Causes et circonstances des délits

Causes et circonstances des délits

Dans ce poème où il parlait des étudiants, Rutebeuf, ne se montrait guère tendre avec les jeunes gens qui fréquentaient l’université de Paris et qu’il connaissait bien. Ils aimaient s’amuser, faire la fête et boire beaucoup, du vin le plus souvent. Mais de là à dire qu’ils étaient ivres, cela nous paraît difficile à imaginer. Certes, la taverne était très présente dans les quartiers où ils résidaient et constituait un de leurs lieux de prédilection favoris, nous l’avons évoqué dans le temps des loisirs. Lieu de rencontres, lieu où ils jouaient, elle était aussi et avant tout le centre où se distribuait le vin.  Plusieurs historiens en ont déduit que cette boisson pouvait rendre ivre ceux qui en buvaient à l’excès et ont fait de la beuverie une des causes de la délinquance. Si les vers de Rutebeuf viennent conforter cette hypothèse, il nous semble cependant que sa crédibilité peut être mise en cause. Nous savons d’une part que la teneur en alcool du vin était faible – beaucoup plus en tout cas qu’aujourd’hui – et d’autre part que dès leur plus jeune âge, les enfants étaient habitués à en absorber du fait que l’eau était polluée et donc impropre à la consommation. Il aurait donc fallu en ingurgiter en très grande quantité pour être saoul, ce qui semble incompatible avec le temps passé le soir à la taverne qui ne semble guère excéder, la plupart du temps deux ou trois heures. Et même si, effectivement, beaucoup de rixes se déclenchèrent à l’intérieur ou la sortie de ces établissements, il faut peut-être chercher ailleurs que dans l’excès de boisson, les causes de la délinquance étudiante.

Cette délinquance pouvait, comme cela a été montré précédemment, revêtir les formes les plus variées. Nous pouvons cependant les classer – un peu brutalement – en deux catégories bien distinctes : Celles dues aux « hasards » de la vie ou plutôt à des circonstances fortuites Les bagarres, qui tournèrent dramatiquement pour certains, et qui constituent la majeure partie des fautes ayant fait l’objet d’une rémission par la chancellerie royale, représentent l’exemple type du premier cas. Nous pourrions également y rattacher les vols provoqués par les nécessités de survivre à un moment difficile de l’existence. Dans la seconde liste, celle des assassins, des violeurs, des robeurs, nous retrouvons les crimes que la société médiévale n’acceptait pas et que, par l’intermédiaire de son bras judiciaire, elle réprimait avec sévérité. Pour ce qui est des causes des différents cas de la délinquance des universitaires médiévaux, elles furent extrêmement diverses et il n’est guère envisageable de toutes les identifier. Certaines cependant se retrouvèrent de façon récurrente tout au long des trois siècles que recouvre notre période. Nous les avons déjà toutes décrites mais il nous semble utile, à ce stade de notre réflexion, d’en faire un résumé.

La solidarité corporative ou familiale fut un de ces motifs, mais ni plus ni moins que pour les autres couches de la population, de même que la valeur commune à tous qu’était le sens de l’honneur, et engendrant sa résultante naturelle qu’était alors la nécessité de laver tout affront. Nous l’avons vu, les homicides ayant pour cause la vengeance, furent nombreux. Des difficultés ponctuelles conduisirent certains, surtout à partir du XIVe siècle, à dérober de la nourritures, des vêtements, ou à fabriquer un peu de fausse monnaie pour survivre. Mais là encore nous n’avons trouvé aucune particularité, bien au contraire, par rapport au reste d’une population moins privilégiée et par conséquent moins protégée contre les aléas de l’existence, que les universitaires. L’appétit sexuel de ceux qui n’avaient pas de possibilités « légales » d’assouvir leurs besoins et dont nous avons déjà longuement parlé, fut un autre facteur de dérives. Il est cependant difficile d’estimer si les étudiants médiévaux furent plus concernés par des affaires de viols que leurs contemporains puisque ce type de délit était souvent tu en raison du déshonneur qu’il engendrait sur la victime et sur sa famille. Le faux et l’usage de faux, particulièrement dans le domaine de l’écriture, fut pratiqué par les étudiants, sans doute plus d’ailleurs que ne le disent les sources tant, là aussi, il n’était pas toujours facile à prouver. Pour s’y livrer, il fallait être instruit, avoir accès à la lecture et à l’écriture, ce qui n’était pas donné à tout le monde et qui fait que, paradoxalement, l’érudition fut l’une des causes de cette forme de délinquance de même pour ce qui est des abus de privilèges dont usèrent certains et qui ne leur étaient possible que parce qu’ils connaissaient la loi et qu’ils pouvaient ainsi en tirer profit.

 

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