Étude de dispositifs photovoltaïques à hétérojonctions a-SifiH/c-Si

Étude de dispositifs photovoltaïques à hétérojonctions a-SifiH/c-Si

Diagramme des bandes 

La structure de bandes idéale d’une hétérojonction de silicium à l’équilibre est couramment représentée selon le modèle d’Anderson [11] (Figure 2-1). Celui-ci permet de déterminer les courbures de bandes à la jonction des matériaux en se basant sur les règles d’alignement des niveaux de Fermi et de continuité du niveau du vide. La position du niveau de Fermi d’un matériau par rapport au niveau du vide est quantifié par la grandeur travail de sortie 𝑞Φ qui représente l’énergie nécessaire à un électron situé au niveau de Fermi pour atteindre le niveau du vide (i.e. pour ne plus être affecté par le champ électrostatique des porteurs de charge avoisinants). Compte tenu de la propriété d’alignement des niveaux de Fermi entre les deux matériaux à l’équilibre, et en prenant pour référence l’énergie de ce niveau, on peut schématiser la variation relative du niveau du vide. Cela permet de déterminer la position énergétique des bandes de conduction dans chaque matériau, référencées par rapport au niveau du vide par leur affinité électronique 𝑞𝜒 (qui représente l’énergie nécessaire à un électron situé dans la bande de conduction pour atteindre le niveau du vide), ainsi que des bandes de valence séparées des bandes de conduction par l’énergie du gap. L’hétérojonction étant par définition constituée de deux matériaux de gaps (𝐸𝑔1 et 𝐸𝑔2) et d’affinités électroniques (𝜒1 et 𝜒2) différents, le modèle d’Anderson prédit la présence de discontinuités de bandes de conduction (Δ𝐸𝑐) et de valence (Δ𝐸𝑣) à l’interface tels que: Δ𝐸𝑐 = 𝑞(𝜒2 − 𝜒1) (2.1) Δ𝐸𝑣 + Δ𝐸𝑐 = 𝐸𝑔1 − 𝐸𝑔2 (2.2) où 𝑞 est la charge d’un électron. La connaissance des paramètres des deux matériaux (énergie du gap, position du niveau de Fermi par rapport à la bande de conduction ou de valence et affinité électronique) permet de prédire les valeurs de Δ𝐸𝑐 et Δ𝐸𝑣, et donc d’estimer les courbures de bande à l’interface. Les paramètres 𝐸 𝑐−𝑆𝑖 𝑔 et 𝜒 𝑐−𝑆𝑖 du silicium cristallin sont aujourd’hui bien connus et les dopages suffisamment maîtrisés pour pouvoir déterminer avec précision la position du niveau de Fermi dans le gap ((𝐸𝑐 − 𝐸𝑓 ) 𝑐−𝑆𝑖) et par conséquent le travail de sortie par la relation: 𝑞Φ = 𝑞𝜒 + (𝐸𝑐 − 𝐸𝑓) (2.3) 17 Figure 2-1 – Diagramme de bandes à l’équilibre d’une hétérojonction de (p)a-Si:H/(n)c-Si selon le modèle d’Anderson. Deux types de techniques de croissance du silicium cristallin sont utilisés de nos jours dans la fabrication de cellules solaires: CZochralski (CZ) et Float-Zone (FZ). En ce qui concerne le silicium amorphe, ses paramètres dépendent des conditions de dépôt. Il n’y a donc pas de paramètres uniques du a-Si:H. Néanmoins ils présentent des caractéristiques similaires qui peuvent donc être estimés au cas par cas grâce au modèle décrit dans la section suivante. Dans le cas de cellules à hétérojonction a-Si:H/c-Si, son épaisseur doit être suffisamment faible pour limiter les pertes par absorption mais d’autre part il faut aussi éviter qu’il ne soit entièrement déplété ce qui induirait une baisse du 𝑉𝑜𝑐, tension de circuit ouvert de la cellule photovoltaïque (voir Annexe D pour la définition). Un a-Si:H trop fin réduirait donc les performances de la cellule. Son épaisseur optimale a été estimée à quelques nanomètres . 

Paramètres du a-Si:H 

Le silicium amorphe, malgré son hydrogénation réduisant le nombre de liaisons pendantes, présente un nombre important de défauts répartis en énergie de façon continue dans la bande interdite. Leur distribution énergétique au sein du gap est prédite par le modèle de Davis et Mott [13] (Figure 2-2). Cette distribution est modélisée par (𝑖) deux exponentielles appelées Queue de Bande de Valence (QBV) et Queue de Bande de Conduction (QBC) ainsi que (𝑖𝑖) deux gaussiennes. Les premières décrivent les états localisés liés au désordre émanant des liaisons Si-Si faibles (i.e. distorsion de longueur de liaisons Si-Si et d’angles de liaisons Si-Si-Si) et les secondes les états profonds correspondant aux liaisons pendantes qui dépendent de la répartition des liaisons Si-H. Dans ce 18 modèle les états sont monovalents, chaque ensemble {𝑒𝑥𝑝𝑜𝑛𝑒𝑛𝑡𝑖𝑒𝑙𝑙𝑒 + 𝑔𝑎𝑢𝑠𝑠𝑖𝑒𝑛𝑛𝑒} représente un type de défauts: soit donneur soit accepteur, chacun ne pouvant prendre que deux états de charge. Les états proches de la bande de valence sont de type donneur (charge positive si vide, charge neutre si occupé) et ceux proches de la bande de conduction sont de type accepteurs (charge neutre si vide, charge négative si occupé). Une variante de ce modèle a été proposée par Powell et Deane [14] et tient compte de l’aspect amphotère des défauts: c’est le modèle du Defect Pool. Chaque état peut alors prendre l’un des trois états de charge: neutre, positif ou négatif. On les appelle aussi états corrélés. Figure 2-2 – Exemple de DOS pour du (p)a-Si:H et position correspondante du niveau de Fermi (dopage: 5.9 × 1019 𝑐𝑚−3 ). La position du niveau de Fermi dans le gap du a-Si:H résulte de l’équilibre entre la charge des porteurs libres et la charge des défauts. Elle peut donc être simulée à partir de la valeur du dopage et de la répartition de la densité d’états de défauts (DOS: Density Of States). Un logiciel a été développé par l’équipe à cet effet (DeOSt). Ce dernier utilise le modèle Defect-Pool pour déterminer la charge issue de la DOS. D’autre part, la forme de la distribution de la DOS du silicium amorphe peut être déterminée expérimentalement par des mesures de PhotoCourant Modulé (MPC) [15]. En faisant concorder les résultats expérimentaux avec la modélisation par ajustement des paramètres de DeOSt on peut alors déterminer un modèle réaliste de la DOS, du dopage et de la position du niveau de Fermi dans le matériau. Pour les simulations numériques utilisées dans le cadre de cette thèse nous utiliserons donc un paramétrage obtenu précédemment avec DeOSt par l’équipe sur des fines couches de silicium amorphe habituellement déposées sur le c-Si lors de la conception des cellules photovoltaïques à 19 hétérojonction. Notons que différents ajustements de paramètres peuvent certainement conduire à des résultats finaux similaires mais dans les travaux de cette thèse le paramètre important reste la position du niveau de Fermi, par conséquent nous ne considérerons pas les autres jeux de paramètres qui peuvent conduire à la même valeur de position de 𝐸𝑓 . Les paramètres que nous avons retenus sont décrits dans les chapitres des résultats. Des mesures de conductivité permettent d’estimer la position du niveau de Fermi dans le a-Si:H à partir de l’énergie d’activation. Les valeurs typiques mesurées dans l’équipe pour un a-Si:H dopé P est situé à 0.4 eV de la bande de valence et pour un dopage N à 0.2 eV de la bande de conduction [16, 17]. Une autre particularité du silicium amorphe est que son gap électrique (ou gap de mobilité) défini par: 𝐸𝜇 = 𝐸𝑐 − 𝐸𝑣 (2.4) est a priori légèrement supérieur au gap optique (1.7 eV [18]). En effet, une partie des queues de bande de valence et de conduction se situe dans les états étendus. Ces états localisés participent donc également à l’absorption des photons, ce qui réduit le gap optique de quelques centaines de meV par rapport au gap de mobilité. Mais dans le cadre des simulations effectuées dans cette thèse nous avons choisi d’utiliser la même valeur pour les gaps optique et de mobilité: 𝐸𝑔 = 𝐸𝜇 = 1.7 eV. L’affinité électronique du a-Si:H peut être obtenue à partir de mesures de capacitance en fonction de la tension (mesures C-V). D’après la littérature elle varie dans la gamme 3.93 ± 0.07 𝑒𝑉 [19]. Une fois les paramètres du a-Si:H connus, il est possible de modéliser le diagramme des bandes de l’hétérojonction avec le modèle d’Anderson décrit dans la section 2.1 et en déduire les propriétés de l’interface décrites dans la section suivante.

 Zone d’inversion et canal de conduction à l’interface de l’hétérojonction 

En observant le diagramme de bandes de l’hétérojonction obtenu avec le modèle d’Anderson on voit apparaître à l’interface côté c-Si une zone d’inversion représentée sur la Figure 2-3a pour un bulk de type N. Cette inversion a lieu lorsque le niveau de Fermi devient plus proche de la bande de 20 valence que de la bande de conduction (𝐸𝑓 −𝐸𝑣 < 𝐸𝑐 −𝐸𝑓 ) ; et inversement pour un bulk de type P lorsque 𝐸𝑐−𝐸𝑓 < 𝐸𝑓 −𝐸𝑣. Cela signifie que les porteurs qui sont minoritaires dans le bulk cristallin deviennent les porteurs majoritaires proche de l’interface. On parle même d’inversion forte lorsque l’écart (𝐸𝑓 − 𝐸𝑣) 𝑖𝑛𝑡 (respectivement (𝐸𝑐 − 𝐸𝑓 ) 𝑖𝑛𝑡 pour du (p)c-Si) devient inférieur à (𝐸𝑐 − 𝐸𝑓 ) 𝑏𝑢𝑙𝑘 (respectivement (𝐸𝑓 − 𝐸𝑣) 𝑏𝑢𝑙𝑘), i.e. la concentration de porteurs majoritaires à l’interface côté c-Si devient plus grande que la concentration de porteurs majoritaires du bulk (Figure 2-3b). (a) (b) Figure 2-3 – Représentation de (a) la zone d’inversion, et (b) la zone d’inversion forte, sur le diagramme de bandes à l’équilibre de l’hétérojonction (p)a-Si:H/(n)c-Si. Cet effet est dû à l’équilibrage des charges entre le a-Si:H et le c-Si. Compte tenu du nombre important de défauts et donc de charges fixes dans le a-Si:H dopé l’équilibrage se fait en quasi-totalité dans le c-Si. Il y a donc une accumulation soit de trous soit d’électrons à cet endroit créant ainsi un canal de conduction latéral important. Cette théorie a été validée expérimentalement au sein de notre laboratoire par des mesures de conductance planaire en température [16, 20]. Le premier type de mesure à permis de le déduire à partir de l’énergie d’activation mesurée. Le second type permet de directement observer l’existence d’un courant important à l’interface à partir de la cartographie en profondeur de l’échantillon. Les mesures de conductance planaire ont par la suite été utilisées pour caractériser la courbure de bandes du c-Si à l’interface ainsi que les valeurs des discontinuités de bandes (Δ𝐸𝑐 et Δ𝐸𝑣) pour les deux types de structures (p/n et n/p) [21, 22, 23, 24]. Ainsi, sur une série d’échantillons provenant de plusieurs laboratoires les valeurs de Δ𝐸𝑐 et Δ𝐸𝑣 ont été estimées à 0.15 ± 0.07 eV et 0.36 ± 0.04 eV respectivement [23]. Ces valeurs sont en bon accord avec les résultats obtenus par d’autres groupes qui utilisent les techniques de Near-UV PhotoElectron Spectroscopy (NUV-PES) et Surface PhotoVoltage (SPV) [25, 26, 27]. Dans les cellules à hétérojonctions de silicium à haut rendement une fine couche passivante de 21 silicium amorphe intrinsèque (i)a-Si:H est ajoutée entre le c-Si et le a-Si:H dopé créant des cellules de types (n/i)a-Si:H/p-cSi et (p/i)a-Si:H/n-cSi dans l’objectif de réduire les recombinaisons à la surface du c-Si. De même que pour le a-Si:H dopé, l’épaisseur de cette couche est sujette à un compromis. En effet, elle doit rester fine pour limiter les pertes par absorption ainsi que sa résistivité qui nuirait au facteur de forme 𝐹 𝐹 (voir Annexe D pour la définition), tout en étant suffisamment épaisse pour assurer une bonne passivation des défauts d’interface. Lorsque cette couche est incorporée dans l’hétérojonction, une partie de la chute de potentiel qui a initialement lieu dans le c-Si se retrouve dans le (i)a-Si:H. En effet ce dernier étant connu pour être moins défectueux que l’amorphe dopé, sa charge totale n’est pas suffisante pour s’équilibrer avec celle du a-Si:H dopé. Par conséquent la chute de potentiel dans le c-Si et donc la passivation par effet de champ diminue en présence de la couche passivante et d’autant plus que son épaisseur augmente car il absorbe une partie de plus en plus importante de la chute de potentiel. Cet effet a été mis en évidence expérimentalement par la technique de conductance planaire [28]. La réduction de l’épaisseur du (i)a-Si:H est donc également importante pour maintenir une passivation par effet de champ suffisante, critère jouant un rôle important dans les performances des cellules solaires. Les spécificités de l’hétérojonction de silicium, i.e. la présence de discontinuités de bandes et d’une zone d’inversion, induisent des effets particuliers sur les caractéristiques courant-tension des cellules solaires fabriquées à base de cette technologie. Plusieurs auteurs ont donc proposé des modèles de mécanismes de conduction différents dans ce type de cellules. Nous les résumons dans la section qui suit.  

Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte actuel de la filière photovoltaïque
1.2 Objectifs des travaux
2 Caractéristiques de l’hétérojonction a-Si:H/c-Si
2.1 Diagramme des bandes
2.2 Paramètres du a-Si:H
2.3 Zone d’inversion et canal de conduction à l’interface de l’hétérojonction
2.4 Etat de l’art des modèles de mécanismes de conduction dans les cellules à hétérojonction a-Si:H/c-Si
2.4.1 Mécanismes de transport à l’obscurité
2.4.2 Mécanismes de transport sous lumière

2.4.3 Forme des courbes I(V) à l’obscurité et sous lumière
2.5 Mécanismes de recombinaison et durée de vie des porteurs
2.5.1 Mécanismes de recombinaison en volume des matériaux semiconducteurs
2.5.1.1 Recombinaisons radiatives
2.5.1.2 Recombinaisons Auger
2.5.1.3 Recombinaisons Shockley-Read-Hall (SRH)
2.5.2 Recombinaisons d’interface et types de défauts à l’hétérojonction de silicium
2.5.3 Durée de vie effective
3 Description des méthodes expérimentales et des méthodes de simulation
3.1 Principe de la mesure de conductivité
3.1.1 Dans le cas d’une couche mince
3.1.2 Dans le cas d’une hétérojonction
3.2 Principe de la mesure de PhotoLuminescence Modulée (MPL)
3.3 Principe de la mesure de PhotoCourant Modulé (MPC)
3.3.1 MPC-HF
3.3.2 MPC-BF
3.4 Description de l’outil de simulation Silvaco ATLAS
4 Étude expérimentale des propriétés d’interface de l’hétérostructure c-Si/a-Si:H
4.1 Mesures de conductance coplanaire pour l’étude des propriétés de l’hétérojonction
4.1.1 Description des échantillons
4.1.2 Résultats des mesures de conductance planaire
4.2 Couplage des techniques de PhotoCourant (MPC) et PhotoLuminescence Modulées
(MPL) pour l’étude de l’interface c-Si/a-Si:H
4.2.1 Description du banc expérimental
4.2.2 Mesures de PhotoLuminescence Modulée
4.2.2.1 Mesures MPL sur les quarts de wafers
4.2.2.2 Comparaison avec les meures de PCD (Sinton)
4.2.2.3 Mesures MPL sur les échantillons clivé
4.2.2.4 Simulation de la technique MPL
4.2.2.5 Détermination de la densité de défauts d’interface
4.2.3 Mesures de PhotoCourant Modulé
4.2.3.1 Résultats de mesures
4.2.3.2 Simulation de la technique MPC
4.2.3.3 Étude de la sensibilité de la mesure MPC à quelques paramètres 
4.2.4 Conclusions et perspectives
5 Application de l’hétérostructure c-Si/a-Si:H dans des dispositifs à base de nanofils à jonction radiale
5.1 Contexte de l’étude
5.1.1 Projet SOLARIUM
5.1.2 Choix de la structure à modéliser
5.1.3 Simulations TCAD préliminaires
5.2 Réalisation du couplage électrique/optique
5.2.1 Simulations optiques
5.2.2 Couplage
5.3 Résultats de simulations
5.3.1 Étude de l’influence des cellules radiale et planaire sur l’efficacité de la cellule
complète à base de nanofils
5.3.2 Une couche tampon pour limiter la dégradation de l’efficacité de la cellule
5.4 Conclusions et perspectives
6 Conclusions et perspectives
Annexes
A Description des paramètres de modélisation des défauts dans le a-Si:H
B Modèle analytique de la conductance appliqué à une hétérojonction
C Principe de la mesure du Déclin de PhotoConductance (PCD)
D Définition des paramètres clés définissant les performances d’une cellule photovoltaïque
Bibliographie
Communications de l’auteure

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