Déprescription des benzodiazépines chez les consommateurs chroniques âgés

Benzodiazépines

Pharmacologie : Les benzodiazépines (BZD) sont des substances stimulant le système GABAergique. Elles sont connues pour leurs propriétés hypnotiques, anxiolytiques, myorelaxantes et anti-convulsivantes. Ces actions expliquent leurs indications en cas d’insomnie, anxiété ou épilepsie. Elles sont absorbées dans le tube digestif puis métabolisées par le foie, avec production de métabolites actifs pour certaines d’entre elles. Leur élimination se fait ensuite par voie urinaire. Ces propriétés pharmacocinétiques expliquent le risque d’interaction médicamenteuse et d’accumulation chez les patients comorbides ou ayant une polymédication. La demi-vie est propre à chaque molécule et peut durer de quelques heures à plusieurs jours. Deux molécules apparentées aux BZD (ZOLPIDEM et ZOPICLONE), sont également présentes sur le marché. Bien que leurs structures moléculaires soient différentes de celles de BZD, ces deux molécules agissent également sur le système GABAergique. Elles ont cependant une fixation sélective sur les récepteurs GABA-A, expliquant leur profil hypnotique plutôt qu’anxiolytique .

Sujets âgés

Vieillissement de la population : A l’échelle française comme à l’échelle européenne, la population vieillit. En 2020, les plus de 65 ans représentaient 20,5% de la population française avec une tendance au vieillissement qui devrait se poursuivre sur les prochaines décennies. Selon les projections de l’INSEE, les plus de 65 ans devraient représenter un quart de la population en 2040. Modifications physiologiques liées à l’âge : Chez les sujets de plus de 65 ans, les modifications physiologiques liées à l’âge nécessitent de prendre des précautions particulières lors de la prescription de BZD. La majoration de la sensibilité aux récepteurs GABA ainsi que la diminution du métabolisme hépatique et le ralentissement de l’élimination urinaire peuvent entraîner une accumulation de molécule et un surdosage, responsables d’EI plus fréquents et plus graves . On retrouve également un effet résiduel diurne avec ralentissement psychomoteur plus marqué qu’à l’âge moyen .
Il existe aussi des modifications physiologiques du SNC, liées à l’âge, ce qui explique que les sujets âgés soient plus sensibles aux troubles mnésiques et que la confusion et la sédation soient plus marquées lors de la prise de BZD.
La structure du sommeil est également altérée avec l’âge, entraînant un sommeil plus léger et fragmenté . La prévalence des plaintes concernant le sommeil augmente donc chez les sujets âgés et sont responsables d’une majoration des prescriptions inadaptées d’hypnotiques dans cette population . Devant des plaintes répétées, une alternative non médicamenteuse doit être proposée en première intention ou éventuellement un traitement appartenant à une autre classe thérapeutique, présentant moins d’effets indésirables.

Consommation de benzodiazépines chez les sujets âgés

Etat des lieux : Plus de 30% des sujets âgés de plus de 65 ans consomment des psychotropes. Parmi les utilisateurs de BZD, 2/3 sont des femmes. La consommation augmente avec l’âge et atteint 38,3% chez les femmes de plus de 80 ans . Le ZOLPIDEM est la molécule la plus utilisée chez les personnes âgées. Des prescriptions inadaptées sont retrouvées dans 2/3 des cas : durée de prescription trop longue, posologie trop élevée, présence d’une contre-indication, BZD à demi vie longue chez les patients âgés .
Recommandations versus réalité : Les recommandations concernant la durée de prescription des BZD ne sont pas modifiées chez les patients âgés. Il est cependant recommandé de privilégier les BZD à demi-vie courte, sans métabolite actif afin d’éviter l’accumulation du médicament et de réduire les doses . Il y a une dizaine d’années, l’assurance maladie a mis en place la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Le but de ce système est de faire évoluer les pratiques, en rémunérant les médecins libéraux lorsqu’ils atteignent des objectifs de santé publique définis par la convention. Ces objectifs sont régulièrement mis à jour. A l’heure actuelle, deux ROSP spécifiques aux médecins généralistes concernent les BZD et sont basées sur les recommandations de l’HAS. La finalité de ces mesures est d’obtenir un taux de nouvelles prescriptions de BZD à visée anxiolytique durant plus de 12 semaines et hypnotique durant plus de 4 semaines inférieur à, respectivement, 9% et 30%.

Les BZD, un statut particulier

Dans notre étude, les participants avaient des lacunes concernant l’ensemble des médicaments figurant sur leur ordonnance. Contrairement à la littérature, le niveau d’éducation n’était pas corrélé au niveau de connaissance des traitements habituels .
Les connaissances des participants concernant leur BZD étaient particulièrement insuffisantes. Les BZD étaient rarement citées spontanément, même par les participants qui connaissent leurs autres médicaments. De plus, ils ne faisaient pas de distinction entre les propriétés anxiolytiques et hypnotiques de leur BZD. Ces résultats sont concordants avec les données de la littérature puisque 2/3 des patients âgés ne connaissent pas l’indication de leur BZD .
Les BZD avaient un statut particulier et étaient mises en opposition avec les autres traitements. Les autres médicaments présents sur l’ordonnance étaient considérés comme «curatifs» et parfois «dangereux». Les patients ne les modifiaient pas sans l’accord du médecin. A contrario, la méconnaissance des BZD et de leurs EI justifiait l’ajustement que les patients entreprenaient seuls. Ne considérant pas les BZD comme de « vrais » médicaments, ils se permettaient de modifier la posologie ou d’arrêter le traitement, de leur plein gré, sans avis médical. Comme montré dans la littérature, les BZD avaient un caractère indispensable par la variété des bénéfices qu’elles apportaient. Les participants avaient un fort attachement émotionnel à ce médicament, profondément ancré dans leur vie quotidienne.

Table des matières

Introduction 
1. Benzodiazépines 
a. Pharmacologie
b. Effets indésirables
c. Consommation
d. Recommandations
e. Modalités d’arrêt
2. Sujets âgés 
a. Vieillissement de la population
b. Modifications physiologiques liées à l’âge
c. Polymédication
d. Consommation de benzodiazépines chez les sujets âgés
3. Déprescription
4. Justification du travail et question de recherche 
Matériel et méthode 
1. Choix de la méthode
2. Population et recrutement
3. Matériel 
4. Analyse des données 
5. Recherche bibliographique 
6. Ethique 
Résultats 
1. Caractéristiques de la population étudiée 
2. Connaissances du traitement habituel 
a. Médicaments hors BZD
b. Les BZD
3. Médicaments que les patients souhaitent arrêter de consommer 
4. Rituel et dépendance
a. Rituel
b. Dépendance
5. Diminution ou arrêt de la BZD 
6. Déprescription
a. Connaissances
b. Tentative de déprescription antérieure
c. Absence de déprescription antérieure
d. Bénéfices attendus à l’arrêt de la BZD
e. Craintes des patients à l’arrêt de leur BZD
7. Relation médecin – patient 
a. Relation de confiance
b. Relation dégradée
c. Implication du patient dans la prise en charge
d. Perception du rôle du médecin par les participants
Discussion 
1. Méthode 
a. Forces
b. Limites
2. Discussion des résultats 
a. Les BZD, un statut particulier
b. Minimisation et banalisation des BZD
c. Dépendance
d. Ambivalence des patients
e. Déprescription
f. Sevrage
g. Place du médecin généraliste
h. Relation médecin – patient
3. Perspectives 
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes 

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