Conjuguer des logiques en tension

Conjuguer des logiques en tension

Ce sont des logiques en tension qui transparaissent dans nos études de cas. Des logiques qui peuvent apparaître contradictoires. Ainsi les groupwares sont présentés à la fois comme des outils de rationalisation et d’innovation, ils permettent de maintenir les liens sociaux et de générer de nouveaux contacts, ils favorisent l’expression de l’individu tout en l’encourageant à se conformer à des normes. L’appropriation de ces outils passent donc nécessairement par une conjugaison de ces logiques en tension qui traversent les organisations. Pour mieux les comprendre et montrer comment à travers elles l’individu effectue une liaison avec le niveau macro-sociétal, nous verrons comment elles se concrétisent dans les organisations et comment leur appréhension joue un rôle dans les processus d’appropriation des groupwares. En effet, en cherchant à comprendre ces logiques à partir de l’introduction d’un groupware, les individus soupèsent dans quelle mesure leur implication au travail reste possible. Les questionnements s’orientent alors de la façon suivante : groupware et missions de l’organisation, groupware et métier, groupware et travail ensemble… Ce sont sur ces points particuliers, pour lesquels l’arrivée de l’outil met en évidence des ambiguités, que s’engagent des négociations.

Dès lors, il s’agit pour les individus de vérifier la compatibilité du groupware avec leur implication au travail laquelle, comme le souligne Maurice Thévenet, dépend de l’histoire personnelle l’organisation » (Nizet et Pichault464, 2001 : 82) alors que les buts de système sont ceux « qui s’énoncent en référence à l’organisation comme telle ou à ses membres indépendamment des biens ou des services qu’elle produit » (ibid.). Si Mintzberg emploie fréquemment la notion de mission au singulier, Nizet et Pichault soulignent que les organisations poursuivent généralement plusieurs missions (ibid.). Ces missions, et de façon plus générale, les buts de mission et de système, peuvent se révéler conflictuels : conflits entre des buts de mission et des buts de système, conflits entre plusieurs buts de mission et conflit entre plusieurs buts de système. Ces conflits renvoient d’ailleurs à des rapports de pouvoir entre acteurs. Les buts conflictuels peuvent être poursuivis soit à des périodes différentes, soit en même temps, mais en ce cas, certains buts interviennent comme des contraintes. travail. Maurice Thévenet voit en effet dans les missions, le lien avec le sentiment d’appartenance à l’entreprise et la fierté d’appartenance qui peut être liée à la marque (2004 : 109).

Par conséquent, des buts conflictuels, peu clarifiés, peuvent venir jouer un rôle en matière d’appropriation des groupwares. Expliquons nos propos à partir du cas du Centre Henri Tudor. dans le secteur public et le transfert de technologie et la coopération scientifique et technique entre les entreprises et le secteur public » (Règlement Grand-Ducal du 31 juillet 1987). Le rapport entre ces deux missions, la recherche et le transfert de technologie, a évolué en même temps que s’est structuré le paysage de la recherche à Luxembourg et n’a pas été pris en compte de la même façon au niveau des diférents départements. En 1988, lors d’une allocution de l’administrateur-délégué devant les députés, la finalité du Centre était présentée de la façon suivante : la finalité du CRP-HT est le « transfert de technologie pour promouvoir l’innovation industrielle ». Parmi les missions énoncées lors de cette allocution, on retrouve : les projets R&D, l’assistance technologique, la diffusion de l’information et des connaissances. L’objectif financier à cette époque consistait à obtenir un équilibre entre les financements publics et l’auto- financement.

Si l’on replace cette politique en contexte, il faut souligner que les efforts nationaux pour construire le dispositif de recherche au Luxembourg n’en sont encore qu’à leurs balbutiements. La création du Fonds national de la recherche (FNR) en 1999, ainsi que la décision la même année de porter le financement public de la R&D de 0,08% à 0,3% du PIB centre de tranfert », « que signifie être un centre de recherche » qui apparaissent. Pour les responsables, la notion de publication émerge comme un moyen de répondre aux deux missions du Centre tout en assurant la visibilité des travaux réalisés. Pour les collaborateurs, cette notion est tout à fait nouvelle puisque jusque là, ce sont avant tout les critères de réputation et de satisfaction client qui primaient. On constate que le décalage est important entre les discours et la mise en acte puisque la notion de publication qui est annoncée comme fédératrice par les directeur n’est pas suivie immédiatement par des actions concrêtes. Ainsi c’est un service de satisfaction client qui est mis en place à cette époque au Centre, et non pas un indicateur lié aux publications qui arrivera lui plusieurs années après. Le système d’évaluation des performances met également l’accent davantage sur le nombre projets et prestations réalisées en temps et en heure que sur la qualité des travaux. Par conséquent, Fracasse apparaît en décalage par rapport à la situation que dépeignent les collaborateurs, dans le sens où pour eux, la mission de transfert prime et qu’elle est réalisée principalement via des projets en collaboration avec des entreprises privées et par la mobilité des personnes. Dans cette vue, « à quoi bon chercher à capitaliser les connaissances en vue de les faire partager à la communauté scientifique ? »

 

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