Expansion des floraisons d’algues nuisibles dans le monde

Expansion des floraisons d’algues nuisibles dans le monde 

Depuis les 30 dernières années, il semble que les phénomènes de floraisons d’algues nuisibles prennent une expansion géographique importante, et que leur fréquence et leur intensité soient aussi en forte augmentation (Figure 1.1., Hallegraeff, 1998; Anderson et al., 2007; Taylor et al. , 2008). Les explications de cette augmentation mondiale peuvent inclure une augmentation du nombre des études scientifiques directement liées au développement rapide de l’industrie de l’ aquaculture ainsi qu’à l’ amélioration des contrôles de qualité des produits de la pêche (Hallegraeff, 1998). Mais d’autres hypothèses ont aussi été proposées pour expliquer cette expansion. En effet, une fraction de cette expansion pourrait être reliée au transport des espèces nuisibles par l’intermédiaire des eaux de ballast des navires mais aussi par l’importation de coquillages pour la conchyliculture (Bolch et Hallegraeff, 1990; Lilly et al. , 2002). De plus, la stimulation des floraisons d’algues nuisibles peut aussi être imputée dans certains cas au phénomène d’eutrophisation. En effet, l’ eutrophisation des eaux côtières par le biais d’apports d’ effluents industriels, agricoles et/ou domestiques pourrait favoriser l’augmentation de la production phytoplanctonique globale mais aussi celle des espèces nuisibles (Anderson et al. , 2002). Certaines études récentes, ont mis en évidence le lien entre l’augmentation des algues nuisibles et l’ apport de nutriments dans différentes régions du monde (Glibert et al. , 2006 ; Anderson et al., 2008).

En effet, une augmentation du ratio azote/silice favoriserait le développement des dinoflagellés et autres flagellés au détriment des diatomées (Hallegraeff, 1993 ; Anderson, 1995). La réduction de la pollution et des apports nutritifs dans la mer intérieure du Japon depuis les années 1970 a fortement diminué le nombre de floraisons d’ algues nuisibles (Shimada et al. , 2010). Le même constat a été fait dans la mer Noire (Vershinin et al., 2006). De plus, l’ apport de nutriments par le biais des rivières ne varie pas seulement en quantité (influencé par les fortes pluies et autres facteurs environnementaux) mais aussi dans leur composition (en fonction des fertilisants employés dans les bassins versants). En effet, la production mondiale des fertilisants contenant de l’urée et leur utilisation a nettement augmenté (représente plus de 50% des utilisations, Glibert et al. , 2006). Les concentrations d’urée retrouvées dans les eaux côtières et estuariennes sont considérablement élevées et représentent une grande fraction du total d’azote organique dissous. En effet, l’urée est utilisée comme substrat azoté par de nombreuses espèces de phytoplancton côtier, notamment par certaines algues nuisibles. Il semblerait que l’augmentation globale des cas documentés d’intoxication paralysante par les mollusques entre 1970 et 2009 , correspondrait à celle de l’utilisation d’urée (Glibert et al., 2006). Ces changements de composition en faveur de l’urée ont donc amené des variations dans les apports nutritifs, qui semblent favoriser et intensifier le développement des floraisons toxiques à travers le monde (Anderson et al., 2002). Enfin, il semble aussi que la déforestation et les pluies acides favorisent les floraisons nuisibles par l’augmentation des substances humiques dans les environnements côtiers (Granéli et Moreira, 1990). Avec l’ expansion rapide des problèmes liés aux floraisons d’algues nuisibles il devient de plus en plus important de chercher à comprendre la dynamique et les facteurs de contrôle de ces floraisons.

Floraison d’algues nuisibles: les dinoflagellés 

Panni les différents groupes phytoplanctoniques impliqués dans les floraisons d’algues nuisibles, le groupe des di no flagellés représente celui qui possède le plus d’espèces toxiques. La réussite de certaines espèces de dinoflagellés tels qu’Alexandrium tamarense est liée à la particularité de son cycle de vie qui est caractérisé par une phase végétative planctonique, suivie par une phase sexuée menant à la fonnation de kystes de donnance qui se retrouvent dans les sédiments de surface.

Sur les 2000 espèces de dinoflagellés marins décrites, seulement 13 à 16% sont connues pour produire des kystes de résistance ou de donnance (Head, 1996). De telles cellules représentent un rôle important en ce qui concerne le potentiel de dispersion, la survie en conditions défavorables mais aussi la recombinaison génétique par l’intennédiaire d’une phase de reproduction sexuée.

Cycle de vie des dinoflagellés
Le cycle de vie de nombreux dinoflagellés comprend une phase asexuée (haploïde) et une phase diploïde sexuée  . Pendant la phase asexuée, des divisions répétées des cellules par fission binaire peuvent amener rapidement une prolifération de cellules végétatives et mobiles qui vont pennettre le développement de la floraison. La phase sexuée commence lorsque les cellules végétatives produisent des gamètes qui fusionnent pour fonner un planozygote (grande cellule mobile à quatre flagelles). Ce planozygote peut rester dans la colonne d’eau quelques jours, puis perdre ses flagelles et sa thèque pour fonner un kyste de dormance benthique qui va sédimenter au fond (Anderson, 1998). Après une période de donnance dans les sédiments (période de maturation physiologique durant laquelle les kystes de donnance ne peuvent pas genner), les kystes peuvent genner pour donner une grande cellule, peu pigmentée et mobile, le planoméiocyte, qui donnera par la suite deux cellules haploïdes par méiose. C’est le début d’une nouvelle phase végétative (Anderson, 1998). La fonnation des kystes de donnance pennet aux populations de dinoflagellés de survIvre aux conditions défavorables. Les kystes présents dans les sédiments constituent un réservoir benthique pour l’initiation de nouvelles floraisons toxiques. De plus, l’alternance entre les phases haploïdes et diploïdes représente une adaptation permettant l’exploitation de deux niches saisonnières (Anglés et al., 2010). Le déclenchement entre ces deux formes transitoires peut-être lié à des changements de température, de lumière, de turbulence, à la présence de substances nutritives, à l’abondance des cellules, à la composition chimique endogène et exogène et même à des gaz (Steidinger, 2010).

Le dinoflagellé Alexandrium tamarense 

Distribution d’Alexandrium sur la côte Est de l’Amérique du Nord
Panni les nombreux genres de phytoplancton associés à la problématique des floraisons toxiques, le genre Alexandrium est celui qui inclut le plus d’espèces toxiques (Anderson, 1998; Taylor et al., 2008). Sur la trentaine d’espèces appartenant à Alexandrium environ la moitié sont connus pour produire des toxines paralysantes, incluant: A. acatenella, A. catenella, A. cohorticula, A. fundyense, A. ostenfeldii, A. minutum, A. tamarense et A. tamiyavanichii (Anderson et al., 2011). De plus, le complexe d’espèces Alexandrium tamarense, est fréquemment associé aux phénomènes de toxicité. La distribution de ce complexe à l’échelle mondiale inclut plusieurs espèces toxiques soit A. tamarense, A. fundyense, A. ostenfeldii et/ou A. catenella (Erdner et al., 2010). Les trois premières sont présentes sur la côte Est de l’Amérique du Nord. Plusieurs des espèces de ce complexe produisent un composé chimique appartenant à la famille des neurotoxines appelé la saxitoxine et ses dérivés (Anderson, 1998). Les mollusques se nourrissant de ces algues vont accumuler des concentrations dangereuses de ces saxitoxines. La consommation de ces mollusques contaminée (et donc des saxitoxines) peut bloquer le transfert de l’influx nerveux chez les mammifères pouvant conduire dans les cas extrêmes à la mort par asphyxie (Cembella et al., 1988; Cembella et Therriault, 1989). Ce type d’intoxication est appelé « Intoxication Paralysante par les Mollusques » (lPM, Blasco et al. , 1998).

Le long de la côte Atlantique, les problèmes liés à l’IPM s’étendent du New Jersey jusqu’à l’estuaire du Saint-Laurent (ESL) en passant par Terre-Neuve  . Anderson et al. (1994) ont distingué plusieurs sous-populations distinctes. En effet, on retrouve principalement A. fundyense et A. tamarense sur les côtes des États-Unis tandis qu’A. tamarense et A. ostenfeldii sont retrouvés dans l’Estuaire du Saint-Laurent (Anderson et al. , 1994; Levasseur et al., 1998; Anderson et al., 2005a).

Les problèmes liés à l’IPM sont documentés au Canada depuis près de 100 ans mais ne touchent le Nord des États-Unis que depuis une cinquantaine d’années (Prakash et al., 1971 ; Anderson et al., 1982 ; Anderson et al., 1994 ; Anderson, 1997). Au Canada et tout particulièrement au Québec, depuis 1880, environ 300 cas d’IPM ont été recensés dont 25 mortels (Blasco et al., 1998). Ceci est directement lié au fait que dans l’estuaire ainsi que le golfe du Saint-Laurent, la toxicité retrouvée dans les mollusques dépasse largement la norme acceptée pour la consommation (80 Ilg SIX eql 100 g de chair, correspondant à environ 1000 cellules·L-‘, Blasco et al., 1998; Blasco et al. , 2003).

Table des matières

CHAPITRE 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 Expansion des floraisons d’algues nuisibles dans le monde
1.2 Floraison d’algues nuisibles: les dinoflagellés
Cycle de vie des dinoflagellés
1.3 Le dinoflagellé Alexandrium tamarense
Distribution d’Alexandrium sur la côte Est de l’Amérique du Nord
Les floraisons toxiques d’Alexandrium tamarense dans l’Estuaire du SaintLaurent
1.4 Objectifs
CHAPITRE 2 DISTRIBUTION SPATIALE DES KYSTES BENTHIQUES D’ALEXANDRIUM TAMARENSE DANS LES SÉDIMENTS DE SURFACE DE L’ESTUAIRE DU SAINT-LAURENT
2.1 Résumé en français
2.2 Spatial distribution of Alexandrium tamarense resting cysts in surface
sediment from the St. Lawrence
Introduction
Materials and Methods
Sampling
Preparation of sediment samples
Cyst identification and enumeration
Cyst viabili ty
Granulometrie analysis of sediments
Mapping procedures
Paralytic shellfish poisoning data
Statistical and spatial analysis
Results
Cyst concentration and distribution
Comparison with earlier data
Bloom progression in 2008 and shellfish toxicity in 2008 and 2009
Granulometry
Cyst viabiIity
Discussion
Conclusion
CHAPITRE 3 CONCLUSION 

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