Composition corporelle du chien par bioimpédancemétrie

Composition corporelle du chien par bioimpédancemétrie

Introduction 

Un organisme vivant est composé de diverses structures se différenciant à la fois par leur arrangement tissulaire et par leurs compositions ionique et moléculaire. Cela leur confère des propriétés physico-chimiques qu’il est possible de mesurer par différentes techniques. L’estimation des différents compartiments aqueux permet une évaluation du statut nutritionnel d’un individu. Toute altération de ce statut augmente la morbidité et est un facteur pronostic aggravant lors de situations d’agression de l’organisme. Il est donc nécessaire de rechercher des outils d’évaluation du statut nutritionnel qui soient à la fois fiables, non invasifs, peu onéreux et portables pour permettre leur utilisation en pratique. En médecine vétérinaire et, en particulier chez le chien, deux techniques d’évaluation de la composition corporelle ont été validées : la méthode de dilution isotopique et l’absorptiométrie biphotonique à rayons X. Bien qu’elles soient fiables, leur utilisation n’est pas accessible en pratique courante, soit à cause de leur méthodologie lourde, soit par la nécessité d’acquérir un matériel hautement technique et coûteux. La bioimpédance développée chez l’homme présente l’avantage d’estimer indirectement la composition corporelle de façon peu coûteuse, accessible techniquement, rapide et non invasive. Chez le chien, les recherches sur le sujet sont peu nombreuses alors que la bioimpédance est utilisée en pratique courante en médecine humaine. La technique étant très sensible à la standardisation et à la population étudiée, la problématique de l’espèce canine est originale : en effet, la variété des formats et des conformations physiques parmi les quelques 300 races de chiens laissent supposer que la bioimpédance, si elle est intéressante, devra être validée avec précaution et méthode. L’objectif de ce travail est de déterminer s’il est possible de développer un protocole de mesure de la bioimpédance chez le chien vigile avec un matériel portable et dont les résultats seront interprétés de façon fiable pour estimer la composition corporelle dans l’espèce canine ? Après une revue de la littérature sur les différentes techniques de mesure de la composition corporelle et l’utilisation de la bioimpédance chez le chien, un protocole et une validation de la bioimpédance chez le chien beagle adulte vigile seront présentés. Le protocole et les équations prédictives déterminées chez le Beagle seront ensuite testés chez des chiens de diverses races pour vérifier s’ils sont généralisables à tout chien domestique. 

Méthode de dilution au deutérium 

Les méthodes de dilution isotopique permettent l’estimation de l’eau totale et/ou de l’eau extracellulaire contenues dans l’organisme. En soustrayant l’eau extracellulaire de l’eau totale, il est possible de calculer l’eau intracellulaire (SCHOELLER 2005). Des isotopes naturels de l’hydrogène comme le deutérium ou le tritium sont couramment utilisés pour cette quantification. La connaissance de la répartition de l’eau dans l’organisme permet de déterminer la composition de la matière vivante. Pour cela, la plupart des modèles de la composition corporelle considèrent qu’un organisme vivant peut être divisé en deux compartiments chimiquement différents : la masse grasse et la masse non-grasse (BROŽEK et al. 1963). Il est admis que la composition chimique de la masse non grasse est relativement constante, avec une teneur en eau de 73,2% chez l’Homme adulte (PACE et al. 1945, FORBES et al. 1953). La masse grasse, quant à elle, ne contient pas d’eau (MENDEZ & KEYS 1960). Par exemple, l’utilisation d’un traceur isotopique de l’hydrogène, le deutérium, permet de déterminer l’eau totale contenue dans un organisme. a. Principe de la technique de dilution au deutérium Le principe de la méthode de dilution isotopique est d’injecter à un individu dont on veut connaître la composition en eau une quantité connue de traceur (Q). Une fois dans l’organisme, le traceur s’y dilue et se répartit uniformément, comme la molécule non marquée. Après une période d’équilibre, la concentration du traceur (C) permet de calculer le volume de diffusion du traceur (V), selon la formule suivante : V =   L’eau deutérée (D2O) est fréquemment utilisée comme traceur : l’hydrogène de l’eau (H2O) est remplacé par du deutérium (2H ou D). La concentration naturelle de l’isotope 2H chez l’Homme est de 0,015%. L’eau deutérée a la même distribution dans le corps que l’eau, 8 les échanges au sein de l’organisme sont les mêmes qu’avec de l’eau et il n’y a pas de sécrétion sélective de D2O (SCHLOERB et al. 1950). En revanche, l’échange d’eau au sein du tissu adipeux est négligeable (SCHLOERB et al. 1950). Il a été estimé que l’ensemble des isotopes naturels de l’hydrogène, à savoir le deutérium et le tritium, est de l’ordre de 0,5 à 2% du poids corporel (HEVESY & JACOBSEN 1940). Le D2O est toxique chez la souris quand la concentration sanguine atteint 25% de la teneur en eau (SCHLOERB et al. 1950). L’injection intraveineuse de 100 mg in toto chez l’homme induit des concentrations sanguines en D2O de l’ordre de 0,2% de l’eau totale, bien en deçà de la toxicité démontrée chez la souris (SCHLOERB et al. 1950). Cet isotope est donc non toxique aux doses utilisées (PINSON 1952). Avec le développement des méthodes de dosage du deutérium à faibles concentrations dans les liquides biologiques (LUKASKI & JOHNSON 1985), cet isotope est aujourd’hui le plus utilisé dans les méthodes de dilution pour la détermination de la composition corporelle. b. Dosage du deutérium par Spectrométrie Infrarouge à Transformée de Fourier (FTIR, en français SITF) La spectroscopie infrarouge regroupe des méthodes d’identification et de dosages basées sur l’étude de l’absorption ou de la réflexion des radiations électromagnétiques (comprises entre 1 et 1000 µm) par un échantillon. La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier est une de ces méthodes. Elle a l’avantage d’être plus rapide et moins coûteuse que les méthodes classiques de spectrométrie infrarouge. En soumettant un échantillon à un rayonnement infrarouge, on peut mesurer les fréquences absorbées ainsi que leurs intensités. La liaison entre l’oxygène et le deutérium est détectée pour une longueur d’onde comprise entre 2720 et 2735 cm-1 alors que la liaison entre l’oxygène et l’hydrogène ne réagit pas à ces mêmes longueurs d’onde (KHALED et al. 1995). Cette propriété permet de mesurer l’enrichissement de l’échantillon en D par rapport à une valeur standard de référence. La précision de cette technique pour l’estimation de l’eau corporelle totale est comprise entre 1 et 2% (JENNINGS et al. 1999, BACKUS et al. 2000). Cette précision permet d’administrer de faibles doses de D2O et de pouvoir la doser sur une faible quantité de sang. Elle est donc particulièrement intéressante chez l’animal. 9 La FITR a été validée chez le chien par FERRIER et al. (2002) pour la détermination de l’eau corporelle totale. Le calcul de la masse non grasse est réalisé en considérant que le taux d’hydratation de la masse non grasse chez le chien est de 74,4% (HARRISSON et al. 1936). Chez l’homme, l’équilibre des concentrations est obtenu 3 h après l’injection d’eau deutérée (HEVESY & JACOBSEN 1940), comme chez le chien  La méthode de dilution isotopique au deutérium n’est pas facile à utiliser en dehors d’un contexte de recherche et représente un coût non négligeable d’utilisation et d’analyse. De plus, elle ne permet pas le suivi de l’équilibre hydrique d’un individu au cours du temps. Elle constitue cependant la méthode de référence de la détermination de la composition corporelle à ce jour, chez l’homme et l’animal. A partir de cette méthode de référence, deux techniques d’analyse corporelle ont été développées : l’absorptiométrie à rayons X et la bioimpédance. 

Absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA)

 L’absorptiométrie biphotonique à rayons X est la technique d’imagerie médicale la plus employée chez l’animal de compagnie pour la mesure de la composition corporelle et sert maintenant également de méthode de référence (GERMAN et al. 2010, MICHEL et al. 2011). Elle a été validée chez le chien et le chat en comparaison à l’analyse chimique de cadavres (SPEAKMAN et al. 2001 ; RAFFAN et al. 2006). Schématiquement, le corps du patient est traversé par deux faisceaux de photons émis à deux niveaux énergétiques. Ces faisceaux sont atténués différemment suivant la nature des tissus traversés, ce qui permet de différencier la masse osseuse, la masse grasse et la masse maigre. Cette méthode présente l’avantage d’être peu irradiante et montre de bonnes performances en termes de répétabilité et de reproductibilité (MUNDAY et al. 1994, TOLL et al. 1994). Elle présente néanmoins l’inconvénient de demander un matériel très coûteux, non 10 disponible dans la majorité des structures vétérinaires. De plus, cette technique impose une anesthésie générale de l’animal, celui-ci devant rester immobile entre 15 et 30 minutes. 

Table des matières

I. Introduction
II. Revue bibliographique
1. Méthode de dilution au deutérium
a. Principe de la technique de dilution au deutérium
b. Dosage du deutérium par Spectrométrie Infrarouge à Transformée de Fourier (FTIR, en français SITF)
2. Absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA)
3. Bioimpédance utilisée in vivo
a. Modélisation de la composition corporelle
b. Principes de la bioimpédance
c. Bioimpédances monofréquence (SF-BIA) et multifréquence (MF-BIA)
d. Facteurs de variation des mesures de bioimpédance
e. Quelques utilisations de la bioimpédancemétrie en médecine humaine
f. Utilisations de la bioimpédancemétrie en médecine vétérinaire
4. Utilisation de la bioimpédance chez le chien
a. Le chien : un contexte particulier
b. Les disparités morphologiques interraciales
c. Le sexe
d. L’âge
5. Conclusion
III. Validation d’équations prédictives de la composition corporelle du chien Beagle
sain par bioimpédancemétrie monofréquence à 50 kHz (article 1)
1. Contexte de la recherche
2. Etablissement du protocole
3. Article : mise en ligne prévue en juin 2015
IV. Application des équations prédictives obtenues en BIA monofréquence à kHz et validées chez le chien Beagle, à d’autres races de chien (article 2)
1. Contexte de la recherche
2. Article soumis à la publication le 13 janvier 2015 (BMC Research Notes)
V. Conclusion générale
Bibliographie

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