Evaluation de la tolérance de sept (07) variétés de patate douce Ipomoea batatas (L.) Lam. au charançon Cylas puncticollis et aux nématodes à galles (Meloidogyne spp.)

Généralités sur la patate douce

Botanique systématique : Position systématique de la patate douce (Source : Van der Veken et De Lannoy, 1978 ; Huaman, 1999). Règne : Végétal. Embranchement : Spermaphytes. Sous embranchement : Angiospermes. Classe : Dicotylédones. Ordre : Lamiales. Famille: Convolvulaceae. Genre : Ipomoea. Section : Eriospermum. Série : Batatas. Espèce : Ipomea batatas (L.) Lam.
Historique : La patate douce a été décrite pour la première fois en 1753 par Linné sous le nom de Convolvulus batatas. Cependant, en 1791 Lamarck a classé cette espèce dans le genre Ipomoea sur la base de la forme de la stigmatisation et de la surface des grains de pollen. L’espèce porte actuellement le nom Ipomoea batatas (L.) Lam (Huaman, 1999).
Le mot « patate » est apparu en français en 1599 venant de l’espagnol « batatas », qui l’a emprunté à une langue Arawak. Le mot « patate » désigne proprement le tubercule d’Ipomoea batatas et il est d’usage d’ajouter l’adjectif « douce » pour ne pas la confondre avec la pomme de terre qui, sous l’influence de l’anglais, est appelée « patate ».
Austin (1988) a avancé que l’origine d’Ipomoea batatas serait quelque part entre la péninsule de Yucatan au Mexique et l’embouchure de la rivière Orinoco au Venezuela. Yen (1988) précise une origine au nord-ouest de l’Amérique du Sud (Colombie, Équateur, Nord Pérou), région se situant à l’intérieur du centre d’origine proposé par Austin. Il a aussi identifié des centres secondaires de grande diversité au Guatemala et au sud du Pérou. Selon Huamàn (1999), la patate douce fut disséminée à partir de 2500 av. JC par les Incas et les Mayas sur la plus grande partie des zones de culture connues au moment de l’arrivée des européens. Selon Varin et al., (2009), la patate douce s’est répandue dans tout le Pacifique où elle est connue le plus souvent sous l’appellation «Umara» en Amérique du Sud ou «kumara» en Polynésie. Selon Roullier et al. (2013), la patate douce aurait été ramenée d’Amérique du Sud par des bateaux polynésiens, plusieurs siècles avant les explorateurs européens. Grâce aux preuves linguistiques, les voies de transmission peuvent être tracées comme suit :
la voie « batatas » : les explorateurs portugais ont transféré les clones antillais cultivés en Europe de l’ouest méditerranéen vers l’Afrique, l’Inde et l’Indonésie,
la voie « kamote » : les galions de commerce espagnols reliant Acapulco à Manille propagèrent les clones de patate douce à partir du Mexique,
la voie « kumara » : avec une incertitude sur l’identité des transporteurs de la plante d’Amérique du Sud en Polynésie orientale. Des analogies lexicales entre son nom « quechua » et le mot polynésien « kumara » suggèrent un transfert par l’homme, mais on ignore toujours si les responsables en étaient des voyageurs péruviens ou polynésiens.

Le charançon de la patate douce (Cylas puncticollis Boheman, 1833)

Ce coléoptère est le principal ravageur de la patate douce, il est largement répandu dans le monde et ses dégâts graves s’observent dans les régions à faible pluviométrie ou ailleurs pendant la saison sèche. Malgré que la patate douce soit son hôte de prédilection, il peut aussi s’attaquer à Ipomoea aquatica et Ipomoea indica.
Systématique : Le charançon africain de la patate douce (cylas puncticollis) a été identifié par Boheman en 1833. Nous vous proposons cette classification.
Règne : Animal ;Embranchement : Arthropodes; Sous embranchement : Antennates; Classe : Insectes; Sous-classe : Neoptères; Infra-classe : Oligineoptères; Ordre : Coléoptères; Famille : Curculionidae; Sous famille : Curculionidinae; Genre : Cylas; Espèce : Cylas puncticollis.
Biologie et cycle de développement : L’adulte mâle est un coléoptère noir ou brun qui ressemble à une grosse fourmi mais il se différencie d’elle par un rostre caractéristique (Stathers et al., 2005), de taille variant entre 6-7 mm. Les femelles sont d’une couleur noir mat et mesurent environ 5 à 8 mm de longueur. Les adultes se nourrissent à l’extérieur et ils sont actifs juste après le coucher du soleil et juste avant son lever. Une fois dérangés, ils s’adonnent à une chute libre sur le sol et font les morts (Macfarlane et Jackson, 1989 ; Stathers et al., 2005).
Son cycle biologique complet dure 4 à 6 semaines selon la température et il peut effectuer 10 générations par année : une fois que la femelle creuse une cupule à la base des lianes ou dans les tubercules à l’aide de ses mandibules, elle y dépose ses œufs et bouche ensuite le trou à l’aide d’une boulette fécale pour empêcher le desséchement des œufs et les protéger contre les prédateurs (Stathers et al., 2003). L’éclosion survient 5 à 8 jours plus tard et les larves apodes de couleur blanche commencent dès lors à se nourrir des lianes ou tubercules. Le stade larvaire dure généralement 15 à 20 jours, après quoi la larve se transforme en nymphe pour se métamorphoser en adulte une semaine plus tard. L’adulte reste dans la plante hôte pendant 6 à 9 jours puis sort de la plante à la recherche de nourriture.
L’accouplement survient peu après, s’en suit la ponte 2 à 3 jours plus tard (Macfarlane et Jackson, 1989). Symptômes et dégâts : Les larves creusent des galeries dans les tubercules, ils causent les principaux dégâts qui affectent la patate douce (Bassey, 2012). Les galeries dans les tiges (Photo B), au-dessus et en dessous de la surface du sol entrainent le dépérissement des boutures (Ndiaye,2014). Les symptômes causés par les adultes sont des trous circulaires sur les feuilles , les jeunes tiges et les tubercules (Macfarlane et Jackson 1989 ; Ndiaye, 2014). De fortes attaques du charançon peuvent détruire entièrement une récolte (Denon et al., 2007). Même de faibles niveaux d’infestation peuvent réduire la qualité de la racine et le rendement commercialisable (Stathers et al., 2003 ; Rukarwa et al., 2010). En réponse à la ponte et aux galeries larvaires, la plante produit des terpènes de défenses amères et des composés phénoliques qui rendent les racines impropres à la consommation humaine et animale (Macfarlane et Jackson; 1989; Smit et Van Huis 1999 ; Bassey, 2012; Okonya et al., 2014).

Description morphologique

La patate douce est une plante herbacée cultivée surtout comme plante annuelle (Huanan, 1999 ; Schoen, 2014). Elle se propage exclusivement par voie végétative, soit à partir de tubercules entiers ou de fragments de ceux-ci, soit à partir de portions de tiges de 20 à 50 cm de long comportant 3 à 4 nœuds (Cavalcante-Alves, 1996).
Fleurs et fruits : Les fleurs sont regroupées dans une inflorescence du type dichotomique, de couleur variant du blanc au violet foncé (Schoen, 2014). Elles sont hermaphrodites, actinomorphes et sont en forme de cloche (Triqui, 2009). La floraison est rare et les fleurs sont souvent stériles. Toutefois, lorsque la fécondation a lieu, on obtient un fruit à péricarpe sec et déhiscent que l’on nomme capsule. Cette capsule plus ou moins sphérique avec une pointe terminale, est formée au moins de deux carpelles soudés (Triqui, 2009). Elle peut être pubescente ou glabre avec une couleur brune à la maturité (Huaman, 1999).
Feuilles : Les feuilles sont entières (deltoïdes, hastées, cordiformes) ou plus ou moins profondément lobées (Van der veken et Lannoy, 1978 ; Doumbouya, 2005) formant 3 à 7 lobes aigus, à nervation palmée. Elles sont disposées en spirale alternativement sur la tige (Huaman,1999).
Tiges : Les tiges sont cylindriques de longueurs (10 cm à 6 m) et de diamètres (4 à 6 mm) variables (Schoen, 2014). Elles assurent la croissance de la plante en se dilatant rapidement et horizontalement sur le sol (Huaman, 1999).
Racines : Des nœuds de la bouture partent les racines. On compte sur chaque nœud 2 à 4 grandes racines de 50 à 60 cm de longueur et une dizaine de racines de petites tailles atteignant 20 à 30 cm de long. Tubercules (Racines de réserves) : Les tubercules  sont plus ou moins allongés, voire arrondis, à la peau fine. Ils se forment à partir des racines qui s’incurvent vers le bas. La formation des tubercules peut être en clusters autour de la tige, disperse ou très disperse. Suivant les variétés, presque toutes les combinaisons de couleurs de peau et de chair peuvent être observées (Huaman, 1999). Le poids d’un tubercule peut varier de quelques dizaines de grammes à 3 voire même 5 Kg. Certains consommateurs confondent la patate douce a chair humide et orangée avec de « l’igname » (Adam, 2005).

Adaptabilité et exigences écologiques

La patate douce est adaptée à une large gamme de conditions climatiques et édaphiques. Elle est rarement absente de la liste des plantes cultivées sur les atolls, les îles formées par les récifs de corail, les îles volcaniques et les masses continentales en Océanie (Yen, 1988).
Sur le plan climatique, la patate douce est une plante extrêmement flexible ; elle peut être cultivée à des altitudes allant jusqu’à 2500 m et entre les latitudes 40° N et 32° S. Elle a besoin d’une pluviométrie abondante d’environ 600 mm / an sous un ensoleillement abondant. Elle exige une saison de croissance présentant 4 à 5 mois sans gel pour produire des racines tubérisées avec de gros calibre (Triqui, 2009). Une température supérieure à 21°C est idéale pendant la croissance, par contre en dessous de 12°C, sa croissance s’arrête (Schoen, 2014). C’est une plante de jours courts et une photopériode de moins de 11 heures donne une meilleure tubérisation (Mazollier et Sassi, 2013). Par contre, si la photopériode dépasse les 13 heures 30 mn, la floraison est inhibée (Sihachakr et al., 1997).
La patate douce est cultivable même sur les sols pauvres, mais elle préfère un sol profond, frais et riche en humus (Cavalcante-Alves, 1996). Elle n’exige pas beaucoup de fertilisants et autres intrants et elle est relativement résistante aux stress environnementaux (Shimada et Otani, 2007). Elle pousse mieux sur des sols aérés de type sableux avec des pH oscillant entre 5 à 7,8. La croissance de la patate douce est beaucoup plus rapide en plein champ avec un bon rendement que sous serre (Mazollier et Sassi, 2013).

Nématodes phytoparasites du Genre Meloidogyne Goeldi, 1892

Les nématodes parasites de plantes sont des vers cylindriques et microscopiques munis d’un stylet buccal servant à perforer les tissus du végétal hôte (Dijan-Caporalino et al., 2009). Ces nématodes sont allongés, d’organisation très simple. Ils sont facilement observables sous la loupe binoculaire (Bélair, 2005; Coyne et al., 2010). Ce sont des parasites obligatoires présents en abondance dans tous les sols arables et peuvent être ecto-, semi-endo ou endoparasites. Ils sont repartis en trois ordres : Rhabditida, Dorylaimida et Triplonchida (Faye, 2011).
Bien qu’un grand nombre de nématodes s’attaquent à la patate douce dans le monde, seules quelques-uns ont une importance économique : Meloidogyne spp., Rotylenchulus reniformis, Pratylenchus spp. et Ditylenchus destructor (Jatala et Bridge, 1990 ; Huat 1999).
Les dommages qu’ils infligent aux cultures sont le plus souvent attribués à d’autres causes plus visibles. Ces pertes étaient attribuées à l’épuisement des sols du fait que ces organismes ont été longtemps méconnus à cause de leur taille microscopique. Cependant, ils réduisent la production agricole d’approximativement 11% (Agrios, 2005), soit une perte de récolte de plusieurs millions de tonnes chaque année (Coyne et al., 2009). Ils ne provoquent pas l’apparition de symptômes spécifiques faciles à identifier à l’exception de la famille des Meloidogynidae, dont le genre Meloidogyne qui induit la formation de galles au niveau des racines. Parmi l’ensemble des espèces de nématodes recensées sur les cultures légumières au Sénégal, ceux du genre Meloidogyne sont les plus dangereux (Netscher, 1970).
Les nématodes phytoparasites du genre Meloidogyne, aussi appelées anguillules (Bertrand, 2001) sont ubiquistes et polyphages. Ils sont capables de se développer aux dépens d’un grand nombre de cultures légumières en plein champ et sous abri (Mateille et. al., 2009) et parasitent plus de 5500 espèces végétales (Dijan-Caporalino et. al., 2009 ; Djerroudi et. al.,2011). Selon Diop (1998), au Sénégal, ils sont connus aussi bien des spécialistes que des paysans. Ceci est dû aux symptômes des galles racinaires caractéristiques de ce genre, que les paysans appellent « chapelets » (krous en wolof).

Table des matières

CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHQUE 
I. Généralités sur la patate douce 
1. Botanique systématique
2. Historique
3. Description morphologique
3.1. Fleurs et fruits
3.2. Feuilles
3.3. Tiges
3.4. Racines
3.5. Tubercules (Racines de réserves)
4. Evolution
5. Adaptabilité et exigences écologiques
6. Importances de la patate douce
6.1. Valeur nutritionnelle
6.2. Transformation
6.3. Importances économiques
6.3.1. Production de la patate douce dans le Monde et en Afrique
6.3.2. Production de la patate douce au Sénégal
II. Principales maladies et ravageurs de la patate douce 
1. Maladies
2. Ravageurs
2.1. Les principaux insectes ravageurs
2.1.1. Le charançon de la patate douce (Cylas puncticollis Boheman, 1833)
2.1.1.1. Systématique
2.1.1.2. Biologie et cycle de développement.
2.1.1.3. Symptômes et dégâts
2.1.1.4. Méthodes de lutte
2.1.2. Autres insectes ravageurs
2.2. Nématodes phytoparasites du Genre Meloidogyne Goeldi, 1892
2.2.1. Systématique du genre Meloidogyne
2.2.2. Distribution et écologie
2.2.3. Biologie et cycle de reproduction de Meloidogyne spp
2.2.4. Les espèces présentes au Sénégal
2.2.5. Dégâts et symptômes
2.2.6. Méthodes de lutte
2.2.6.1. Méthode chimique
2.2.6.2. Alternatives à la lutte chimique
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES 
1. Présentation du site expérimental : station expérimentale de l’ISRA / CDH de Cambérène 
2. Matériel biologique 
3. Dispositif expérimental 
4. Analyse nématologiques pour la situation de départ (T0) 
– Echantillonnage du sol
– Extraction de nématodes du sol
– Comptage et identification des nématodes du sol
5. Conduite de l’essai 
5.1. Préparation de terrain et plantation
5.2. Entretien
5.3. Récolte
6. Paramètres étudiés
6.1. Paramètres agronomiques
6.1.1. Vigueur des plants
6.1.2. Rendement brut
6.1.3. Rendement commercialisable
6.1.4. Poids moyen des différents calibres de tubercules
6.2. Evaluation de l’incidence et de la sévérité à l’infestation par les larves de Cylas
6.2.1. Incidence
6.2.2. Sévérité
6.3. Paramètres nématologiques
6.3.1. Nématodes du sol
– l’abondance totale de nématodes phytoparasites dans les échantillons de sol
– proportion des juvéniles infestantes de Meloidogyne par rapport aux autres phytoparasites
– densité des juvéniles infestantes de Meloidogyne dans les sols des parcelles contenant les
variétés étudiées
6.3.2. Evaluation de l’incidence et la sévérité de l’infestation par Meloidogyne
6.3.2.1. Incidence
6.3.2.2. Sévérité
7. Analyses statistiques 
CHAPITRE III : RESULTATS 
1. Paramètres agronomiques des sept variétés de patate douce étudiées 
1.1. Vigueur des plants
1.2. Rendements bruts
1.3. Rendements commercialisables
1.4. Poids moyen des différents calibres de tubercules
2. Incidence et sévérité d’attaque des larves de Cylas puncticollis
2.1. Incidence d’attaque des larves de Cylas puncticollis
2.2. Sévérité des attaques par les larves de Cylas puncticollis
3. Paramètres nématologiques 
3.1. Densité totale de nématodes phytoparasites
3.2. Proportion des juvéniles infestantes de Meloidogyne par rapport aux autres nématodes
phytoparasites
3.3. Densité des juvéniles infestantes de Meloidogyne dans les sols des parcelles de culture des variétés étudiées
3.4. L’incidence de l’infestation par Meloidogyne (indice de galle)
3.4. Sévérité de l’infestation par Meloidogyne (indice de galle)
4. Recherche de corrélations entre les différentes paramétres 
CHAPITRE IV : DISCUSSION 
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
ANNEXES 

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *