Évaluation de la collaboration interprofessionnelle entre Médecins Généralistes et Kinésithérapeutes

Relation médecin-infirmière

La relation Médecin-Infirmière est étudiée depuis plusieurs décennies, de par l’ancienneté respective de ces deux professions et, de par leur rôle central dans les systèmes de soins. Dans les années 80, les travaux de Baggs sur la collaboration médecin-infirmière ont montré un effet bénéfique pour les patients. Les infirmières trouvent un intérêt supérieur, une vision plus positive de la collaboration que les médecins . Les infirmières déclarent qu’une mauvaise relation et collaboration avec les médecins est une grande source de stress professionnel , et peux même conduire à se désengager de leur profession . Alors qu’une interaction quotidienne avec les médecins influe fortement sur le moral des infirmières . Les infirmières doivent acquérir des compétences efficaces en matière de collaboration interprofessionnelle car la grande majorité des publications éligibles indiquent au moins un résultat améliore suite à des interventions basées sur la collaboration interprofessionnelle . Enfin, les infirmières ont exprimé des attitudes plus positives à l’égard de la collaboration entre médecins et infirmières dans les pays ou le modelé complémentaire est érige en modèle, comparativement à un modèle plus hiérarchique des rôles . La création des infirmières en pratique avance découle du concept de collaboration interprofessionnelle, en augmentant les compétences des infirmières on pense faciliter le travail des médecins et leur dégager plus de temps pour leur patient. Au Canada et aux États-Unis cette pratique a été introduit depuis les années 1970 , en France cette pratique est apparue en 2016 lors de la promulgation de la loi sur la modernisation des systèmes de santé.

Relation médecin et autres professionnels de santé

La collaboration interprofessionnelle a aussi été étudiée avec d’autres professions de santé, notamment dans des structures de soins avec des équipes pluridisciplinaires.
Le thème de la domination des médecins et leur contrôle sur les professions paramédicales est souvent abordé, une approche hiérarchique du transfert de connaissances est perçu comme une stratégie inefficace pour solliciter l’engagement des personnels soignants . Les paramédicaux ne se sentent pas considérés comme égaux professionnels vis-à-vis des médecins. Ils pensent que les médecins ne connaissent pas suffisamment leur profession respective, même s’ils déclarent avoir suffisamment d’autonomie et être en mesure de discuter des instructions des médecins, ainsi que de leur offrir des conseils ou des suggestions . Une étude, évaluant la collaboration interprofessionnelle entre sept professionnels de santé en Italie du Nord, suggère que le fait que toutes les professions non médicales aient déclaré avoir les relations les moins favorables avec les médecins, soulève la possibilité qu’il soit nécessaire d’aborder les relations hiérarchiques traditionnelles qui affectent la qualité de leurs relations de travail . La connaissance des relations existant entre les différentes professions peut être considérée comme une étape essentielle pour la prise de conscience des problématiques existantes qui doivent être abordées. Ce n’est qu’alors que les interventions conçues pour permettre et promouvoir la collaboration interprofessionnelle auront une chance d’être mises en œuvre . L’enquête de Wieser et al. montrait une perception positive de la collaboration interprofessionnelle, malgré une hétérogénéité dans le niveau de collaboration exprimé suivant les professions de santé, ce que confirme Carradore et al. dans une étude en Italie du nord où les aides-soignants, les infirmiers et les médecins collaborent plus régulièrement que d’autres professions, comme les sage-femmes, les kinésithérapeutes et les psychologues, qui ont moins l’occasion de travailler ensemble . L’absence de collaboration entre certaines professions avait déjà été mise en évidence . Une étude au Quatar, en 2021, sur 1400 soignants confirme l’attitude positive et une volonté de collaboration interprofessionnelle tout en mettant en évidence que les obstacles ou les facilitateurs à cette collaboration sont plus conceptuels que structurels. Une étude canadienne sur la collaboration interprofessionnelle concernant les audioprothésistes et les orthophonistes soulève la nécessité de changements dans les politiques ministérielles, réglementaires et administratives pour faciliter la collaboration Interprofessionnelle dans les environnements de pratiques multidisciplinaires. Un article dans Actualité Pharmaceutique en 2021 montre l’intérêt de l’exercice coordonné en soin primaire, où le pharmacien a pleinement sa place et à la nécessité d’apprendre à travailler ensemble notamment grâce à l’éducation interprofessionnelle . Enfin, une méta-analyse en 2010 de Foy et al. sur les relations interactives entre médecins généralistes et spécialistes montre des effets cohérents et cliniquement importants, ainsi qu’ un rôle potentiel de la communication interactive pour améliorer l’efficacité de la collaboration entre les soins primaires et les spécialistes .

Relation médecin-kinésithérapeute

Il est légitime de penser que la kinésithérapie est la profession paramédicale se rapprochant au plus près de la médecine de part un raisonnement clinique, un diagnostic kinésithérapique et de part une prise en charge thérapeutique . Cette indépendance intellectuelle et ce champ de compétence propre ne peut qu’influencer la collaboration interprofessionnelle. Ross et al. suggéraient en 1980 que les kinésithérapeutes souhaitent renforcer les liens avec les médecins sans pour autant être satisfaits de la performance des médecins en tant que chef d’équipe . A la même époque, les kinésithérapeutes souhaitaient une meilleure accessibilité et une meilleure communication avec les médecins, alors que les médecins voulaient une communication brève avec des données objectives, claires fournies par les kinésithérapeutes . Silva et al démontraient en 1981 que les médecins pensaient que les kinésithérapeutes n’avaient pas les compétences d’évaluation et d’autonomie de jugement .. Ce n’est qu’à la fin des années 80 que Ritchey et al. suggéraient qu’une plus grande autonomie professionnelle serait susceptible d’être acquise par les kinésithérapeutes en faisant prendre conscience aux médecins de l’étendue des capacités des thérapeutes (élargissement du rôle), plutôt qu’en légiférant sur des normes de cursus et de licence plus strictes (amélioration du statut) . L’ensemble de ces problématiques, comme nous allons le voir, est encore présent de nos jours dans la relation médecin-kinésithérapeute. L’attitude des médecins à l’égard de la profession de kinésithérapeute est relativement faible et a un impact négatif sur l’utilisation de la kinésithérapie . Les médecins ont tendance à voir les kinésithérapeutes comme des techniciens plutôt que des collègues professionnels , ceci nuisant à la bonne pratique de la collaboration interprofessionnelle. Le manque de connaissances des médecins dans le domaine de la kinésithérapie est largement repris dans la littérature et, est un des paramètres expliquant les difficultés de collaborations entre les deux professions . Un rapport en 2009 en France de l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé rapporte que les Médecins ont une représentation de la kinésithérapie qui se construit empiriquement, faute de formation initiale. Les médecins généralistes semblent ainsi entretenir une relation relativement distante avec les kinésithérapeutes, le patient se trouve généralement placé en situation d’intermédiaire et de relais entre les deux professions.
Il ne s’agit donc pas ici d’une relation confraternelle comme elle peut exister avec les spécialistes. Ce manque de connaissances perturbe donc la relation. Une étude au Nigéria a montré que les médecins ayant eu une formation en kinésithérapie dans leur cursus ont une image plus positive, en affirmant même que les physiothérapeutes étaient suffisamment bien formés pour prendre des décisions cliniques sur le traitement de leurs patients. A l’opposé, une barrière à la collaboration rapportée par les médecins est le manque de preuves sur l’efficacité de la kinésithérapie . D’ailleurs Huhn et al. en 2019, dans une analyse de concept, remarquaient qu’il restait encore beaucoup à faire pour développer le concept de raisonnement clinique en physiothérapie, y compris le rôle du mouvement dans notre raisonnement en pratique.
De plus en 2021, une revue de littérature de Kleiner et al. suggère que les qualité d’un bon kinésithérapeute sont avant tout dans la relation humaine kinésithérapeute-patient, et souligne l’importance d’équilibrer les compétences techniques avec une manière d’être relationnelle . Les kinésithérapeutes souhaitent être mieux formés . L’ouverture de la kinésithérapie à la recherche clinique va sans doute améliorer les relations et valoriser les kinésithérapeutes comme le montre de récentes études, notamment Madsen et al. en 2021 , qui prouvent que les kinésithérapeutes et les chirurgiens orthopédiques ont trouvé le même diagnostic, et ont proposé le même traitement dans la prise en charge de pathologies de l’épaule en ambulatoire, lors de consultations indépendantes réalisées le même jour sur 69 patients. Ils soulignent également qu’une communication étroite, une relation égale et respectueuse, et des compétences professionnelles ont été mises en avant par les deux professions, renforçant la collaboration interprofessionnelle. Mais, à l’inverse, la concurrence d’autres professions paramédicales (ostéopathe, chiropracteur, ergothérapeute) et l’émergence de nouvelles pratiques (ostéopathie, kinésiologie) par les kinésithérapeutes peut induire un flou sur le champ de compétence de toutes ces professions, et rendre les médecins soupçonneux quant au traitement alloué à leurs patients . Cette nouvelle concurrence amène une perception négative de la collaboration interprofessionnelle par les kinésithérapeutes par rapport aux ergothérapeutes, chiropracticiens, ostéopathes qui désirent plus travailler en collaboration . Caradore et al. ont montré en Italie du Nord que les kinésithérapeutes collaborent moins que les autres professions paramédicales classiques.

Le temps de l’autonomie de la kinésithérapie ?

La législation sur l’accès direct met en évidences des incohérences entre les pays de la Confédération Mondiale de Physiothérapie (WCPT). Bury et Stoke en 2013 remarquent que l’accès direct est répandu en Afrique mais beaucoup moins en Europe, de même qu’ aux Etats-Unis où certains états le pratique et d’autres non .
Historiquement, l’accès direct à la kinésithérapie est né dans l’état du Nebraska aux Etats Unis et en Australie en 1977. Au fil des années, plusieurs états américains ont suivi cette réforme. Au Canada, c’est dans les années 1980 qu’il est apparu. En Europe, le pionner de l’accès direct fut le Royaume-Unis en 1997, puis les Pays bas en 2006 et l’Irlande en 2013 . Cependant, il est important de préciser que l’accès direct dans ces pays ne permet pas un remboursement par les assurances des séances de kinésithérapie. En France, l’état a entrepris en novembre 2021 une expérimentation en autorisant les kinésithérapeutes à exercer leur art sans prescription médicale pour une durée de trois ans et dans six départements . La position de la confédération mondiale de la physiothérapie (WCPT) sur l’autonomie est que les kinésithérapeutes « peuvent agir en tant que praticien de premier contact, et les patients/clients peuvent rechercher des services directement sans être référés par un professionnel de santé » . L’objectif pour les systèmes de santé de recourir à l’accès direct est de réduire les dépenses de santé, de diminuer le nombre de consultations des médecins pour des pathologies pouvant être traitées par des paramédicaux et ainsi, pouvoir désengorger les cabinets de médecine de ville. En 2014, Ojha et al. publient une revue de littérature montrant qu’il existe des preuves dans les études de niveau 3 et 4 (niveau de recommandation du CEBM de grade B à C) que la physiothérapie par accès direct, comparée aux épisodes de soins référés, est associée à de meilleurs résultats pour les patients et à une réduction des coûts. La kinésithérapie par accès direct peut contenir les coûts des soins de santé et promouvoir des soins de santé de haute qualité. Les tiers payeurs devraient envisager de payer la kinésithérapie par accès direct afin de réduire les coûts des soins de santé et d’encourager des résultats optimaux pour les patients . En 2018, Pisciteli et al, en Italie, lors d’une nouvelle revue de littérature abondent dans le même sens, en suggérant que l’accès direct à la physiothérapie est faisable d’un point de vue clinique et économique . En 2020, Babatunde et al. montrent dans une revue de littérature que des preuves cohérentes, bien que limitées, suggèrent que le triage des patients atteints de maladies musculo-squelettiques et les services d’accès direct conduisent à des résultats cliniques comparables avec une consommation de soins de santé plus faible, et peuvent aider à gérer la charge de travail des médecins généralistes .
Encore, plus récemment en 2021, Demont et al., dans une nouvelle revue de littérature sur l’efficacité de la kinésithérapie en accès direct pour des troubles musculo-squelettiques, suggèrent que la physiothérapie en accès direct pourrait fournir de meilleurs résultats en termes d’incapacité, de qualité de vie et de coûts de soins de santé par rapport aux soins médicaux primaires dirigés par un médecin pour les patients souffrant de troubles musculo-squelettiques, mais pas pour les résultats en termes de douleur . Comme nous venons de le voir, de nombreuses études abondent dans l’intérêt de l’accès direct. En 2012 Pendergast et al. montraient que l’accès direct n’entraînait pas une surconsommation de soins, ni une discontinuité des soins pour des patients âgés de moins de 64 ans . En 2015, Mintken et al. montrent que des étudiants ne courent qu’un risque minime, voire nul, de négligence lorsqu’ils sont évalués et traités par des physiothérapeutes dans un centre de santé universitaire en accès direct .

Table des matières

INTRODUCTION
1.1 LA COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE
1.2 OBJECTIF PRINCIPAL DE L’ETUDE
1.3 HYPOTHESE
1.4 CRITERE DE JUGEMENT PRINCIPAL
1.5 CRITERE DE JUGEMENT SECONDAIRE
1.6 CONCLUSION
ETAT DES LIEUX DES DEUX PROFESSIONS
2.1 DEMOGRAPHIE
2.1.1 Les kinésithérapeutes
2.1.2 Les médecins
2.1.3 Comparaison des deux professions
2.2 RAPPEL DES COMPETENCES DES KINESITHERAPEUTES
METHODE ET RESULTATS
3.1 TYPE D’ETUDE
3.2 SELECTION POPULATION ETUDIEE
3.3 . INSTRUMENT UTILISE
3.3.1 L’échelle IPC
3.3.2 Le questionnaire annexe
3.4 ANALYSE STATISTIQUE
3.5 RESULTATS
3.5.1 Participation à l’étude
3.5.2 Caractéristique de la population d’étude
3.5.3 Profil des participants
3.5.4 Résultats échelle IPC
3.5.5 Résultats questionnaire annexe
DISCUSSION 
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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