Faiblesse de l’execution de la servitude penale comme facteur de la criminalite

Les crimes se commettent et portent toujours préjudice à la société. Une personne physique ou morale peut être lésée par une infraction commise dans son milieu, contre elle ou son bien. C’est ainsi que le législateur a érigé un certain nombre de comportement en infraction car portant atteinte à l’équilibre social . C’est au législateur de déterminer, à un moment donné, dans notre société, ce qui est suffisamment dangereux pour légitimer une sanction pénale . Le fait d’ériger en crime une action ou une omission entraine deux conséquences : il donne à l’acte défendu une gravité particulière et, dans certains cas, il amène même la loi pénale à formuler le contenu de la règle dotée d’une sanction . La présence du délinquant dans la société menace la sécurité publique et lorsque l’ordre social est troublé par une infraction, il faut punir le coupable car la sauvegarde de la paix sociale l’exige . C’est à l’Etat de punir les fautes pénales commises par les membres de la communauté soit à l’intérieur du territoire national, soit en-dehors de celui-ci.

La peine face à la criminalité devra avoir de mécanismes adaptés pour être efficace pour la lutte contre la criminalité. Le ministère public est appelé à exécuter la servitude pénale en vertu de l’article 109 du décret du 6 aout 1959 portant Code de Procédure Pénale congolais. Cette servitude pénale permet de neutraliser le criminel pour la société en général sans garantir qu’il ne puisse commettre d’autres infractions en prison. La neutralisation vise à empêcher le coupable de commettre de nouvelles infractions. Outre la neutralisation, la peine de prison joue d’autres fonctions pour le condamné comme la dissuasion, l’expiation, la réadaptation appelée amendement ou réinsertion. La peine de prison est la seule qui permet de répondre aux quatre logiques de justifications de la peine à la foi.

L’expiation est le fait de faire souffrir la personne condamnée. Cette fonction de la peine est présente dans l’étymologie même de la sanction pénale.Il est une exigence profonde et irrésistible de la nature humaine que le mal soit rétribué par le mal, comme le bien doit être récompensé d’un bienfait. C’est pour cette fonction qu’il est affirmé que « la peine efface le crime » . Mais la souffrance que doit procurer la peine est appréciée relativement à la personne qui la subit car il faut qu’elle se retrouve dans les mauvaises conditions qu’avant sa condamnation pour apprécier la souffrance de la peine. Pour ce qui est de la réadaptation, Raymond GASSIN indique qu’elle implique trois postulats : « le respect de la loi est le résultat d’une socialisation de l’individu, de son adaptation à la vie sociale; le délit commis est la conséquence d’une socialisation ou adaptation insuffisante ou manquée; cette carence peut être comblée par une action de réadaptation sociale». La prison doit être un moyen de resocialiser le criminel afin de prévenir la récidive. Mais les prisons congolaises ne sont toujours aptes à la réadaptation . L’amendement des condamnés est la fonction de la prison qui permet le mieux de justifier son existence. La dissuasion générale vise à intimider l’ensemble de la société de ne pas commettre les crimes. Ainsi, l’exécution de la servitude pénale permettra de diminuer la criminalité dans la société.

L’Etat étant lésé par l’infraction commise dans la société et sa sécurité étant menacée par la liberté du délinquant et parce qu’il se réserve le monopole de sanctionner les comportements infractionnels en vue de diminuer la criminalité, et d’assurer la sûreté personnelle des citoyens étant le véritable but de la société, l’officier du ministère public devrait exécuter diligemment la servitude pénale afin d’épargner la société de la dangerosité du délinquant. Cependant, le jugement prononçant la servitude pénale ne prononce pas toujours l’arrestation immédiate et l’article 110 du code de procédure pénale dispose que « si le jugement ne prononce pas l’arrestation immédiate, le ministère public avertit le condamné à la servitude pénale qu’il aura à se mettre à sa disposition dans la huitaine qui suivra la condamnation devenue irrévocable ». Cette disposition ne rassure pas la sécurité publique bien qu’il y ait déjà un jugement de condamnation et pratiquement elle trouve difficilement application au regard du taux élevé de détention préventive . Par exemple, une étude menée en 2017 à la prison centrale de Bukavu montre que sur les 1536 détenus on compte 1010 prévenus -qui attendent le jugement- et 476 condamnés. Dans ce contexte il est difficile de faire application de l’article précité car son application suppose un prévenu en liberté et le chiffre ci-haut montre que la majorité de condamnés sont en détention avant le verdict. La détermination criminelle met en difficulté l’exécution d’une telle disposition car il se révèle moins aisé pour un délinquant en liberté de se soumettre volontairement au jugement prononçant la servitude pénale. L’alinéa 2 de l’article précité indique que « sur la décision du juge ou du président de la juridiction qui a rendu le jugement, ce délai (huitaine) pourra être prolongé » et ainsi, soit que cette disposition ne pourra pas s’appliquer pour éviter de donner une occasion au condamné de se soustraire à l’emprisonnement, soit qu’il s’applique avec risque pour le condamné de se soustraire à l’emprisonnement et de demeurer un danger pour la sécurité publique. Certaines mesures d’exécution exceptionnelle prévues à l’article 111 du Code de Procédure Pénale comme l’arrestation immédiate par l’OMP même quand elle n’a pas été ordonnée par le juge, présenteraient aussi de difficulté d’application dans la lutte contre la criminalité au regard de la possibilité pour le criminel de se soustraire à justice avant qu’il ne soit arrêté.

Sur le plan pédagogique :
Ce travail permet d’appréhender et d’approfondir les notions du droit pénal sur la peine, de criminologie sur la détermination criminelle, de procédure pénale sur l’exécution de la servitude pénale, de droit et science pénitentiaires sur l’emprisonnement et d’initiation à la recherche scientifique sur la recherche, l’analyse et la rédaction. Cela dans la mesure où ce travail vient aborder les aspects de la procédure pénale dont l’effectivité souffre par le phénomène criminel ; il vient étudier un facteur du crime qui découle de l’application de certaines dispositions du code de procédure pénale comme nous aurons à le voir.

Sur le plan scientifique :
La présente étude permet d’apporter un regard scientifique vers l’exécution de la servitude pénale en évitant le risque de condamner sans prévenir ou diminuer la criminalité par l’emprisonnement. Elle permet d’envisager d’autres mesures d’exécution qui ne laisseraient pas le criminel en état de se soustraire à l’exécution de la servitude pénale et de récidiver. Les mesures de répression ne sont pas à l’abri de conduire à un facteur de la criminalité si elles sont mal exécutées. Le crime est, depuis toujours, un problème qui ressortit à la morale d’une part, et au droit pénal d’autre part .

Sur le plan social :
La condamnation d’un criminel a plus de signification aux yeux de la société où l’infraction a été commise et plus particulièrement à la personne préjudiciée. Cette étude présente un intérêt pour la société dans la mesure où elle est plus affectée par la commission des infractions et surtout si les délinquants auront un moyen d’échapper à l’exécution de la servitude pénale en restant libre dans la société. L’exécution d’une décision judiciaire est de grande importance dans la prévention contre la récidive et la lutte contre la criminalité et c’est dans l’intérêt de la société. La servitude pénale permettant de neutraliser le délinquant, ses mesures d’exécution doivent assurer cette finalité. Le but des châtiments n’est autre que d’empêcher le coupable de nuire encore à la société et de détourner ses concitoyens de tenter des crimes semblables .

Il est vrai que ce travail vient aborder un angle pénal sur la prévention de la criminalité en étudiant les failles de l’exécution de la servitude pénale pouvant conduire au crime. Ce travail permet de renforcer l’exécution de la servitude pénale en démontrant aux organes chargés de l’exécution l’impact que l’inexécution présente vis-à-vis de la société et de redonner le crédit et la confiance aux instances judiciaires et d’assurer la lutte contre la récidive en mettant le délinquant hors d’état de nuire.

Table des matières

INTRODUCTION
I. PROBLEMATIQUE
II. HYPOTHESES
III. METHODOLOGIE
IV. INTERET DU SUJET
IV.1. Sur le plan pédagogique
IV.2. Sur le plan scientifique
IV.3. Sur le plan social
V. DELIMITATION DU SUJET
V.1. Sur le plan géographique
V.2. Sur le plan temporel
V.3. Sur le plan matériel
VI. PLAN DU TRAVAIL
PREMIER CHAPITRE : EXECUTION DE LA SERVITUDE PENALE ET CRIMINALITE
SECTION I : APERCU SUR L’EXECUTION DE LA SERVITUDE PENALE
§ .1. Servitude pénale
1. Notion
2. Exécution
§.2. Problème d’exécution de la servitude pénale
§.3. Obstacles d’exécution de la servitude pénale
3.1. Obstacles légaux d’exécution
3.1.1. Voies de recours
A. Appel
B. Opposition
C. Effets de l’inexécution de la servitude pénale sur la criminalité
C.1. Comment estimer ce délai raisonnable face à l’attente de la société
C.2. Réaction criminelle populaire en cas d’inexécution de la peine de prison
C.3. Justice populaire : une réaction à la défaillance du système pénal
3.1.2. Efficacité de la huitaine avant l’exécution de la servitude pénale
3.1.3. Application de l’article 110 du CPP dans l’exécution de la SP
3.2. Autres obstacles d’exécution de SP
SECTION : SERVITUDE PENALE ET PREVENTION CRIMINELLE
§.1. Neutralisation du condamné
1. La prison face à la fonction dissuasive de la peine
A. Prison et prévention du crime
A.1.Survivance des crimes en dépit de la condamnation à une peine de prison
A.2. Le détenu, victime de ses codétenus
§.2. Réaction criminelle à l’emprisonnement
1. Hédonisme criminel
2. Rationalité du criminel
DEUXIEME CHAPITRE : L’INCIDENCE DE L’EXECUTION EXCEPTIONNELLE FACE A LA PREVENTION DU CRIME
SECTION I : EXECUTION EXCEPTIONNELLE COMME LUTTE CONTRE LA CRIMINALITE
§.1. Arrestation immédiate
1. L’arrestation immédiate face aux voies de recours
A. En cas d’appel
B. En cas d’opposition
2. Conditions d’arrestation immédiate
A. Crainte du juge à l’inexécution de la servitude pénale
B. Taux de la peine et les circonstances graves et exceptionnelles
C. Prévenu en liberté
§.2. Arrestation anticipée
§.3. L’exécution effective de la servitude pénale comme lutte contre la criminalité
CONCLUSION

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