Dispositions abrogatoires, transitoires et finales

Population et analyse descriptive

Notre échantillon se compose de 101 dossiers archivés de jeunes qui ont entre 10 et 18 ans. Au niveau de la répartition du genre, 41 garçons et 60 filles ont été recensés. L’âge moyen est de 14,72 ans. Concernant les caractéristiques du placement, la durée moyenne d’un séjour est de 32,8 jours. Il y a 63,4 % de jeunes qui vivent un placement instable (plus de 2 changements) et 15,8 % des jeunes entament leur second séjour d’affilé dans un SRU. De plus, aucun projet post-SRU n’a été mis en place pour 15,8% des jeunes durant leur séjour. Pour les caractéristiques familiales, avoir deux parents séparés est la structure familiale la plus fréquente chez les jeunes (43,6 %). Six adolescents sur 10 n’ont pas de contact avec leur père durant leur séjour et un peu moins de 4 jeunes sur 10 n’ont pas de contact avec leur mère durant leur séjour. Quant à la scolarité, moins de 4 jeunes sur 10 sont scolarisés durant leur séjour et plus de 3 jeunes sur 10 sont en décrochage scolaire. L’information du type d’enseignement était disponible chez seulement 67 enfants, c’est pourquoi nous avons décidé de ne pas exploiter ces données. La description complète des caractéristiques démographiques, relatives au placement, familiales et scolaires des jeunes placés en S.R.U se trouve dans le tableau 1. Avant d’effectuer nos analyses statistiques, nous avons également réalisé une analyse descriptive des comportements problématiques rencontrés dans les SRU. Il a été identifié chez plus de 58 % des jeunes des problèmes de comportement. Les comportements autodestructeurs sont les signes les plus présents au niveau des problèmes de comportements intériorisés. Ils sont constatés chez plus de 20 % des sujets. Concernant les comportements extériorisés, ce sont les fugues de plus de 24 h qui sont en première position. En effet, plus de 25 % des adolescents ont fugué au moins une fois durant leur séjour. Plus de 20 % des jeunes manifestent des caractéristiques correspondant au TOP et plus de 37 % au TC. Le détail des résultats descriptifs des comportements problématiques figure dans le tableau 2.

DISCUSSION

Notre recherche démontre que presque 6 jeunes sur 10 présentent des problèmes de comportements au sein des SRU. Les résultats établissent une association entre des comportements problématiques et différentes caractéristiques relatives au placement telles que la durée du placement, l’instabilité du placement, certains motifs de placement ou encore la mise en place d’un projet post-SRU. L’étude confirme donc l’intérêt d’utiliser la GST dans un contexte tel que celui des SRU. Concernant les caractéristiques relatives au placement, les comportements intériorisés ont montré une association significative uniquement avec la durée du séjour. Il faut préciser que les problèmes de comportements intériorisés sont plus difficilement détectables que les problèmes extériorisés. En effet, un adolescent turbulent ou agressif dérange plus qu’un enfant replié sur lui-même et mal dans sa peau (Psycom, 2018). Par conséquent, nous pouvons supposer que les problèmes intériorisés ont pu être plus facilement dissimulés aux intervenants. C’est probablement pour cette raison qu’il est plus facile de repérer ces comportements lors de séjours de plus longue durée. Les études antérieures réalisées sur des séjours à court terme n’ont pas montré de résultats probants concernant la durée du placement (Hindt et al., 2018 ; Leon et al., 2016b). Hindt et al. (2018) expliquent d’ailleurs que ce ne serait pas la longueur du placement, mais le placement lui-même qui affecterait les comportements du jeune. Plusieurs recherches internationales affirment qu’il existe un lien entre l’instabilité du placement et les comportements problématiques chez le jeune (Chambers et al., 2017 ; Franssen et al., 2011 ; Hébert, Lanctôt, & Turcotte 2016 ; James, Landsverk, & Slymen, 2004 ; Koh et al., 2014). Notre étude confirme ces résultats en démontrant des liens significatifs entre l’instabilité de placement et les problèmes de comportements extériorisés, liés au TOP et au TC.

Cependant, aucune relation n’a été trouvée entre l’instabilité de placement et les comportements intériorisés, contrairement aux résultats obtenus par l’étude de Newton, Litrownick & Landsverk (2000). Ils considèrent les problèmes de comportements rencontrés chez le jeune comme étant le résultat de ces perturbations dans le placement, mais également comme pouvant en être la cause (Newton, Litrownick & Landsverk, 2000). C’est donc un cercle vicieux qui risque de s’installer : plus le jeune sera turbulent, plus il risque d’être victime de changement de lieu de vie et plus il risque alors de manifester des comportements problématiques. Hébert et al. (2018), quant à eux, expliquent que des perturbations dans le placement engendrent la perte du sentiment de contrôle et de pouvoir sur la situation pour le jeune. Bien que Hebert et al. (2018) ne le mentionnent pas dans leur étude, la théorie de la GST s’applique parfaitement à leur explication. En effet, l’instabilité engendre une situation de tension chez le jeune et des émotions négatives telles qu’un sentiment de rejet, d’insécurité et de manque de prise en considération de son point de vue. Pour remédier à cette sensation de perte de contrôle sur la situation, le jeune réagit par des comportements problématiques tels que la fugue. Fuguer représente le comportement le plus observé dans les SRU. Plus d’un quart des jeunes ont fugué durant leur séjour et, de ce fait, ont provoqué leur propre instabilité. Pour éviter ce type de comportement, il est recommandé par Hébert et al. (2018) de ne pas réagir de manière répressive, ce qui augmenterait le sentiment de perte de contrôle du jeune.

Il conseille d’employer une approche compréhensive qui légitimerait son mal-être et de trouver avec lui un autre moyen de combler ses besoins en lui permettant de développer une forme d’autonomie au sein même du SRU. Munford et Sanders (2015) donnent une autre explication à ces réactions comportementales, parallèle à celle de Hébert et al. (2018). Pour eux, les comportements perturbateurs des jeunes permettraient d’attirer l’attention des intervenants sur leur situation. Dans ce contexte instable, ces problèmes de comportements peuvent être, pour les jeunes, une forme d’opposition et de protestation face à l’injustice subie. Les résultats de notre étude démontrent que quasiment 64 % des jeunes vivent un placement 15 instable. Pour une intervention efficace face à cette problématique, Munford et Sanders (2015) recommandent de favoriser l’écoute et l’investissement des jeunes dans la prise de décision, afin qu’ils puissent exprimer leur inquiétude autrement que par des comportements turbulents. Pour parvenir à impliquer le jeune, les intervenants doivent créer un lien et un climat de confiance avec lui. Cependant, cela n’est pas toujours évident lorsque celui-ci a une image négative du service à cause de son historique de placement instable (Harder, Knorth & Kalverboer, 2011 ; Withington, Burton, Lonne & Eviers 2016). Ce lien est d’autant plus difficile à créer dans un service tel que les SRU, car le placement est de courte durée et les jeunes n’ont donc pas toujours envie de s’investir (Graça, Calheiros, Patrício, & Magalhães ,2018 ; Storhaug, Kojan & Fjellvikås, 2018).

En résumé, le sentiment de perte de contrôle sur la situation que peut ressentir le jeune est une explication du lien existant entre l’instabilité de placement et les problèmes de comportements. Pour améliorer l’autonomisation du jeune, une intervention basée sur la « Self-Determination Theory » (SDT) proposée par Harder (2018) pourrait s’avérer utile. En effet, la SDT est reconnue par de nombreux chercheurs comme permettant d’obtenir des changements comportementaux durables chez le jeune. Cependant, celle-ci est très peu mise en place sous forme de programmes concrets. Le principe de base de cette théorie consiste en l’élaboration d’un service privilégiant trois besoins psychologiques primordiaux qui sont l’autonomie, la relation et la compétence. L’autonomie fait référence au besoin d’avoir une influence sur les choix qui les concernent, la relation équivaut au désir de créer des liens, et la compétence permet d’agir sur leur environnement (Harder, 2018). Selon cette théorie, il faut privilégier les comportements volontaires au détriment de ceux réalisés sous la contrainte ou obtenus grâce à une récompense matérielle. Si le but est d’obtenir un changement réel et durable chez le jeune, la motivation doit provenir d’un choix et de motivation personnelle (Teixeira, Palmeira et Vansteenkiste, 2012). Pour développer cette motivation, il est nécessaire d’offrir au jeune un suivi permettant son autonomie au sein du service. En se basant sur cette théorie, l’intervention a pour but de solliciter la réflexion du jeune sur les motivations personnelles qui l’inciteraient à changer de comportement plutôt que de rechercher à corriger sa conduite et la conformer aux attentes du service. Ce type d’intervention est approprié à l’adolescence, période durant laquelle se développe le besoin d’autonomie.

CONCLUSION

Face à l’absence de recherches menées au sujet des SRU en Belgique, cette étude avait pour ambition de mesurer les différents facteurs de tension présents au sein de ce type de service et d’évaluer leur relation avec les comportements problématiques des jeunes. Dans un premier temps, notre étude a démontré une prévalence importante de problèmes de comportements. En effet, presque 6 jeunes sur 10 sont concernés. Les chiffres ont également confirmé l’existence d’un contexte anxiogène au sein des SRU affecté par l’instabilité des placements, l’absence de projet post-SRU concret et la déscolarisation conséquente des jeunes. Ces différents facteurs sont liés aux problèmes comportementaux identifiés. Enfin, concernant les deux institutions sociales incluant la famille et l’école, seule la scolarité est associée aux comportements problématiques. Au vu des résultats de notre étude, trois axes d’action nous paraissent intéressants à développer afin d’améliorer la prise en charge de ces jeunes et ainsi réduire le nombre de comportements problématiques : (1) diminuer les « turnovers » dans les SRU, (2) mettre en place d’un projet post-SRU précis pour chaque jeune avant son départ du service, (3) encourager la scolarité des jeunes ou proposer une alternative à ceux-ci afin de les préparer au mieux à une réinsertion scolaire. De manière générale, notre démarche est de privilégier des actions centrées sur les différentes frustrations qui peuvent engendrer des comportements problématiques plutôt que de vouloir les canaliser directement.

En effet, nous considérons qu’une fois le facteur de stress maitrisé, le jeune disposera des moyens nécessaires pour réguler lui-même son comportement. Selon Harder (2018), les changements de comportements opérés par des motivations intrinsèques des jeunes ont plus de chance de donner des résultats durables que ceux obtenus grâce à des motivations externes. Le risque est alors que le jeune ait des comportements positifs pour s’adapter aux exigences de son nouvel environnement mais que ce dernier, une fois le service quitté, reprenne de mauvaises habitudes. Les multiples résultats significatifs obtenus par cette recherche démontrent que ce sujet mérite d’être approfondi. Certaines variables n’ont pas été abordées dans ce présent travail, comme l’influence des pairs déviants. Cette-dernière est considérée comme étant un des prédicteurs de comportements déviants. C’est d’autant plus vrai dans un contexte institutionnel où les jeunes cohabitent. L’isolation et la culture de groupe singulière augmentent les risques de comportements problématiques (Melkman, 2015). Les SRU, autrefois exclus des recherches réalisées sur les placements des jeunes en institution, ont pourtant un rôle décisif à jouer dans le parcours du jeune. En effet, ces séjours, qui se résument parfois à quelques jours seulement, ne sont pas sans conséquence sur la direction que prendra le jeune. L’erreur serait de restreindre le service à un temps de répit et de rupture pour le jeune. Au contraire, pour nous, il est indispensable de considérer le séjour en SRU comme une période propice aux agissements et à la réflexion.

Table des matières

RESUME
Introduction
Corpus théorique
Théorie Générale de la Tension
Services résidentiels d’urgence
Objectif, questions de recherche et hypothèses
Méthode
Participants
Procédure
Mesures
Stratégie
Résultats
Population et analyse descriptive
Analyses statistiques
Discussion
Limites
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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