma et Weenink, 2016). La segmentation des voyelles a été faite manuellement. En effet, le début et Perception et production des voyelles orales françaises par des enfants tunisiens néo-apprenants du français 61 la fin des voyelles ont été déterminés comme l’onset et l’offset du F2 de ces voyelles. Les mesures acoustiques des trois premiers formants ont été faites avec un script Praat. Les valeurs formantiques ont été prises au milieu de la voyelle, partie la plus stable. Les données sont par la suite vérifiées manuellement. 

Les voyelles brèves 

Nous avons effectué des Anovas à un seul facteur pour évaluer l’effet du contexte sur le timbre des voyelles brèves /i/, /u/ et /a/. Les résultats concernant la voyelle antérieure fermée /i/ s’avèrent significatifs avec une différence de timbre entre les segments en contexte [+post] et ceux en contexte [-post]. Cette différence nous l’enregistrons aussi bien sur l’axe F1 (F (1,33) =18,23 p<0,001) que sur l’axe F2 (F (1,33) = 13,11 p=0,001). La distribution de ces segments sur les axes F1/F2 (figure 17) témoigne d’ailleurs de ces différences qualitatives avec des valeurs F1 plus basses et F2 plus élevées pour les segments réalisés en contexte [-post].En revanche, les résultats pour la voyelle postérieure fermée /u/ sont non significatifs sur les axes F1 (F (1,22) =0,5 ; p=0.48), F2 (F (1,22) = 1,31 ; p=0.26) et F3 (F (1,22) = 0,39 ; p=0.5). Les différentes réalisations de /u/ ne présentent pas de différences de timbre significatives en fonction du contexte. La figure 18, illustrant la distribution des segments /u/ sur les axes F1/F2 montre que ces réalisations apparaissent comme ramassés en un seul endroit de l’espace F1/F2.En ce qui concerne la voyelle ouverte /a/, l’Anova à un seul facteur testant l’effet du contexte sur le timbre de cette voyelle enregistre des résultats significatifs sur les axes F1 (F (1,44) =15,6, p<0,001) et F2 (F (1,44) = 11,1 ; p=0,002). Nous notons particulièrement l’étendue de l’ellipse correspondant aux différentes réalisations de /a/ (figure 19) avec deux allophones contextuels qui se distinguent plus ou moins bien : d’une part, des réalisations [+ant] avec des valeurs moyennes de F1 vers les 555 Hz et de F2 vers les 1617 Hz et d’autre part, des réalisations [+post] avec des valeurs moyennes de F1 vers 630 Hz et de F2 vers 1430 Hz.

Les voyelles longues

Pour les segments longs, nous avons effectué deux analyses. Une première Anova à un seul facteur « contexte » pour vérifier l’effet du contexte sur le timbre des voyelles. Une deuxième Anova à un seul facteur « quantité » (brève vs. longue) afin de vérifier s’il existe une différence qualitative entre les segments brefs et les segments longs indépendamment du contexte. Considérons d’abord la distribution dans l’espace acoustique F1/F2 de la voyelle /i:/ en contexte [-post] et en contexte [+post] représentée ci-après sur la figure 20. Nous remarquons que cette voyelle avec ces occurrences multiples occupe un espace acoustique bien défini. La variation qualitative entre les timbres réalisés en contexte [+post] et ceux réalisés en contexte a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a 2600 2400 2200 2000 1800 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 400 600 800 F1 (Hz) F2 (Hz) a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a a 2600 2400 2200 2000 1800 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 400 600 800 F1 (Hz) F2 (Hz) Perception et production des voyelles orales françaises par des enfants tunisiens néo-apprenants du français 64 [-post] s’avèrent non significatives tant sur F1 (F (1,44) = 0,8 ; p= 0.37) que sur F2 (F (1,44) =0,48 ; p=0.5).

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