Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy

Le président des riches (Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy)

LE PRÉSIDENT SUR TOUS LES FRONTS

Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, la France est devenue l’un des champs de cette « guerre des classes » où les combats se font nombreux et âpres. Dans la nuit du 6 au 7 mai 2007, un grand conseil de guerre se réunit au Fouquet’s Barrière, un nouveau palace parisien. Nicolas Sarkozy y fête son élection au milieu de ses amis du CAC 40. Une victoire qui est aussi celle de patrons de presse, de politiciens, de vedettes du showbiz et de sportifs célèbres. Deux points communs dans ce patchwork surprenant : la richesse des participants et leurs liens avec l’ancien maire de Neuilly.
Le ton est donné. Dans les semaines et les mois qui suivent, les cadeaux pleuvent. Symboliques, avec une généreuse distribution de médailles de la Légion d’honneur. Plantureux, avec un renforcement du bouclier fiscal et la défiscalisation des droits de succession. Opérationnels, avec des nominations stratégiques au gouvernement et dans les entreprises publiques. Indirects, en supprimant les recettes publicitaires de la télévision publique avec l’espoir de leur transfert sur les chaînes privées. Les puissances d’argent menant le combat, Nicolas Sarkozy s’attaque aux poches de résistance. La politique d’ouverture induit des défections dans le camp de la gauche. Les réformes mettent à mal les collectivités locales. L’indépendance de la presse et celle de la justice sont touchées. Le prolongement de La Défense menace le territoire de Nanterre, le Grand Paris est convoité par les entreprises économiques et financières. Mais le conquérant se heurte à des oppositions, parfois même dans son camp, comme à Neuilly lors des élections municipales de 2008, où il veut imposer le futur maire. Les facilités accordées à la famille de l’émir du Qatar pour une rénovation importante de l’hôtel Lambert à Paris vont mettre en émoi le monde du patrimoine historique. Si la candidature de Jean Sarkozy, fils cadet de Nicolas Sarkozy, à la tête de l’établissement public qui gère le plus grand centre d’affaires européen, La Défense, a été si mal accueillie, y compris parmi les électeurs de droite, c’est peut-être parce qu’il ne faut jamais vendre la mèche… L’arbitraire de la domination et le népotisme ne doivent pas apparaître au grand jour pour laisser aux classes dominées l’illusion que les qualités et le mérite sont bien à la base des choix du président de la République. La guerre sur le terrain s’accompagne d’une guerre psychologique, avec des discours contradictoires et un double langage permanent renforcé à l’occasion de la crise financière de 2008. Elle connaît quelques échecs, lorsque le discours apparaît comme trop en contradiction avec la réalité. Les fanfaronnades de celui qui prétendait vouloir « refonder » le système capitaliste n’ont guère été suivies de mesures. Au contraire, les paradis fiscaux, les fonds spéculatifs, les bonus des traders et les cadeaux aux banques ont permis au capital financier de retrouver de sa superbe.

UNE « DRÔLE DE GUERRE »

Le brouillage idéologique n’est-il pas total ? Le capitalisme est proclamé comme indépassable depuis les échecs du socialisme des pays de l’Est. La loi du marché semble être devenue la forme sociale la plus achevée que puisse atteindre l’humanité. La phase actuelle de cette guerre n’est-elle pas semblable à celle de la « drôle de guerre » de 1939-1940, alors que, le conflit n’étant pas déclaré, les forces populaires attendent, peu disposées à retourner au carnage, tandis que les dominants s’entraînent et préparent l’assaut final ?
Parmi les armes dont disposent les puissants, il faut ajouter, à la force physique et à la propriété des moyens de production, le savoir et notamment celui de la finance mathématisée. Le glaive et l’usine perdent de leur efficacité au profit des logiciels, des mathématiques et des ordinateurs. Financiarisé et mondialisé, le système économique ne profiterait-il plus qu’à ceux qui possèdent les codes d’accès à cette nouvelle planète, unifiée sous l’impérialisme de l’argent ? Les dirigeants français alignent leurs revenus sur les plus élevés à l’échelle du monde, tout en délocalisant les emplois industriels, puis tertiaires vers les zones où le travail est payé au plus bas. Les ouvriers chinois ou philippins sont la référence et les travailleurs français licenciés se voient proposer des emplois de remplacement à des centaines ou des milliers de kilomètres de chez eux, au tarif local, celui de la misère. Mais, pour que cela soit accepté et acceptable, il faut encore que les puissants du monde investissent dans les médias pour contrôler les cerveaux. Dans le magma indistinct de la pensée contemporaine, la lutte des classes est renvoyée aux poubelles de l’histoire. La notion de classe sociale disparaît du langage politiquement correct. Les mouvements sociaux sont dénoncés comme archaïques. Les droits arrachés de haute lutte par les travailleurs, dans les combats du passé, deviennent des privilèges inadmissibles pour les jongleurs de la finance qui, sur un coup de Bourse, peuvent engranger quelques millions au détriment de l’économie réelle. Les effets d’annonce et les manœuvres populistes d’un adversaire qui se présente comme porteur d’un avenir meilleur brouillent les cartes. Dans cette phase, Nicolas Sarkozy ne joue-t-il pas le rôle d’un sauveur qui va pouvoir apporter par la « rupture » les moyens de faire reculer les nuées menaçantes ? Cette bonne volonté simulée a pu séduire quelques personnalités de la gauche que les errements du leader ont sans doute bien vite refroidies. Il reste que ces dévoiements ont accentué le trouble et les interrogations dans une opposition de gauche quelque peu déroutée par l’agitation sarkozyste. Et inquiétée par une personnalisation du pouvoir inusitée. La parole du chef de l’État s’infléchit et se contredit selon les circonstances. Mais les ruptures ne vont-elles pas toujours dans le même sens, celui d’un grignotage systématique des libertés et des acquis sociaux ?Le temps est lourd de menaces, mais on ne sait quand et comment l’orage va éclater. La guerre des tranchées, celle de la société industrielle où patrons et ouvriers étaient dans un face-à-face constant, parfois violent, mais qui avait le mérite de permettre à l’échange d’exister, a laissé la place à un conflit où ceux qui contrôlent la mondialisation, ses échanges multiples et ses flux financiers dominent sans partage. L’arme atomique a remplacé le fantassin. La suprématie aérienne de la haute finance, bien au-dessus de l’économie réelle, empêche d’identifier l’ennemi, puissant mais insaisissable. Ce sont les marchés qui attaquent. Mais qui sont les marchés ? La force de frappe est impressionnante, mais on ne sait d’où vient le coup.

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