Comparaison des propriétés spatiales et temporelles

Comparaison des propriétés spatiales et temporelles

On confronte ici les prédictions issues du modèle de couplage vent / couvert avec les résultats expérimentaux obtenus sur les propriétés des ondes formées par le mouvement des plantes sous le vent. Pour cela, on compare les valeurs de longueur d’onde, de fréquence et de vitesse de phase caractérisant l’instabilité couplée du modèle avec les valeurs expérimentales correspondantes issues de l’analyse BOD du mouvement des cultures de blé et de luzerne. Pour le modèle, la longueur d’onde caractéristique est dérivée du nombre d’onde le plus amplifié, kmax, et la fréquence de la pulsation associée ωmax r , tous deux calculés à l’aide de la relation de dispersion (3.14), en prenant soin de revenir à des quantités dimensionnelles. La vitesse de phase correspond, elle, au rapport ωmax r /kmax. Pour plus de clarté, on utilise dans le modèle uniquement les paramètres de la luzerne pour comparer les résultats expérimentaux des deux couverts. On fait varier dans le calcul la valeur de la vitesse réduite Ur = U/f0h. La Figure 4.1 montre la superposition des valeurs expérimentales et théoriques de la longueur d’onde λ, de la fréquence f et de la vitesse de phase c, avec normalisation par h et f0, en fonction de la vitesse réduite Ur. On obtient un bon accord qualitatif et quantitatif entre les données expérimentales et les prédictions du modèle. Le modèle permet de recouvrer, pour l’intervalle de vitesses réduites couvert par les expériences, les évolutions discutées en section 2.5 : la longueur d’onde caractéristique de l’instabilité couplée est proportionnelle à la hauteur du couvert (ou à l’épaisseur de vorticité du profil), et augmente linéairement avec la vitesse réduite Ur ; la fréquence est égale à la fréquence propre des plantes formant le couvert et est indépendante de Ur ; enfin, la vitesse de phase normalisée augmente linéairement avec la vitesse réduite avec une pente approximativement égale à 1. Les points expérimentaux sont pratiquement tous situés dans un intervalle de la vitesse réduite Ur o`u le modèle prédit un accrochage de la fréquence de l’instabilité sur la fréquence propre des plantes, voir Figure 4.1. Le mécanisme d’accrochage, révélé par l’analyse de stabilité temporelle du modèle couplé, permet donc d’expliquer pourquoi l’ondulation cohérente des cultures se produit à la fréquence propre des plantes, indépendamment de la dynamique du vent, comme montré par les expériences. En effet, les structures tourbillonaires du vent et le mouvement cohérent des plantes résultent bien d’un mécanisme d’instabilité de type Kelvin-Helmholtz lié à l’inflection du profil de vent, comme montré par Raupach et al. (1996) et confirmé par l’analyse du modèle couplé, section 3.3. Ce mécanisme sélectionne en principe une longueur d’onde fixée par l’épaisseur de vorticité du profil, et donc indépendante de la vitesse moyenne du vent U, et une fréquence temporelle augmentant avec U, voir les courbes correspondant au modèle découplé Figure 4.1. Dans l’intervalle des vitesses de vent mesurées lors des expériences, la fréquence naturelle de Kelvin-Helmholtz est proche de la fréquence propre f0 des plantes : la fréquence de l’instabilité vient donc s’accrocher sur f0, par le mécanisme d’accrochage décrit sections 3.4 et 3.5. Par conséquence de l’accrochage, la fréquence de l’instablité régissant la dynamique du vent et le mouvement cohérent du couvert est constante par rapport à U, et la longueur d’onde augmente avec U, tous deux étant fixés par la rigidité du couvert végétal. Le mécanisme d’accrochage a en revanche peut d’effet sur la vitesse de phase des ondes, qui est globalement proportionnelle à la vitesse réduite que l’on se trouve ou non dans l’intervalle d’accrochage (Figure 4.1). 

Conséquences

L’accrochage en fréquence de l’instabilité de Kelvin-Helmholtz sur la fréquence propre du couvert végétal permet de comprendre les propriétés des ondes formées par le mouvement des plantes sous le vent, montrées expérimentalement, et que l’analogie de couche de mélange de Raupach et al. (1996) ne suffisait pas à expliquer. L’accrochage en fréquence offre également une explication probable aux résultats expérimentaux de Finnigan (1979) montrant la fréquence dominante du vent au-dessus d’un champ de blé égale à la fréquence propre des tiges de blé. Nous avons également montré, dans l’analyse de stablité du modèle couplé, section 3.4, que le mécanisme d’accrochage faisait augmenter le taux de croissance de l’instabilité et renfor¸cait sa sélectivité en terme de nombre d’onde. Quand il yaaccrochage sur la fréquence propre des plantes, l’instabilité couplée est donc plus intense et plus efficace à sélectionner dans la turbulence environnante une longueur d’onde et une fréquence spécifiques. Cette intensification de l’instabilité de couche de mélange modifiée par l’accrochage en fréquence permet vraisemblablement d’expliquer comment cette instabilité est capable de se développer au sein des couverts végétaux de manière si frappante. Rappelons en effet que les instabilités de couche de mélange sont extrêment sensibles au bruit (Huerre, 2000). Même dans les expériences controllées en laboratoire, l’observation des rouleaux de Kelvin-Helmholtz nécéssite souvent de forcer l’écoulement à la fréquence naturelle de Kelvin-Helmholtz. Des questions étaient donc soulevées sur le moyen par lequel une instabilité de ce type pouvait se développer et persister dans le vent audessus des couverts végétaux (Finnigan, 2004). Le fait que l’oscillation des plantes joue sur l’intensité et la sélectivité du mécanisme de couche de mélange, par le phénomène d’accrochage, contribue certainement à expliquer le développement de cette instabilité au sein des couverts végétaux. 4.3 Amplitudes Dans les expériences, l’amplitude du mouvement du couvert végétal a été mesurée en fonction de la vitesse du vent, cf Figure 2.12. Le modèle, en revanche, ne peut fournir l’amplitude des modes instables puisqu’il est linéaire. Cependant, on peut supposer que le taux de croissance de l’instabilité a une certaine influence sur l’amplitude résultante. Nous utilisons donc ici, pour normaliser les résultats expérimentaux de l’amplitude du mouvement, le taux de croissance ωmax i calculé à l’aide du modèle couplé, pour les paramètres respectifs des deux couverts végétaux et la vitesse de vent considérée. Les données ainsi normalisées, A/ωmax i h en fonction de la vitesse réduite Ur sont tracées sur la Figure 4.2. Cette normalisation permet globalement de regrouper les données des deux couverts végétaux selon une même évolution, voir la Figure 4.2 en comparaison avec les résultats dimensionnels sur la Figure 2.12. La valeur du taux de croissance (pour Ur donné) étant assez proche pour les deux couverts végétaux, la fréquence propre f0 est le seul paramètre intervenant dans la normalisation dont la valeur diffère significativement entre le blé et la luzerne (Tableau 2.1). Par conséquent, le regroupement des deux ensembles de points sur la Fig. 4.2 montre le rˆole joué par la rigidité des plantes sur la différence d’intensité de mouvement en réponse au vent : le blé est plus rigide que la luzerne, il bouge donc moins pour un même niveau de vent. Le décalage apparent de quelques points expérimentaux du blé, Figure 4.2, peut résulter de la sous-estimation de f0 sur l’échantillon de plantes de blé testées, liée à la dispersion naturelle des propriétés des plantes dans une même culture, comme cela a déjà été discuté en section 2.4.2. Ce décalage peut bien sûr également être lié à l’emploi d’un modèle linéaire pour normaliser l’intensité du mouvement, via le taux de croissance. 

Conclusions et Perspectives

Cette thèse a porté sur l’analyse de l’interaction entre les fluctuations dominantes du vent et la dynamique des couverts végétaux induite par vent. On sait, depuis les travaux de Raupach et al. (1996), que les structures cohérentes du vent au-dessus des couverts végétaux résultent principalement d’un mécanisme d’instabilité de type couche de mélange, lié à l’inflexion du profil de vitesse moyen au sommet des plantes. Ces structures propagatives sont supposées être à l’origine de l’ondulation si frappante des cultures sous le vent. Cependant, les mouvements d’ensemble des couverts végétaux dûs au vent n’avaient jamais été précisément étudiés, malgré des applications importantes en agronomie. Dans le Chapitre 2 de cette thèse, une technique expérimentale novatrice a été développée pour permettre la mesure, en condition naturelle, des mouvements globaux des cultures sous le vent. Cette technique de mesure, non intrusive, se base sur le principe de corrélations entre images et implique des algorithmes de PIV (Particle Image Velocimetry). Pour chaque séquence de mouvement filmée sur site, on dérive le champ de vitesse spatio-temporel de la surface du couvert végétal. Puis, une décomposition bi-orthogonale (BOD) du champ de vitesse permet d’identifier les structures cohérentes du mouvement du couvert. Une soixantaine de champs de vitesse spatio-temporels on été obtenus par cette technique, pour des mouvements filmés sur des champs de blé et de luzerne sous diverses conditions de vent, et une trentaine d’entre eux ont ensuite été analysés par BOD. Les propriétés spatiales et temporelles des ondes formées par le mouvement du couvert sont obtenues pour divers niveaux de vent. Les résultats expérimentaux révèlent que les caractéristiques de ces ondes ne peuvent être entièrement expliquées par l’analogie de couche de mélange, généralement utilisée pour décrire la dynamique du vent au-dessus des couverts végétaux. On montre en particulier que la rigidité des plantes, également mesurée, joue un rˆole important dans la sélection de la fréquence et de la longueur d’onde des mouvements cohérents du couvert. 

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