Dépendance en spin du transport d’électrons chauds dans les métaux ferromagnétiques

Dépendance en spin du transport d’électrons chauds dans les métaux ferromagnétiques

Effet de filtre à spin dans les métaux ferromagnétiques

L’interprétation de résultats mettant en évidence un effet de filtre à spin repose sur l’analyse des mécanismes de transport qui dépendent du spin dans un solide. Il est donc indispensable de connaître les interactions qui agissent sur le spin d’un électron, et d’identifier les matériaux et les configurations expérimentales permettant d’accéder à une mesure dépendant du spin.

Interactions dépendant du spin

Interaction spin-orbite

L’interaction spin-orbite décrit le couplage entre le moment orbital l r et le moment intrinsèque de spin s r d’un électron se déplaçant dans un champ électrique.1 Cette interaction est purement relativiste mais peut être interprétée classiquement. D’après les lois de l’électrodynamique, un électron d’impulsion p r et de masse m, plongé dans un champ électrique Er « voit » un champ magnétique Br tel que mc E p B r r r ⊗ = Eq. I. 1. où c est la célérité de la lumière. Ce champ magnétique affecte le moment magnétique µ r de l’électron dont l’énergie est modifiée de la quantité USO : ( ) SO 2 mc s.(E p) e mc s.B U -µ.B e r r r r r r r ⊗ = = − = − Eq. I. 2. où e est la valeur absolue de la charge de l’électron. A un facteur deux près, cette énergie correspond à l’énergie spin-orbite que l’on obtiendrait par un traitement relativiste complet. Dans le cas particulier d’un potentiel central de type coulombien créé par un noyau de nombre atomique Z, l.s r Z USO 3 r r ∝ Eq. I. 3. où r est la distance de l’électron au noyau. L’énergie USO est donc d’autant plus importante que Z est grand. 1 J. Kessler, Polarized electrons, second edition, Springer-Verlag, Berlin, 1985. dans les métaux ferromagnétiques. Problématique et approche expérimentale. 17 I. 1. 1. 2 Interaction d’échange L’interaction d’échange décrit le couplage entre deux moments intrinsèques de spin 1s r et 2 s r . Si elle est d’origine quantique, cette interaction est néanmoins de nature électrostatique.2 En effet, contrairement à deux électrons de spins parallèles, le principe d’exclusion de Pauli permet à deux électrons de spins antiparallèles de se trouver sur une même orbitale : deux électrons de spins opposés vont donc en moyenne davantage se repousser que deux électrons de spins identiques. L’interaction d’échange favorise l’état de spins parallèles. Bien que le hamiltonien correspondant à l’interaction d’échange entre deux spins soit proportionnel au produit scalaire 1 2 s .s r r , elle ne doit pas être confondue avec l’interaction magnétique dipolaire d’intensité beaucoup plus faible. En particulier, l’interaction d’échange est à l’origine du ferromagnétisme des métaux de transition, et par voie de conséquence, du transport dépendant du spin dont il est question dans ce travail.

Ferromagnétisme des métaux de transition

En première approximation, l’état le plus stable d’un système composé de N électrons en interaction est un compromis entre l’énergie d’échange, qui favorise l’état de spins parallèles, et l’énergie cinétique supplémentaire qu’il faut fournir à ce système pour que deux électrons de spins identiques n’occupent pas le même état quantique. Dans certains métaux de transition, cette stabilité est obtenue pour des bandes de conduction de spins opposés découplées en énergie (critère de Stoner). Si le niveau de Fermi traverse ces bandes, cette levée de dégénérescence engendre un déséquilibre des populations de spin. Ainsi, alors qu’à l’état de solide pur la plupart des éléments du tableau périodique sont diamagnétiques, certains métaux de transition de la troisième série (fer, cobalt et nickel) ont la particularité de porter un moment magnétique permanent. La Figure I. 1 présente la structure de bandes de ces trois métaux ferromagnétiques ainsi que celle du cuivre.3 Remarquons que ce découplage en énergie des sous-bandes de conduction de spins majoritaires et minoritaires existe pour les bandes d, mais aussi pour les bandes sp où il est généralement négligé.  

Dépendance en spin du transport d’électrons chauds dans les métaux ferromagnétiques 

Mesure de la polarisation de spin d’électrons photoémis depuis un métal ferromagnétique

 Jusqu’au milieu des années 60, rien ne permettait d’affirmer que les électrons photoémis depuis un métal ferromagnétique étaient polarisés de spin.4 En effet, si l’on s’attend à ce que ces électrons aient initialement la polarisation de spin des électrons de conduction, la conservation de cette polarisation tout au long du processus de photoémission n’est pas évidente à priori. Mais en 1969, une équipe suisse a mesuré pour la première fois une polarisation non nulle sur un échantillon de gadolinium ferromagnétique,5 puis quelques années plus tard, sur des échantillons de fer, de cobalt et de nickel.6 Ce résultat montre que la polarisation de spin est au moins partiellement conservée lors de la diffusion d’un électron chaud vers l’interface solide / vide et lors de son émission dans le vide. Cette technique permet donc de restituer « l’image » de la densité d’états d’un métal ferromagnétique, et en particulier de son asymétrie en spin.

Transport dépendant du spin et effet de filtre à spin 

Bien plus tard, Penn et al. ont étudié la dépendance en énergie de la polarisation de spin des électrons secondaires extraits d’un métal ferromagnétique qui est bombardé par un faisceau d’électrons énergétiques.7 Dans cette expérience, le faisceau incident est non polarisé de sorte que les électrons du solide de spin majoritaire et minoritaire sont excités avec des probabilités égales. Ils portent ainsi la polarisation de volume du métal. Ces électrons secondaires diffusent vers la surface et peuvent être émis dans le vide si leur énergie est supérieure au travail de sortie du cristal.8 Leur polarisation de spin est alors mesurée en fonction de leur énergie. Pour des énergies supérieures à une dizaine d’eV par rapport au niveau de Fermi du métal, cette polarisation est égale à la polarisation des électrons dans le solide. Les mécanismes de dépolarisation de spin lors de la diffusion des électrons secondaires vers la surface et de leur émission dans le vide sont par conséquent d’importance négligeable. Toutefois, la polarisation mesurée augmente d’un facteur 2 à 3 lorsque l’énergie des électrons secondaires est de l’ordre de quelques eV. En diffusant vers l’interface solide / vide, les électrons secondaires subissent des collisions avec les électrons de conduction du métal. Le taux de collision étant essentiellement dominé par des effets de densité d’états, un électron aura d’autant plus de collisions que les états qui lui sont disponibles pour relaxer son énergie sont nombreux. Or, par définition, un métal ferromagnétique a des densités d’états différentes pour les deux directions de spin : lors de sa traversée du métal, un électron injecté dans un état excité ne va pas subir le même nombre de collisions selon que son spin est un spin majoritaire ou un spin minoritaire. Les mesures pionnières de Penn et al. montrent que le libre parcours moyen λ+ d’un électron de spin majoritaire est supérieur au libre parcours moyen λ- d’un électron de spin minoritaire, et mettent en évidence une dépendance en spin du transport d’électrons de basse énergie dans un métal ferromagnétique. En d’autres termes, l’asymétrie de spin de la densité d’états dans le métal ferromagnétique, qui favorise l’émission d’électrons de spin majoritaire, entraîne une augmentation de la polarisation des électrons secondaires lors de leur diffusion vers la surface par effet de filtre à spin. Cet effet de filtre à spin intervient essentiellement à basse énergie, lorsque les énergies mises en jeu dans les collisions sont de l’ordre de grandeur de la largeur des bandes d du métal.

Détermination des libres parcours moyens inélastiques et de leur dépendance en spin 

La possibilité de mesurer la polarisation de spin des électrons photoémis depuis un métal ferromagnétique a permis de réaliser des expériences conceptuellement très simples pour déterminer la dépendance en spin des libres parcours moyens inélastiques. Dans ces expériences, une couche mince magnétique est évaporée sur un substrat, métallique ou semi-conducteur, qui sert de source de photoélectrons. Les électrons excités dans le substrat traversent alors la couche magnétique de couverture et ont une probabilité notable d’être émis dans le vide où ils peuvent être analysés en énergie et en polarisation. Une étude remarquable a été réalisée par Pappas et al. en 1991 sur un système fer / cuivre.9 Les spectres de photoémission obtenus, résolus en spin, permettent de distinguer sans ambiguïté les électrons excités dans le substrat de cuivre de ceux excités dans le fer, et indiquent une atténuation plus prononcée du courant d’électrons de spin minoritaire que du courant d’électrons de spin majoritaire. Dans un modèle de transport balistique, c’est-à-dire un transport s’effectuant sans variation de l’énergie, le nombre NC d’électrons transmis au travers d’une couche métallique décroît exponentiellement avec son épaisseur d. Dans le cas d’un métal ferromagnétique, NC dépend du spin ± de l’électron et on peut écrire que :         λ − = ± ± ± d N N exp C E Eq. I. 4. où ± N est le nombre d’ E électrons de spin ± qui entrent dans la couche magnétique (lorsque le substrat est non magnétique 2 N N N / E = E = E + − ) et λ± est le libre parcours moyen inélastique d’un électron de spin ± à l’énergie considérée.

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