Droit des obligations

Droit des obligations

Définition juridique de l’obligation

Le mot « obligation » fait son apparition dans la langue française au début du XIIIe siècle ( 1235 ) pour exprimer l’action d’engager. Comme aujourd’hui, il désigne à la fois l’engagement et l’acte authentique par lequel on s’engage. Ce n’est que plus tard, aux XIVe et XVe siècles, que l’obligation prend le sens plus général de « lien moral » puis de « dette de reconnaissance ». A la fin du Second Empire ( 1868-1872 ), le terme acquiert une nouvelle signification, plus technique : celle de titre négociable ( v. Jean-Baptiste de La Curne de Sainte Palaye, Dictionnaire historique de l’ancien langage françois, publié par L. Favre, Niort, 1876-1882, 10 vol. ; Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française, Paris, 1880-1902, 10 vol. ; Dictionnaire historique de la langue française, sous la dir. de Alain Rey, Le Robert, Paris, 1992, sous l’art. obliger ; G. Piéri, « Obligation », Archives de philosophie du droit, 1990, pp. 221-231 ; Jean Louis Gazzaniga, Introduction historique au droit des obligations, coll. droit fondamental, P.U.F., Paris, 1992, n° 16, pp. 28-29 ). Si le langage courant s’avère moins précis que le vocabulaire juridique, tous deux s’accordent sur le sens du terme obligation : « être obligé » signifie être contraint à quelque chose. En droit romain, il s’agit de la contrainte qui pèse sur une personne pour qu’elle fasse quelque chose, pour qu’elle s’acquitte de quelque chose ( Institutes, 3, 13 ; v. Joseph-Louis-Elzéar Ortolan, Explication historique des Instituts de l’empereur Justinien, 6e éd., Paris, 1857, t. 3, n°s 1177 1179, pp. 127-128 ; Theo Mayer-Maly, « Obligamur necessitate », Zeitschrift der Savigny-stifung für Rechtsgeschichte : Romanistische Abteilung, 83, Weimar,1966, pp. 47-67 ). Le jurisconsulte Paul ajoute que la substance des obligations ne consiste pas à nous rendre propriétaires d’une chose, ou titulaires d’une servitude, mais à astreindre une personne envers nous : soit à transférer la propriété ( dare ), soit à faire quelque chose ( facere ), soit encore à praestare, c’est-à-dire à livrer une chose pour en user ou en jouir, comme dans le cas du louage ( Digeste, 44, 7, 3 )

L’obligation crée un rapport entre des personnes

Emprunté au verbe ligare, signifiant « lier », « attacher », le mot obligatio exprime l’idée de « s’engager dans des liens ». A Rome, son emploi semble tardif : on ne le trouve dans aucun fragment des XII Tables ni dans aucun vestige de la langue juridique de cette période. Ce n’est que progressivement, au terme d’une évolution dont nous connaissons mal les étapes, que les jurisconsultes classiques dégageront l’idée d’un lien de droit entre deux personnes, avec un sujet actif, le créancier ( creditor, reus credendi ), et un sujet passif, le débiteur ( debitor, reus debendi ). Cette définition fait aujourd’hui encore l’unanimité. C’est la première caractéristique de l’obligation, c’est aussi la plus ancienne. Révélée par Ulpien au début du IIIe siècle de notre ère, la notion de lien de droit, vinculum juris, nous a été transmise au VIe siècle par la glose des Institutes de Justinien dite de Turin. Elle en donne une définition assez courte : « Lien de droit, c’est dire le droit, parce que le droit est un lien ». On la retrouve chez Placentin ( + 1192 ), Pierre de Fontaines ( l’auteur du Conseil à un ami ), Philippe de Beaumanoir ( vers 1250-1296 ), Jacques de Revigny ( + 1296 ), dans le Dictionnaire de droit civil et canonique d’Albéric de Rosate ( + 1351 ), chez Balde ( + 1400 ) et enfin au XVIe siècle chez les Maîtres de l’École de Bourges, en particulier Hugues Doneau ( 1527-1591 ). Les anciens commentateurs du droit romain avaient pour habitude de dire : « on lie les boeufs par les cornes et les hommes par les paroles… » ; d’où l’on fit ce vieux proverbe français : « Comme les boeufs par les cornes on lie, aussi les gens par les mots font folie » ; l’espagnol dit également : « Al buey por el cuerno, y al hombre por el vierbo » ( v. les Institutes coutumières d’Antoine Loysel, avec les notes d’Eusèbe de Laurière, Paris, 1846, t. 1, n° 357, p. 359 ). Le mot creditor ( du latin credere, signifiant « croire », « confier » ) implique une notion de confiance. Plutôt que d’exiger satisfaction immédiate, le créancier se fie au débiteur pour l’exécution de l’obligation : toute l’opération repose sur le crédit accordé par le créancier au débiteur. L’obligation, explique Eugène Gaudemet ( 1872-1933 ), « c’est le crédit considéré au point de vue juridique » ( Théorie générale des obligations, publiée par H. Desbois et J. Gaudemet, Sirey, Paris, 1937, p. 10 ; réimp. 1965 ).

L’obligation a un objet

L’obligation a toujours pour finalité d’obtenir un avantage, le plus souvent d’ordre économique : somme d’argent ( pecunia certa ), chose certaine ( res certa ) ou incertaine ( res incerta ), service, prestation, et parfois même une abstention ( non facere ). Cette chose due, la res, c’est ce qu’on appelle vulgairement la dette, le debitum ( Digeste, 46, 2, 1 ; 2, 14, 9 ). Etymologiquement debitum viendrait du latin de habitum ( de habere ), signifiant « avoir en moins » : il y a en effet appauvrissement pour celui qui doit, le débiteur, une diminution de son patrimoine correspondant à la dette. Cependant, le créancier n’exerce pas un droit direct sur la chose due, celle qui doit être transférée ( dandum ). Il ne peut que s’adresser au débiteur qui a pris des engagements. En cela le droit des obligations s’avère très éloigné du régime des droits réels. On doit en effet éviter toute confusion entre le rapport obligatoire unissant le créancier au débiteur et le droit du propriétaire sur la chose. Non seulement le droit réel procure une jouissance immédiate à son titulaire, mais il est durable, il emporte droit de suite et droit de préférence. Le droit de créance, au contraire, ne permet pas au créancier de suivre un élément du patrimoine du débiteur, fût-ce la chose due, entre les mains d’un tiers. Affirmée par les jurisconsultes classiques ( Digeste, 44, 7, 3 ), la distinction fondamentale entre droit personnel et droit réel semble avoir été perçue dès la plus haute Antiquité. Ainsi les XII Tables ( 6, 1a ) distinguent déjà l’acte créant un rapport avec effet obligatoire entre deux parties ( nexum ) de celui qui procure la maîtrise d’un bien ( mancipium ) ; mais d’obligation les juristes ne parlent pas encore.

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