Fonctions de l’addiction

Fonctions de l’addiction

La recherche du plaisir est la fonction qui apparaît en premier concernant la consommation de drogue. Cette quête de plaisir vient supplanter celle en provenance du sexuel, peut être en raison de l’inhibition du comportement exploratoire de la sexualité infantile, rendu impossible par les traumatismes vécus. En effet, « plaisir et exploration, curiosité, se combinent […] au sein de la sexualité infantile et du sexuel qui en dérive. Ils se combinent pour ouvrir au déploiement d’un autre enjeu qui les accompagne et les suppose : l’appropriation subjective. Le plaisir est nécessaire à l’intégration psychique, à l’appropriation subjective et au fonctionnement d’un moi-sujet  » sous le primat du principe de plaisir  » et de sa forme transformée, celle du principe de réalité. On connaît la célèbre formule de Freud,  » le narcissisme secondaire est repris à l’objet « , on insiste moins sur ce qu’implique ce processus. S’il s’agit de  » reprendre à l’objet « , et particulièrement de reprendre à l’objet, par le biais des développements des autoérotismes, les sources et objets de plaisir que celui-ci  » détenait  » fantasmatiquement au sein des formes narcissiques primaires, c’est pour pouvoir  » se  » donner celles-ci, les prendre pour soi. »168 La prise de drogue serait une façon de trouver le plaisir sans passer par l’objet, sans risquer d’ôter à l’objet ses capacités de plaisir, sans craindre ses représailles. Il y a alors désinvestissement de l’objet et absence de satisfaction. L’emprise s’exerce sur « l’objet-drogue », dans une tentative d’oublier l’objet. « La dépendance qui les lie à leurs expériences sensorielles est pour eux plus contenante, plus sécurisante, que le lien de dépendance à un objet, toujours à même de se montrer décevant ou traumatique »169. Pourrait-on parler de « plaisir d’organe »170 ? L’organe en question étant le cerveau.

Une remarque peut être apportée sur les couples de toxicomanes qui sont dans une relation de double narcissique, prenant soin de l’autre en lui trouvant, voire lui injectant, le produit attendu. Cependant, cette recherche de plaisir masque beaucoup d’autres fonctions dans l’usage de drogue, que je vais développer maintenant. Dans ce chapitre, je ferai l’hypothèse, en premier lieu, des fonctions défensives du recours aux drogues. Le pluriel est nécessaire car selon le système défensif préexistant qui a pu être mis en place (voire son absence), et restant forcément insatisfaisant, la drogue sera utilisée pour le relâcher ou le renforcer. Lors de l’exposé de mes premières hypothèses, j’ai souligné la fonction désinhibitrice des drogues qui viendraient lever des défenses construites en forme de faux self. Il me faut maintenant préciser que ce type de défense correspond à une soumission à l’objet empiétant171. Soumission qui ne permet pas au vrai self de s’exprimer. Comme nous l’avons vu précédemment, dans ce cas-là, la drogue permet non seulement de retrouver une connexion avec le vrai self, mais sert aussi à recréer une enveloppe protectrice contre les excitations externes. De cette façon, le sujet reprendrait le contrôle de son monde interne, en quelque sorte par appropriation du nouveau système défensif qu’il met en place, si ce n’était la dépendance chimique implacable qui s’abat alors sur lui suite à l’adoption de cette stratégie.

Il se peut qu’à l’inverse il y ait eu rébellion violente contre l’objet sous forme d’explosion émotionnelle incontrôlable et dans ce cas-là, l’usage de drogue viserait à défendre le moi de ses passions, lesquelles constituent des excitations internes traumatiques. C’est l’hypothèse d’une fonction de régulation affective. Apaiser sa violence interne ou animer ce qui en soit donne le sentiment d’exister fournit l’impression d’une maîtrise de son comportement. Green écrit en 1973 : ̏La toxicomanie est nécessaire au toxicomaniaque pour lutter contre le sentiment de vide affectif172. De tels patients se plaignent de se sentir complètement démunis de l’intérieur, comme s’ils étaient en état de dénutrition affective permanente. […]. L’élection du toxique se fera en fonction de ses effets sur l’affect. Tout ce qui peut engendrer un état d’affect – signe de vie – sera investi totalement contre le silence affectif – signe de mort. La toxicomanie est une lutte contre ce qu’on pourrait appeler une frigidité narcissique, un sentiment de misère affective, comme on parle d’une misère physiologique dans les carences graves. Mais cette revitalisation est mortifère.

 

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