Comportement viscoplastique des alliages austénitiques pendant la recristallisation sous faibles contraintes

Comportement viscoplastique des alliages austénitiques pendant la recristallisation sous faibles contraintes

Mise en évidence et interprétation actuelle du phénomène

Le phénomène RIP n’est pas nouveau et la littérature montre que, sous certaines conditions, le RIP est observable sur de nombreux métaux, tels que le plomb, le nickel, l’or, certains aciers et l’aluminium. Les premières mises en évidence publiées remontent aux années 50 et 60 [Gifkins, 1958, Hardwick et al., 1961, Richardson et al., 1966]. A cette époque, ce phénomène a été identifié lors d’essais de fluage. Il s’exprime par une accélération de la déformation viscoplastique pendant le fluage en régime stationnaire sur un matériau recuit (partiellement ou complètement). A partir de l’étude du comportement macroscopique et d’observations microstructurales, il est prouvé que cette accélération de la déformation est associée à la recristallisation. L’interprétation la plus représentative est celle donnée par Gifkins [Gifkins, 1958], qui en conclut que le comportement viscoplastique des grains recristallisés dans le domaine transitoire joue un rôle important, cependant aucun modèle n’est présenté. Plus récemment, plusieurs études abordent ce sujet à nouveau parce que le phénomène RIP est incontournable lors du chauffage sous charge des matériaux écrouis [Yin et Zhou, 1990, Han et al., 2005, Estrin, 2006, Hutchinson et al., 2010, Vu et Pineau, 2010, Huang et al., 2012]. La déformation (visco)plastique produite par la recristallisation statique est, pour la première fois, officiellement nommée « Recrystallisation-Induced Plasticity (RIP) » dans l’étude de Yin [Yin et Zhou, 1990]. Pour la plupart des auteurs, l’écoulement par diffusion de matière est considéré comme la principale cause du phénomène RIP. Certaines études expérimentales représentatives et leurs interprétations sont explorées en détail dans les paragraphes suivants.

Observations expérimentales

L’étude de Gifkins [Gifkins, 1958] a porté sur le plomb pur, qui a été déformé par extrusion à la température ambiante puis recuit partiellement à différents niveaux sur différentes durées à 100°C. Juste après, des essais de fluage sont effectués, toujours à 100°C, sous une contrainte nominale de 2,7 MPa. A cause de la différence d’énergie emmagasinée après ces recuits partiels avant les essais de fluage, la recristallisation a dû être déclenchée à des moments différents lors des essais de fluage. Comme le montre la Figure II.1 (a), les courbes de fluage sont similaires au début des essais même si les niveaux de recuit ne sont pas identiques. Ensuite, l’accélération de la déformation apparaît après l’établissement du régime stationnaire de fluage ; le démarrage de l’accélération diffère de l’un à l’autre selon le temps de pré-recuit. On peut constater que plus le temps de pré-recuit est long, plus l’accélération démarre tard. En fait, à cause de l’énergie emmagasinée plus faible après un long pré-recuit, l’incubation de la recristallisation doit être plus longue. Ceci confirme que l’accélération de la déformation pourrait être liée à la recristallisation pour ces conditions. Par ailleurs, les données expérimentales montrent également que les pré-recuits à différents niveaux modifient faiblement le comportement en fluage dans le régime transitoire. Afin de comprendre cette déformation accélérée, d’autres essais comparatifs ont été conçus et réalisés dans cette même étude. La Figure II.1 (b) représente un essai de fluage (courbe ABCD) suivi par un autre essai de fluage (FGH) sur une même éprouvette, sous la même sollicitation mais dans deux états différents. Dans le premier essai de fluage, une éprouvette avec un état partiellement recuit présente un régime de fluage transitoire (AB), ensuite un régime stationnaire (BC) suivi par l’accélération de la déformation (CD). La courbe CE est l’extrapolation de la courbe BC et l’écart (DE) entre les courbes CD et CE est associé à l’effet de la recristallisation. Lorsque la déformation a atteint le point D, l’éprouvette a été déchargée et complètement recuite sans charge à 100°C pendant 6 heures. Après cela, un deuxième essai de fluage a été effectué sur cette éprouvette et la réponse macroscopique consiste en un comportement de fluage transitoire (FGH). En comparant le niveau de la déformation DE avec celui de FGH, l’auteur remarque que la déformation supplémentaire produite pendant la recristallisation (DE) possède un ordre de grandeur similaire à celui du fluage transitoire observé sur l’état complètement recuit (FGH). De ce fait, l’auteur conclut que les grains recristallisés induisent un régime de fluage transitoire, qui est la principale cause de l’accélération de la déformation. De plus, à partir de ces résultats, on peut remarquer sur la Figure II.1 (b) que la vitesse de déformation moyenne dans la phase d’accélération est supérieure d’environ 7 fois par rapport à celle de fluage secondaire.

Interprétation actuelle du phénomène RIP

Parmi les études ci-dessus, certaines interprétations ont été données en s’appuyant sur l’étude du comportement macroscopique ainsi que des caractéristiques microstructurales qui lui sont associées. Dans l’étude réalisée sur le plomb avec une taille de grains élevée de l’ordre de 5 mm [Gifkins, 1958], les observations menées par microscopie optique montrent très peu de germes et une rapide croissance des grains. Cette durée de la germination et de la croissance des grains jusqu’à une taille de 5 mm est plus courte que la durée correspondant au phénomène RIP, où la vitesse de déformation reste élevée. Ceci suggère que l’accélération de la déformation n’est pas uniquement associée à la germination et à la croissance de grains. L’essai comparatif (Figure II.1(b)) révèle que la déformation liée au RIP présente un ordre de grandeur assez proche de celle du fluage transitoire à l’état recuit. C’est sur la base de cette observation que la contribution du fluage transitoire des grains recristallisés est considérée comme importante. Cette remarque est supportée par les courbes obtenues par [Hardwick et al., 1961, Richardson et al., 1966]. 24 Les autres études ont porté sur des matériaux avec une taille de grain plus petite, de l’ordre de 10 à 100 micromètres. La plupart des auteurs tentent d’interpréter le RIP par la diffusion de matière pendant la recristallisation. Selon [Estrin, 2006, Huang et al., 2012], la diffusion atomique sous charge est considérée comme l’origine physique du RIP. Les mécanismes d’écoulement par diffusion (Nabarro-Herring ou Coble) ne sont cependant pas précisés. Vu et Pineau [Vu et Pineau, 2010] ont précisé que l’écoulement par diffusion aux joints de grains (Coble) doit être la cause principale du phénomène RIP étant donné que la diffusion aux joints des germes pourrait accélérer la déformation. L’interprétation donnée par Han et al. [Han et al., 2005] revient aussi au mécanisme de diffusion aux joints de grains. Ils considèrent le fait que les joints de grains sont en migration pendant la recristallisation et ils interprètent le RIP par « la diffusion aux joints de grains en migration », qui causerait une déformation supplémentaire observée au cours de la recristallisation. Sous cette hypothèse, un modèle constitutif est proposé [Han et al., 2008]. Dans ce modèle, les auteurs supposent que l’effet RIP se traduit par un fluage de type Coble mais plus rapide. Selon les auteurs, le coefficient de diffusion effectif aux joints de grains mobiles serait plus important que celui aux joints de grains stationnaires. C’est dans ce contexte que la diffusion des atomes sous la charge appliquée, le long des joints des grains pendant la recristallisation causerait une déformation supplémentaire par rapport au régime de Coble conventionnel. Cette hypothèse de régime de Coble accéléré a été exprimée par l’équation (II.1), où la vitesse de déformation résulte de deux termes. Le terme de droite représente le régime de Coble conventionnel et le terme de gauche indique la vitesse de déformation supplémentaire du fait que les joints de grains sont en migration. Il utilise les lois de Fick à travers le joint de grains en migration, en supposant que le flux de lacunes est « gelé » en aval du joint en migration. S’il n’y pas de recristallisation ou de croissance de grains, le terme de gauche vaut zéro et le régime de Coble conventionnel contrôle seul la déformation viscoplastique sous faible contrainte. Les résultats révèlent que, pendant la recristallisation, le terme de droite est plus faible par rapport au terme de gauche et le comportement du matériau peut être exprimé essentiellement par le terme de gauche.

Table des matières

 CHAPITRE I : INTRODUCTION
I.1. CONTEXTE INDUSTRIEL
I.2. PROBLEMATIQUE SCIENTIFIQUE
I.3. OBJECTIFS
I.4. STRUCTURE DU MANUSCRIT
CHAPITRE II : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
II.1. MISE EN EVIDENCE ET INTERPRETATION ACTUELLE DU PHENOMENE
II.2. PHENOMENES ET MECANISMES PHYSIQUES ASSOCIES
II.3. MECANISMES POTENTIELS DU RIP
II.4. CONCLUSIONS DE L’ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE III : METHODOLOGIE
III.1. MATERIAUX ET CONDITIONS DE SOLLICITATION
III.2. ÉTUDE EXPERIMENTALE
III.3. CONCLUSIONS
CHAPITRE IV : ÉTUDE EXPERIMENTALE DU PHENOMENE RIP
IV.1. ÉTUDE DU RIP SUR LES MATERIAUX ECROUIS A FROID
IV.2. ÉTUDE DU RIP APRES LA PRE-DEFORMATION A CHAUD
IV.3. DISCUSSION DES RESULTATS EXPERIMENTAUX
IV.4. CONCLUSIONS DE L’ETUDE EXPERIMENTALE
CHAPITRE V : MODELISATION
V.1. LOI DE COMPORTEMENT PHENOMENOLOGIQUE
V.2. LOI DE COMPORTEMENT A VARIABLES INTERNES
V.3. DISCUSSIONS ET CONCLUSIONS
CHAPITRE VI : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
VI.1. CONCLUSIONS
VI.2. PERSPECTIVES
ANNEXE A. CONDITIONS EXPERIMENTALES DE L’ETUDE DU RIP SUR LES MATERIAUX ECROUIS A FROID
A. 1. DILATOMETRE
A. 2. MACHINE DE FLUAGE
A. 3. MESURE DE LA RESISTIVITE DU MATERIAU PENDANT LA RECRISTALLISATION
A. 4. MESURE DU COEFFICIENT DE DILATATION THERMIQUE 142
ANNEXE B.CONDITIONS EXPERIMENTALES DE L’ETUDE DU RIP APRES LA PREDEFORMATION A CHAUD
B. 1. SIMULATEUR THERMOMECANIQUE
B. 2. CORRECTION DES DONNEES ISSUES DES MESURES DE LA DEFORMATION A CHAUD
B. 3. MESURE DE LA COUCHE D’OXYDES
B. 4. EFFET DE LA MISE EN TONNEAU SUR LA DEFORMATION VISCOPLASTIQUE
ANNEXE C.PROCEDURE SUIVIE POUR LES OBSERVATIONS MICROSTRUCTURALES
C. 1. DIFFRACTION DES ELECTRONS RETRODIFFUSES (EBSD)
C. 2. MICROSCOPIE ELECTRONIQUE EN TRANSMISSION (MET)
BIBLIOGRAPHIE

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