L’ARRIÈRE-PLAN GÉNÉRALE DE LA MUTILATION SEXUELLE FÉMININE
La signification précise
L’expression Mutilations Sexuelles Féminines désigne toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pratiquée à des fins non thérapeutiques ». (OMS 2008 :1). Les termes d’excision et de mutilation génitale féminine expriment le même phénomène. L’intervention se passe normalement quand la fille a entre 4 et 12 ans. Dans certaines cultures, cela est fait en très bas âge, c’est-à-dire juste une semaine après la naissance de l’enfant, mais aussi parfois tardivement, c’est-à-dire juste avant le mariage ou après le premier accouchement (Center for reproductive right 2003 :7).
Avant, la terminologie utilisée pour qualifier la pratique était “la circoncision féminine” mais cause des conséquences physiques et mentales différentes entre ces deux pratiques, qu’il s’agisse de l’homme ou de la femme, on a fait le choix d’utiliser une terminologie différente pour ces deux pratiques (UNICEF 2005a:1).
Les types
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) classifie le MSF en quatre types (OMS 2008:4). Cette classification est faite par types par rapport aux différentes zones dans le monde où se pratique les MSF et ceci peut faciliter la recherche sur les conséquences vécues sous chaque type. Il existe différentes variantes de l’excision au niveau de chaque type recensé. L’OMS a fait une modification de la typologie en 2000 pour avoir une classification plus précise, détaillée et plus exacte (WHO 2008 :4 et 23) :
Type I Clitoridectomie, “Ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce”
Type Ia : ” ablation du capucin clitoridien ou du prépuce uniquement”
Type Ib : ”ablation du clitoris et du prépuce.”
Type II Excision, “Ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres”.
Type IIa, “ablation des petites lèvres uniquement”
Type IIb, “ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres”;
Type IIc, “ablation partielle ou totale du clitoris, des petites lèvres et des grandes lèvres”. Type III Infibulation, “Rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris”. Type IIIa,”ablation et accolement des petites lèvres; Type IIIb, ablation et accolement des grandes lèvres”.
Type IV Les formes non classifiées, à cette catégorie on trouve toutes les blessures sur l’organe génital féminin pour des raisons non médicales par exemple gratter, brûler ou piquer et ronger. Approximativement dans 75% des pays ou le MSF existe, ce sont les types de clitoridectomie et l’excision qu’on pratique le plus fréquemment. On estime que 85% des cas reportés de MSF viennent du même type. (Shell-Duncan & Hernlund 2000:9)
L’origine
L’origine de la pratique de l’excision des femmes est diffuse mais on sait que la pratique a existé depuis l’Égypte antique. Dans des tombes de l’Égypte antique on a trouvé des momies féminines qui ont des traces d’infibulation (Johnsdotter 2002:61) et les peintures murales des montrent le processus de l’excision. (Hejll 200:7). On sait également que même certains esclaves égyptiens pratiquaient l’infibulation. (Johnsdotter 2002:61). On pense que la MSF est une pratique qui est apparue sous les pharaons et leur élite. Ceci était une façon de diminuer les risques d’infidélité chez les consorts féminins. Au fil du temps cette pratique a été adoptée par la classe sociale inférieure. Ainsi, elle permettait à certaines personnes d’accéder à une classe sociale plus élevée par le mariage de leur fille excisée avec des dignitaires du pharaon. Finalement, l’excision est devenue une pratique généralisée dans toute la société égyptienne ancienne et plus encore, une convention sociale pour un potentiel mariage chez les femmes (UNICEF 2005a:12). Une hypothèse plausible est que la pratique a débutée en Égypte pour se propager ensuite par la voie du commerce (Hejll 2001:7) et à travers les peuples nomades subsahariens (Socialstyrelsen 2005:2). Il arrive que certains groupes pratiquent la MSF après un déplacement dans de nouvelles régions. Certaines communautés adoptent la MSF sous l’influence de la cohabitation avec d’autres groupes sociaux (OMS 2008:7).
Malgré le fait que la MSF ne soit pas prescrite par les religions, elle est pratiquée chez les musulmans, les chrétiens et les animistes. La pratique a existé en Afrique depuis plus de deux mille ans, c’est-à-dire bien avant le Christianisme et l’Islam (Socialstyrelsen 2005:2). Lorsqu’une grande majorité des gens qui pratiquent la MSF est musulmane, elle justifie son action par l’Islam. Cependant, cette pratique n’est pas écrite ou recommandée dans le Coran. La majorité des musulmans dans le monde n’exerce pas la pratique. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Libye, qui sont des pays musulmans en Afrique, constituent des exemples types dans ce cas (UNICEF 2005a:12). Dans d’autres pays africains comme l’Éthiopie, le Kenya et la Tanzanie, c’est une grande majorité chrétienne qui pratique la MSF. C’est le facteur ethnique qui est plus déterminant que le facteur religieux dans la caractérisation de la pratique de l’excision. (UNICEF 2005b:10)
Il est important aussi de noter que la MSF a existé même en Europe. On a procédé à l’ablation du clitoris chez les nymphomanes, les homosexuels et les gens sexuellement sur-actifs (Socialstyrelsen 2005:3). En Suède, la pratique a existé jusque dans les années 1930. Elle était pratiquée et ordonnée par certains médecins légitimes qui ont considéré la pratique efficace contre l’hystérie, la maladie mentale et la sexualité sur-active (Hejll 2001:9).
La prévalence
Comme susmentionné, on estime qu’il y a environ 130 millions de femmes excisées dans le monde (UNICEF 2005a:1) et 2 millions de filles risquant d’être excisées chaque année, c’est-à-dire six milles filles par jour (Hejll 200:11). La prévalence de femmes excisées et des types d’excisions pratiquées diffèrent d’un pays à l’autre et d’une zone à l’autre dans le pays. Par exemple, le Niger compte 5% de femmes excisées contre 99% en Guinée. Généralement les pays de l’Afrique de l’Est (Égypte, Érythrée, Éthiopie et Soudan) détiennent les pourcentages de femmes excisées les plus hauts en Afrique. Par contre, le Kenya et la Tanzanie qui se situent au sud de l’Afrique de l’Est ont des prévalences plus basses. Dans un pays comme le Nigéria, la prévalence nationale est de 19% mais au sud du pays celle-ci est de 60%, alors qu’au nord on a une prévalence comprise entre 0% et 2%. Ceci montre qu’il y’a une grande variation au niveau de chaque pays et au sien même du pays. (UNICEF 2005a:3)
La pratique de MSF existe surtout sur le continent africain où elle est recensée dans 28 pays. Des cas d’MSF sont pratiqués aussi dans certaines ethnies au sud de la presqu’île arabique, dans certains groupes ethniques en Inde, en Indonésie, en Amérique Centrale et en Amérique du Sud. Avec le phénomène de migration, on peut trouver des femmes excisées ou des filles qui seront excisées dans des zones d’où elles ne sont pas originaires, comme en Europe par exemple (WHO 2008 :4). Il est important de noter que, selon la division de l’OMS qui est déjà mentionnée plus haut, chaque société pratique différents types de MSF.
Les complications sanitaires
Il est considéré qu’il existe plusieurs conséquences sur la santé de la femme, dues à la mutilation sexuelle féminine comme des infections et des problèmes divers qui sont décelés chez les femmes et les filles qui ont subi la pratique. La MSF cause des problèmes psychologiques, étant donné la façon dont elle est faite. Les filles sont immobilisées de force et excisées. L’infibulation, qui reste la forme la plus dure, est faite sur les filles qui restent attachées plusieurs jours voir plusieurs semaines après l’intervention. On distingue des conséquences immédiates et des conséquences à long terme. D’une part, les conséquences immédiates ne sont connues que quand les femmes excisées se rendent dans des centres de Santé. Ainsi, il est difficile d’évaluer l’impact réel de ces conséquences qui ne sont décelées que tardivement. Il y a donc des indications vers les conséquences à long terme qu’on identifie comme étant les douleurs chroniques, les infections, la diminution du plaisir sexuel et les conséquences psychologiques telles que les états de stress post-traumatique. Lors de l’excision, les filles sont soumises à des douleurs intenses. L’anesthésie est rarement pratiquée ou lorsqu’elle est faite, son efficacité n’est pas garantie. Il arrive que la douleur, lors de l’intervention, dure entre 15 et 20 minutes comme c’est le cas avec la mutilation de type III. La douleur dure tout le temps de la cicatrisation qui est plus difficile pour le type III. Le risque de choc dans ce cas peut être causé par la douleur et/ou l’hémorragie (OMS 2008 :12).
Il y a certaines études qui ont affirmé qu’il existe des conséquences qui surviennent lors de l’accouchement et dont les causes sont liées à la mutilation sexuelle. Selon l’OMS les femmes ayant subi les mutilations sexuelles courent plus de risques de complications lors de l’accouchement que les femmes qui ne l’ont pas subie. Le risque de complications croît avec la gravité de la mutilation subie c’est -à -dire qu’elles sont liées au type de mutilation subie.
Om estime que les complications liées à la mutilation sexuelle ne s’arrêtent pas à la mère et seulement à l’accouchement mais elles peuvent s’étendre au nouveau-né. Le taux de décès périnatals chez les nouveau-nés est plus élevé chez les femmes ayant subi une mutilation sexuelle. Il a même été estimé que sur 100 accouchements, un à deux nouveau-nés décèdent et que les conséquences peuvent être imputées aux mutilations sexuelles.
Les conséquences notées ci-dessus sont identifiées chez les femmes excisées qui accouchent au niveau des centres hospitaliers. Il est donc aisé de comprendre que les conséquences sont plus graves chez les femmes excisées qui accouchent en dehors des centres hospitaliers (OMS 2008 :12).
Toutes ces complications engendrent aussi des risques sanitaires qui sont liées aux conditions environnementales et psychologiques d’exécution de l’excision. L’absence de précautions sanitaires (exemple l’utilisation du même instrument d’excision) lors des interventions expose les femmes à des risques de contaminations liées au VIH-SIDA et au tétanos qui sont une cause de mortalité majeure.
Pendant la durée de cicatrisation, quelques fois d’autres problèmes tels que des difficultés pour déféquer, des problèmes de ralentissement de la menstruation et des problèmes pour uriner apparaissent. Ce dernier est causé par le gonflement, les œdèmes et la douleur. Au-delà de simples douleurs, les infections de l’appareil urinaire et de l’appareil vaginal peuvent causer des complications mortelles. En effet, les infections de l’appareil urinaire peuvent remonter jusqu’aux reins, aboutir à une insuffisance rénale, à la septicémie et à la mort.
Les conséquences psychologiques sont liées aux différentes complications sanitaires causées par la mutilation sexuelle. Il existe, selon certaines études, une plus grande probabilité de craintes de rapports sexuels, d’états de stress post-traumatique, d’anxiétés, de dépressions et de pertes de mémoire. Enfin, il faut noter qu’il est établi un rapport entre les mutilations sexuelles et l’infertilité (OMS 2008).
Les raisons
Il existe différentes raisons qui justifient la pratique de l’excision. Ces raisons diffèrent d’une région à l’autre et d’une ethnie à une autre. Alors, on ne peut donner une réponse évidente à la question de « pourquoi on pratique l’excision ? ». La MSF est une coutume acceptée normalement par les femmes et les hommes, ceci est la réponse standard donnée à chaque fois qu’on pose la question du pourquoi: (WHO 2008:5) (UNICEF 2005b:17)
C’est une « bonne » coutume.
Pour préserver la virginité jusqu’au mariage et mettre la femme à l’abri d’un acte immoral.
Pour diminuer l’envie sexuelle et minimiser les risques d’infidélité.
Pour prétendre au mariage car une femme non excisée n’est pas considérée comme capable de se marier.
Passage à la vie adulte. Pour être « propre ».
Pour rendre l’organe génital plus beau.
C’est une recommandation de la religion. Pour se familiariser avec la souffrance.
Pour comprendre les difficultés à transformer une conviction sociale, il est important de donner une illustration. En effet, on peut s’imaginer un groupe qui regarde une pièce de théâtre sur une scène; le groupe est debout et quelqu’un entre pour demander au groupe de s’assoir sur les chaises libres déjà existent. Certaines personnes comprennent le message et s’asseyent mais comme tout le monde n’a pas compris, il est difficile pour ceux qui sont assis de voir la scène alors ils se demandent pourquoi s’assoir ? Donc, dans la société où l’excision se pratique les gens qui veulent arrêter la pratique sont soumis à la pression sociale et à un regard critique de la société (WHO 2008:13).
Crime contre les droits humains
Aujourd’hui, la MSF est reconnue comme étant une atteinte aux droits humains mais elle n’était pas considérée comme telle avant. En effet, les gens pratiquaient la MSF entre eux dans le cadre normatif de leur société. Elle était considérée comme un acte privé car étant pratiqué par des individus et non par des acteurs publics comme l’État ou ses représentants. De plus, il existait une certaine tolérance de la MSF qui était considérée comme une action traditionnelle qui a contribué à bâtir une identité collective des gens qui pratiquaient le phénomène (UNICEF 2005a :16). La MSF va à l’encontre de plusieurs conventions sur les droits des femmes et les droits des enfants :
1) Le droit à la vie.
2) Le droit à l’intégrité physique.
3) Le droit de jouir de la meilleure santé possible (y compris, à la maturité, la santé reproductive et sexuelle).
4) Le droit d’être à l’abri de toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales.
5) Le droit de l’enfant au développement, à la protection et à la participation.
Comme pratique coutumière néfaste, la MSF est citée dans deux documents internationaux sur les droits humains qui sont considérés comme des lois. Il s’agit de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) de 1979 et la convention relative aux droits de l’enfant (CDE) de 1989. Les États signataires de cette convention (article 5) sont tenus de :
• …Prendre toutes les mesures appropriées pour modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes. » (UNICEF 2005a).
La MSF au Sénégal
Le Sénégal est un pays qui compte 12 millions d’habitants avec environ 20 ethnies (Landguiden). Selon l’OMS, 28% des femmes sénégalaises sont excisées (WHO 3) Au plan national, la prévalence varie d’une zone géographique à une autre. Le caractère multiethnique du Sénégal est un facteur essentiel qui influence aussi la prévalence. Elle varie d’une ethnie à l’autre par exemple pour les Wolofs et les Sérères, elle est de 2% et de 78 % pour les Soninkés. En général, les ethnies qui pratiquent l’excision se localisent dans la même zone alors on remarque que dans la région de Kolda une prévalence très importante (94%) et très faible dans les régions de Fatick, Diourbel et Louga (6%) (UNICEF 2005c:7). Au Sénégal, la MSF est un “rite de village” c’est-à-dire un rite collectif et est normalement réalisé quand les filles ont entre 2 et 11 ans mais cet intervalle d’âge varie selon le groupe ethnique (WHO 1999:112). Le type le plus normal de MSF au Sénégal est le type II (Rahman & Touba 2000:206).
Figure 2.6 La Prévalence de MSF par région au Sénégal chez les femmes de 15-49 ans UNICEF 2005c
La loi nationale
Depuis janvier 1999 il existe une loi nationale contre l’excision des femmes dont la punition va de six mois jusqu’à cinq ans. La loi punit aussi bien une personne qui viole l’intégrité de l’organe génital féminin que la personne qui a l’intention de le faire. Le premier cas d’arrestation suite à la nouvelle loi a déjà été fait en août 1999. Le père d’une fille de 5 ans avait dénoncé à la police la mère et la grand-mère de sa fille qui lui avait fait subir la MSF.
Les deux femmes ont été arrêtées mais la police n’a pas pu localiser la personne qui avait effectué l’excision. (Rahman & Toubia 2000:207)
L’ethnie des Diolas
La Casamance est une région située au sud du Sénégal, précisément au sud de la Gambie, on y rencontre plusieurs ethnies dont les Diolas qui sont majoritaires dans la zone. Les Diolas représentent 4% de la population Sénégalaise et ils sont en général des cultivateurs spécialisés dans la production de riz (Dellenborg 2007:6).
L’ethnie Diola subi une forte influence des valeurs culturelles de l’ethnie Mandingue qui a longtemps été une ethnie voisine. Les Diolas ont adopté par exemple la hiérarchie sociale de l’âge et du sexe de chez les Mandingues. L’influence se remarque aussi au niveau de la langue des Diolas qui ont emprunté plusieurs mots de la langue Mandingue (Dellenborg 2007:7).
La majorité des Diolas sont musulmans mais il existe aussi une minorité catholique. Les Mandingues ont aussi introduit l’Islam chez les Diolas durant le 20ème siècle, ils ont promu l’excision comme pratique islamique au sein de cette ethnie. Pour les Diolas, les Mandingues constituent une référence et ceci se constate au niveau des différentes influences sociales et religieuses dans la vie des Diolas. Donc, par l’influence religieuse, les Mandingues ont réussi introduire l’excision chez les Diolas et dans le cas de ces derniers, seuls les musulmans s’adonnent à cette pratique et non les Diolas Chrétiens. L’attitude vis-à-vis de l’excision diffère selon le niveau de contact culturel avec les Mandingues (Dellenborg 2007:9). Dans cette ethnie, le type de MSF de type II est le type le plus commun.
A l’introduction de cette pratique en milieu Diolas, ce sont les jeunes femmes qui ont joué un rôle actif (Dellenborg, 2007 :2). Se faire exciser était pour les femmes une façon de se réclamer l’égal des hommes en considérant que ceci est une recommandation de la religion musulmane (Dellenborg 2001:11).
L’ONG de Tostan
Au Sénégal, Tostan est une ONG internationale qui est spécialisée dans l’éducation non formelle. Tostan est un mot dans la langue wolof qui signifie « percée » ou « révolution ». L’organisation a été fondée en 1996 par une américaine, Molly Melching. Actuellement, l’organisation est active dans six pays africains : Sénégal, Guinée, Gambie, Mauritanie Somalie et Djibouti. Tostan avait aussi des activités au Burkina Faso, au Mali et au Soudan. (Tostan1)
Tostan a développé et perfectionné une méthode basée sur la promotion des droits humains. Cette méthode permet d’intervenir et d’apporter des changements au niveau de la convention sociale, de l’action collective et de la diffusion organisée. Cette organisation a été jugée positive aussi bien par l’OMS que par l’UNICEF (UNCEF 2005a :31) (WHO 1999 :192).
Au Sénégal, l’organisation a un bureau international à Dakar, un bureau national dans le Thiès et des bureaux régionaux dans différentes régions au Sénégal. Un grand bureau régional est situé dans la ville Ziguinchor qui est la plus grande ville en Casamance. Ce bureau travaille seulement avec les Diolas Tostan a mit en place, en collaboration avec l’UNICEF, dans les 11 régions du Sénégal un programme collectif d’émancipation des communautés qui dure 30 mois. La stratégie d’intervention est bâtie autour d’un comité local de gestion et de coordination des activités de Tostan au sein des communautés et ainsi assurer le lien et l’efficacité des actions de celle-ci sur les communautés.
Pour rendre ses actions d’éducation plus efficaces, Tostan a établi au niveau des communautés où elle intervient deux classes. Les deux classes sont composées chacune de 25 personnes. Chaque groupe de 25 individus de même sexe est composé de personnes issues de la même génération, c’est-à-dire un groupe de femmes et un groupe de filles. Les thèmes d’étude concernent la démocratie et les droits humains, la résolution des problèmes, l’hygiène et la santé, l’alphabétisation, les méthodes de calcul et de gestion ; seul un cours concerne directement l’excision des femmes. Alors on sensibilise les apprenants autour de l’excision des femmes à travers les cours de santé et Hygiène et les droits humains. Ainsi, le programme participe au changement social en contribuant au développement de compétences aidant à la réflexion et à une vision critique de la société. Il permet aussi un dialogue entre les différentes composantes de la communauté à travers des leçons regroupant des femmes, des garçons, des jeunes, des personnes âgées et les différentes ethnies composant la communauté.
Ce programme, créé et mis en œuvre par Tostan, a eu des résultats fulgurants notamment dans le cadre de la lutte contre la pratique de la MSF au Sénégal. Il permet aux femmes et aux filles, grâce aux connaissances acquises sur les droits humains, de poser un regard critique sur leur communauté et évaluer la pratique de ces droits.
C’était en 1997, qu’un groupe de femmes du village de Malicounda Bambara a fait devant vingt journalistes une déclaration, prenant ainsi la décision d’endiguer la pratique de la MSF. Les femmes avaient participé au programme d’éducation de Tostan, et c’est donc grâce aux connaissances qu’elles y ont acquises qu’elles ont été motivées à prendre cette décision. Selon Tostan, 2336 villages au Sénégal ont déclaré l’abandon de la pratique depuis l’événement de Malicounda Bambara. (Tostan2) Ceci a contribué à renforcer l’idée d’un abandon au sein des communautés les plus réticentes. (UNICEF 2005a : 32) C’est la population de villageoise qui décide si elle veut faire une déclaration, et Tostan l’aide à la réaliser.
C’est le président de la communauté rurale qui propose à Tostan des villages où elle peut intervenir, ensuite l’organisation y mène des enquêtes pour confirmer la mise en place du programme dans le village désigné. Après les enquêtes et la désignation, l’accord du chef de village est nécessaire avant l’intervention du projet. Les différents programmes durent 3 ans et sont composés de 120 leçons de 3 heures chacune. Les leçons se déroulent durant l’après midi, quand c’est l’heure de repos pour permettre aux femmes de participer. Les programmes sont réalisés par des moniteurs ou monitrices qui sont formés par Tostan et qui ne sont pas originaires du village. Ce système de moniteurs étrangers permet de donner à ceux-ci la possibilité d’acquérir un statut respectable car cela serait plus difficile s’ils étaient originaires du village. L’objectif principal de Tostan est de donner aux femmes de « l’empowerment ».
