Comparaison des matériaux hydrophiles

Élimination de l’eau in-situ

L’élimination sélective d’un composé d’un milieu réactionnel au fur et à mesure qu’il soit produit (in-situ) nécessite le couplage des systèmes réactionnels avec des formes de séparation in-situ. Ces configurations hybrides, basées sur le principe de Le Châtelier, permettent [11; 14]:
– L’amélioration de la sélectivité du produit ;
– L’établissement d’un meilleur état d’équilibre;
– La diminution de la température de réaction ;
– La diminution des opérations de purification et les coûts des procédés.
Généralement, les procédés de séparation in-situ sont soit des techniques membranaires ou des procédés d’adsorption.

Séparation par membrane

Les membranes constituent des barrières sélectives pour certaines molécules. Ceci permet l’élimination exclusive d’un produit indésirable ou la séparation des composés présents dans le même milieu réactionnel. Les avantages des systèmes de séparation par membranes ont été démontrés à travers un grand nombre d’études[11] concernant, entre autres, la synthèse Fischer-Tropsch, la déshydrogénation de l’éthane, du cyclohexane et de l’éthylbenzène, l’hydrogénation de l’acétylène, la production du monoxyde de carbone par la réaction RWGS, le reformage à la vapeur du méthane et la réaction de synthèse de diméthyléther.
Différents problèmes techniques peuvent accompagner l’utilisation des membranes comme le colmatage, la stabilité thermique et mécanique et la dilution causée par les gaz de balayage.

Séparation par les adsorbants

Les systèmes combinant les réactions chimiques avec l’adsorption in-situ consistent en l’utilisation d’un adsorbant sélectif directement mélangé avec le(s) catalyseur(s). Ce procédé est nommé « Sorption-Enhanced Reaction Process » (SERP). Il présente l’inconvénient de la discontinuité car il faut régénérer l’adsorbant quand il atteint sa capacité limite d’adsorption.[11] Très peu d’études se sont intéressées à l’application de ce procédé à l’élimination in-situ de l’eau, la plupart étant dirigées vers l’adsorption sélective du CO2 pour la production de l’hydrogène par reformage à la vapeur (par ex., à partir du méthane ou du glycérol).[15-17] Parmi les études qui ont appliqué le procédé SERP à l’adsorption de l’eau, Carvill et al.[14] ont étudié la production du monoxyde de carbone par la RWGS en utilisant comme adsorbant la zéolithe 4A et ont démontré que cela permet d’avoir une conversion du CO2 de 36% à 250 °C qui ne pouvait être atteint qu’à 565 °C. Dans ce cas, le procédé SERP permet d’avoir le même taux de conversion à une température beaucoup plus basse. Bayat et al.[18] ont investigué la synthèse FT avec l’élimination de l’eau in-situ par la zéolithe 4A en vue d’augmenter le taux de conversion. Leur modélisation démontre qu’en éliminant l’eau, le rendement en hydrocarbures augmente de 6 à 9% et le taux du CO2 diminue de 40 à 20%. Le rendement en eau diminue aussi de 23% à moins de 1%. Ils concluent que le procédé SERP est une idée intéressante pour une application dans la synthèse des hydrocarbures par le Procédé FT. Iliuta et al.[11] ont étudié par simulation la production du DME dans un réacteur à lit fixe avec et sans élimination de l’eau in-situ par adsorption par la zéolithe 4A. Les résultats obtenus démontrent que l’élimination de l’eau par adsorption permet de déplacer la RWGS et ainsi améliorer la conversion du CO2 en méthanol et améliorer la productivité et la sélectivité du DME. Les maximums de l’amélioration de la conversion du CO2 (300%) et de la sélectivité en DME (20,6%) ont été observés à un ratio de H2/COx = 1. Les maximums de l’amélioration du rendement en méthanol (240%) et en DME (310%) ont été observés à un ratio de H2/COx = 2. Ces résultats démontrent que l’utilisation potentielle du CO2 au lieu du CO pour la synthèse du DME peut être intéressante industriellement en éliminant l’eau in-situ par adsorption.
Plusieurs éléments sont à prendre en considération pour le choix de l’adsorbant. L’adsorption de l’eau, qui est un processus physique, est favorisée à basses températures. Par contre, les réactions mentionnées auparavant pour l’hydrogénation catalytique du CO2 se produisent toutes à des températures autour de 250 °C. L’adsorbant doit alors avoir une bonne capacité d’adsorption et une bonne sélectivité à cette température. La cinétique d’adsorption est aussi un paramètre très important parce que l’eau doit être adsorbée aussi rapidement qu’elle est produite. La stabilité structurale des adsorbants pendant les étapes d’adsorption/désorption et leur capacité d’adsorption cyclique doivent également être considérées.
Le présent travail concerne l’investigation des différents adsorbants de l’eau en vue de l’application du procédé SERP pour l’hydrogénation catalytique du CO2.

Matériaux hydrophiles

Définition

Figure 1.1. Classification des isothermes d’adsorption d’eau selon l’IUPAC[19]
Le caractère hydrophile est quantitativement et qualitativement classé selon l’IUPAC sur la base du type de l’isotherme d’adsorption (Figure 1.1). Il existe sept types d’isothermes :
– L’isotherme de type I :
Caractérise un matériau à haute capacité d’adsorption d’eau et une saturation très rapide même à une basse pression partielle. Ce matériau est considéré avoir une grande affinité pour l’eau même à faibles pressions partielles.
– Les isothermes de type II, IV et VI:
Les matériaux présentent une forte adsorption d’eau à une pression partielle basse à modérée. Les matériaux ayant l’isotherme de type VI sont considérés hydrophiles et présente une adsorption par étapes.
– Les isothermes de types III et V :
Caractérisent des matériaux hydrophobes ou faiblement hydrophiles à une pression partielle basse à modérée et une adsorption soudainement élevée de l’eau aux pressions partielles élevées.
– L’isotherme de type VII :
Est attribuée aux adsorbants fortement hydrophobes. Ces matériaux possèdent une faible adsorption d’eau pour toutes pressions partielles.

Critères de sélection

Le matériau choisit doit obéir à certains critères afin de répondre aux attentes. Les critères les plus importants sont :
– Température
La température d’opération est aux alentours de 250 °C. À cette température, le matériau doit pouvoir adsorber l’eau produite dans le milieu réactionnel.
– Vitesse d’adsorption
L’eau doit être éliminée aussi vite qu’elle est produite. L’adsorption doit être caractérisée par un isotherme de type I. Une adsorption lente peut diminuer le taux de conversion.
– Sélectivité
Le matériau doit montrer une affinité seulement pour l’eau afin de déplacer l’équilibre dans le sens voulu. Une adsorption compétitive entre l’eau et d’autres composés présents dans le milieu réactionnel diminuerait l’efficacité du procédé SERP qui se base sur l’élimination exclusive de l’eau.
– Capacité cyclique d’adsorption/désorption
Dans le procédé SERP, l’adsorbant est mélangé avec le catalyseur. L’une des contraintes de cette approche est la nécessité de l’adsorbant à être régénéré plusieurs fois et de revenir à son état initial après régénération. Une stabilité importante pendant plusieurs cycles d’adsorption/désorption est donc requise pour éviter l’augmentation des coûts (perte de catalyseur et d’adsorbant).
– Neutralité
Le matériau est utilisé seulement à des fins d’adsorption. Il ne doit pas être doté d’une capacité catalytique et de sites actifs, sinon l’eau produite ne sera pas adsorbée.
– Coût et disponibilité
Le coût du matériau ne doit pas être élevé et il doit être facilement trouvable pour les besoins d’approvisionnement.

Comparaison des matériaux hydrophiles

Beaucoup de matériaux ont été utilisés pour l’adsorption de l’eau. Cependant le choix du matériau dépend de l’application ou du procédé dans lequel il sera utilisé. La discussion des caractéristiques des matériaux les plus utilisés sera présentée dans ce qui suit.
Sels hygroscopiques et hydroxydes alcalins
Les sels hygroscopiques comme LiBr, CaCl2, Ca(NO3)2, MgSO4 et MgCl2 sont utilisés pour contrôler l’humidité par adsorption. LiBr, CaCl2 et MgSO4 ont une capacité d’adsorption qui dépasse 0,9 g/g même à une faible humidité relative de 30 %.[20] Le problème souvent rencontré avec ces sels est la dissolution dans des conditions très humides et la tendance à l’agglomération ce qui limite généralement leur utilisation.[19] Ils sont aussi instables et se décomposent à hautes températures comme pour le MgCl2 qui libère du HCl au-delà de 190 °C[21]. Le Ca(NO3)2 se décompose et produit de l’oxygène et des nitrites cancérigènes à 132 °C[22] alors que le CaCl2 ne doit pas être régénéré à des températures supérieures à 50 °C.[23]
Les hydroxydes alcalins comme le NaOH, KOH et CsOH ont été utilisés comme alternatifs aux sels hygroscopiques mais leur application montre beaucoup de limites parce qu’ils sont partiellement ou totalement solubles s’ils sont exposés à une humidité élevée, posant aussi des problèmes de corrosion surtout à hautes températures.[19]
Charbon actif
Le charbon actif (CA) est largement utilisé comme adsorbant grâce à sa grande porosité et sa grande surface spécifique (300–4000 m2/g).[22] L’eau est adsorbée en créant des liaisons hydrogènes avec la surface du CA et la quantité d’eau adsorbée dépend en grande partie du nombre de groupes fonctionnels oxygénés à la surface. Toutefois, une partie des groupes fonctionnels est décomposée à hautes températures, ce qui réduit le caractère hydrophile du charbon actif.[22] L’isotherme d’adsorption de l’eau sur le CA est de type V ce qui fait que le CA a une bonne capacité d’adsorption de l’eau à hautes pressions partielles (ex. 0,38 à 0,67 g/g à 30 °C).[24] L’imprégnation du CA avec les sels hygroscopiques améliore sa capacité d’adsorption de l’eau surtout à basses pressions partielles d’eau. Spiridon et al.[25] ont remarqué que l’augmentation du taux de CaCl2 dans le matériau composite CA/CaCl2 augmente la capacité d’adsorption : avec 15% de CaCl2, la capacité d’adsorption de l’eau est de 0,15 g/g alors qu’avec 30% de CaCl2, elle est de 0,20 g/g. À basses pressions partielles d’eau de 0,1 à 0,3 kPa et à 25 °C, le CaCl2 augmente la capacité d’adsorption de l’eau du CA de 0,04 à 0,52 g/g lorsqu’il est ajouté à 70 %.[26] Le CA traité par Na2SiO3 (10 %) et imprégné avec CaCl2 (43 %) a une capacité d’adsorption de l’eau à 0,85 g/g à 25 °C et à une humidité relative de 80%.[27]
En général la température de régénération du CA est de 110 °C. Dans le cas de ces composés, elle peut aller jusqu’à 150 °C comme pour le cas du CA/CaCl2 pour lequel l’eau commence à se désorber à partir de 100 °C et à 200 °C l’eau est totalement désorbée et la matrice du CA commence à s’oxyder.[22] Pour le cas de CA/CaCl2/ Na2SiO3, la température de régénération doit être inférieure à 100 °C (à 55 °C, 80 % de l’eau est désorbée).
Gel de silice
Le gel de silice est l’un des adsorbants pour l’eau les plus étudiés grâce à son caractère hydrophile et sa grande affinité à l’eau même aux faibles humidités. Les molécules d’eau sont adsorbées sur la surface de la silice par la formation des liaisons hydrogènes avec les groupes silanol Si-OH.[19] La capacité d’adsorption de l’eau du gel de silice est de 0,4 à 0,45 g/g à 25 °C à haute pression partielle de l’eau. Par contre, les températures de régénération du gel de silice restent relativement basses pour un maximum de 150 °C.[19] Lorsque la température dépasse 200 °C, les groupes silanol se détachent de la surface de la silice.[22]
L’imprégnation des gels de silice par les sels hygroscopiques est un moyen simple et efficace pour améliorer leur capacité d’adsorption de l’eau. Le gel de silice/CaCl2 peut atteindre une capacité d’adsorption de l’eau de 1,06 g/g à 30 °C mais cette capacité diminue à 0,23 g/g à 70 °C.[28] Le gel de silice/LiBr peut avoir une capacité d’adsorption de l’eau de 0,80 g/g à 25 °C.[19] Le gel de silice/LiCl, à une humidité relative de 80% et à 30 °C, a une capacité d’adsorption de l’eau de 0,70 g/g.[22] Par contre, l’imprégnation diminue leurs températures de régénération comme pour le cas des gels de silice imprégnés par le CaCl2 pour lesquels la température de régénération diminue jusqu’à 90 °C, pouvant même descendre jusqu’à 75 °C pour la silice modifiée par le nitrate de calcium.[24]
Argile
Les argiles sont des minéraux composés par des silicates et des aluminosilicates. Les argiles sont constituées par des couches parallèles formées par des tétraèdres de silicate (SiO4) et des octaèdres d’aluminate (AlO6). La charge négative distribuée sur les oxygènes de la structure est neutralisée par des cations qui s’insèrent entre les couches. Pendant l’adsorption de l’eau et des solvants polaires, l’argile gonfle jusqu’au point où il n’y a plus d’interaction entres les couches.[19] Après la déshydratation à 120 °C, les argiles sont restaurées dans leur état original. Toutefois, la déshydratation à des températures élevées peut provoquer l’effondrement irréversible de la structure et la perte de leur capacité d’adsorption.[19] Ainsi, ces matériaux sont moins attirants dans les applications d’adsorption d’eau. Ils sont plus appropriés pour une étape d’adsorption unique tel que dans le domaine cosmétique.[19]
Polymères adsorbants
Un polymère est un matériau composé par une répétition de plusieurs monomères qui peuvent être de la même nature ou de nature différente. Ils peuvent être naturels ou issus de la synthèse chimique. Ils ont été largement étudiés comme adsorbants pour l’eau grâce à leur capacité d’adsorber jusqu’à 80% de leur poids et grâce à leur flexibilité à être modifié pour atteindre les isothermes d’adsorption désirés selon l’application demandée.[24] Parmi eux, on trouve les MOFs (Metal-organic frameworks ou Matériaux à réseaux métallo-organiques) et les polyélectrolytes.
Les MOFs sont des polymères de coordination poreux constitués d’ions métalliques liés par des ligands organiques. L’architecture de ces matériaux offre une grande surface spécifique, un grand volume des pores et une grande variabilité de propriétés physico-chimiques du fait de leur composition facilement modifiable.[24] Les MOFs de type MIL sont les plus étudiés pour l’adsorption de l’eau. Leur capacité d’adsorption peut atteindre 1,43 g/g à 25 °C et à haute pression partielle de l’eau mais l’adsorption commence à partir d’une humidité relative supérieur à 35% ce qui limite leur utilisation à faibles humidités.[29] En plus, cette grande capacité diminue considérablement en augmentant la température. Dans le cas du MIL-101(Cr) et du MIL-100(Fe), la capacité d’adsorption de l’eau a diminué de 1,50 g/g et 0,84 g/g respectivement à moins de 0,2 g/g en augmentant la température de 30 °C à 60 °C.[30] Les températures de régénération maximales restent tout de mêmes relativement basses et un maximum de 140 °C a été reporté.[24] Plusieurs MOFs sont disponibles dans le commerce et ils ont montré une grande dégradation après plusieurs dizaines de cycles d’adsorption-désorption.[22]
Les polyélectrolytes représentent une autre classe de polymères dont la majorité des unités sont des groupes ionisables ou ioniques. Les polyélectrolytes ont une bonne capacité d’adsorption de l’eau à haute pressions partielles qui peut atteindre 0,80 g/g à 22 °C pour le type PASS[31] et 1,05 g/g à 30 °C pour le type SDP.[32] Ils sont caractérisés par une bonne régénération cyclique et sont facilement régénérables mais à basses températures uniquement, ce qui limite leur utilisation à des températures relativement élevées.

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